Écoute, Canada!

Guide de l’enseignant inspiré par la musique et la pédagogie du compositeur canadien R. Murray Schafer

Niveaux
3e-6e année

Le concert dans la Forêt des Accords

Introduction et matériaux

Un groupe inhabituel de musiciens s’est installé dans des instruments abandonnés au coeur de la Forêt des Accords. Dirigés par leur chef, Petit, leur plaisir de créer de la musique ensemble n’est entaché que par les Grognons, des bêtes assez inquiétantes qui vivent de l’autre côté du ruisseau. Un été chaud et sec rapproche les deux groupes un peu trop au goût des musiciens, et les tensions montent jusqu’à ce que Petit imagine une solution musicale.

Idées principales : La musique nous entoure. L’intention change le son de la musique.

Activité éducationnelle : Les élèves réagissent à un court récit en déterminant la structure dramatique et le paysage sonore de l’histoire.

Matériaux:

  • Ensemble de fiches sur les instruments d’orchestre (optionnel)
  • Petits instruments de percussion et/ou sons trouvés

Avant de lire l’histoire

Demandez : Qu’est-ce que la musique? De quoi avez-vous besoin pour faire de la musique? La musique est-elle toujours écrite? (Prenez note des réponses pour plus tard).

Questions sur les orchestres : Les élèves ont-ils déjà entendu un orchestre? S’agissait-il d’un concert en direct ou d’un enregistrement? Quels sont les instruments de l’orchestre?

Lecture de l’histoire

Lisez Le concert dans la Forêt des Accords à haute voix.

Étape 1. Avant de commencer la lecture, demandez aux élèves de vous indiquer lorsqu’ils entendent parler d’un instrument.

Étape 2. Faites une pause à « Que leur arrivera-t-il si les Grognons parviennent à la forêt dans tout leur désordre et leur cacophonie? » Demandez aux élèves d’identifier le problème, d’abord du point de vue des musiciens, puis de celui des Grognons.

Étape 3. Pendant cette pause, mettez en scène une assemblée générale avec les élèves dans les rôles de Petit et des musiciens. Vous pourriez tenir le rôle de médiateur et diriger l’assemblée en présentant le problème. En tenant chacun son rôle, demandez aux élèves de trouver plusieurs solutions au problème.

Étape 4. Reprenez la lecture de l’histoire jusqu’à la fin. Comment le problème a-t-il été résolu dans l’histoire?

Étape 5. Demandez : Avant que nous ne lisions l’histoire, je vous ai posé des questions au sujet de la musique. Regardons ces questions à nouveau pour voir si vos réponses ont changé.

Étape 6. Menez une discussion à partir des réponses et voyez quelles conclusions peuvent en être tirées. Attendez-vous à un éventail de réponses! Par exemple :

  • Les sons forment la musique.
  • La musique découle de sons planifiés.
  • Ce qui est de la musique aux oreilles d’une personne est du bruit aux oreilles d’une autre.
  • La musique n’a pas besoin d’être écrite.
  • Vous pouvez créer de la musique à partir de presque n’importe quoi!
  • L'histoire : « Le concert dans la Forêt des Accords »

    par Tim Wynne-Jones ● illustré par Jo Rioux

    Petit Rathbone vit dans un piano abandonné au beau milieu de la Forêt des Accords. Petit Rathbone est… tout petit. Et comme sa maison-piano est grande, il y est bien à l’aise. Il dort dans un étui d’alto et se protège du froid en brûlant des vieilles partitions dans une timbale qui lui sert de foyer. La Forêt des Accords est pleine d’instruments abandonnés car, selon la légende, un orchestre grandiose habitait ces lieux autrefois.

    Petit, qui se nourrit de musique, n’a pas à chercher bien loin pour satisfaire sa faim. Son plat préféré? De la soupe au chant de huard, avec de la gelée aux hurlements de loups – il aime bien regarder osciller la gelée.

    « Les musiciens de l’orchestre devaient être bien pressés pour quitter la forêt si précipitamment », commente Ivy en cueillant comme un fruit une cloche de vache dans un arbuste.

    « Les Grognons ont peut-être trouvé un moyen de traverser le ruisseau », propose Django. Les Grognons rendent Django très nerveux… sauf lorsqu’il racle quelque chose : guitare, cithare, luth. Il peut jouer n’importe quel type de cordes, même des lacets, des yoyos et des spaghettis, s’ils ne sont pas trop cuits.

    Ivy, pour sa part, a un sens du rythme incroyable. Ses coups résonnent sur les xylophones, les tambours… et sur la cloche de vache qu’elle frappe à l’instant de quelques coups bien placés.

    « Pas si fort!, s’exclame Django. Les Grognons vont t’entendre. »

    Il y a effectivement, au bord du ruisseau des Accords, un petit troupeau de ces bêtes mâchouillant des pousses de cannes de bonbon.

    « Calme-toi, lui répond Petit. Jamais ils ne pourront traverser le pont. »

    Petit a raison. Bâti à partir de vieux bassons unis par des cordes de violons, le pont est un défi périlleux pour ces animaux à sabots.

    Ivy fait tinter la cloche de nouveau. « Ces vieilles bêtes ne me font pas peur », affirme-t-elle.

    Ce qui n’est pas tout à fait vrai. Ils ont tous un peu peur de ces créatures. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils habitent dans la forêt, alors que les Grognons sont installés de l’autre côté du ruisseau, où ils passent leur temps à engloutir des vers de terre en gelée et de la réglisse sauvage tout en grognant, en criant, en beuglant…

    Oh, mais quel tohu-bohu!

    Les trois amis se bouchent les oreilles.

    Les Grognons n’aiment pas la musique. Ils aiment le bruit, le vacarme et tout spécialement les cris aigus des victimes qui ont droit à des petits coups de leurs cornes, se font écraser les orteils de leurs sabots ou surprendre par leurs beuglements sourds. C’est pourquoi Petit et ses amis musicaux restent bien à l’abri dans la forêt, où ils mêlent leur musique aux mélodies sauvages de la forêt.

    En plein coeur de la forêt, il y a une niche bordée d’un côté par une falaise et des trois autres par des collines ondoyantes : un petit amphithéâtre de rêve où l’on peut entendre le clapotis d’un ruisseau qui coule en murmurant des mélodies rafraîchissantes.

    « Jouons Quelque chose d’un peu différent », dit Petit, un beau soir de printemps, du haut de la souche qui lui sert de podium. Et aussitôt, l’orchestre – formé de tous les enfants de la forêt – sait ce qu’il veut dire.

    « Écoutez », dit Petit. Et tous tendent l’oreille.

    Un profond silence les entoure, brisé seulement par le souffle de la forêt. Puis, les cordes se mettent à vibrer au diapason de la sérénade du vent qui siffle à travers les feuilles. Les flûtes et les hautbois s’accordent au son des éclaboussures du ruisseau. Les cors anglais répondent aux cancanages d’une bande de canards qui survole la scène.

    « Plus d’oiseaux », commande Petit à la section des vents.

    « Mettez-y du coucher de soleil », dit-il aux cors.

    « Ajoutez un air nocturne », ordonne-t-il aux violoncelles et aux contrebasses.

    Quelque chose d’un peu différent est différent à tout coup. Oh, ils ont beaucoup de plaisir à interpréter des partitions, mais parfois rien ne vaut une bonne séance d’improvisation – écouter tous ensemble la musique de la forêt et jouer en harmonie avec la nature.

    « Shhh », dit Petit aux cors dont le soleil couchant est un peu trop brillant.

    « Shhh », fait-il aux vents, car la nuit est tombée et les oiseaux cherchent le sommeil.

    « Shhh », dit-il à Ivy, qui ralentit le rythme de ses timbales pour battre les pulsations de la forêt endormie. Et Django, fin joueur de mandoline, l’accompagne d’une douce berceuse.

    Un été brûlant s’installe et bientôt la réglisse sauvage se dessèche, les cannes de bonbon qui poussent le long du ruisseau se fanent et les vers de terre en gelée s’enfoncent profondément dans le sol. Les Grognons deviennent agités et particulièrement bruyants.

    « Tout ce grabuge ne me dit rien de bon », dit Django.

    Les bêtes dévorent la forêt ombragée des yeux. Oui, ils ont peur de l’eau, mais…

    « Qu’arrivera-t-il si le ruisseau s’assèche? », demande Ivy.

    « Oh non », dit Django.

    « Hmmm », fait Petit. Le ruisseau semble, en effet, se vider petit à petit. Que leur arrivera-t-il si les Grognons parviennent à la forêt dans tout leur désordre et leur cacophonie?

    Un Grognon trébuche et heurte son compagnon qui se met à hurler : « Fais attention! » « Non toi fais attention! », lui lance le premier. Et voilà que tout le troupeau s’en mêle; l’un pousse, l’autre bouscule, et tout n’est plus que grognements, meuglements, sifflements, rugissements…

    « Argh! », se lamente Django en se bouchant les oreilles.

    « Oh là là! », lance Ivy en faisant de même.

    Petit, pour sa part, tend l’oreille, le sourire aux lèvres. Il vient d’avoir une idée.

    « Rassemble tous les enfants de la forêt dans la niche, commande-t-il à Django. Nous allons donner un concert – et cette fois avec un auditoire. »

    Ivy le raccompagne à son piano-maison.

    « Tu veux bien m’aider? », lui demande-t-il en agrippant un gros rouleau de tapis rouge qu’il gardait dans un coin de sa chambre. L’orchestre d’autrefois devait le dérouler pour accueillir des chefs d’orchestre et des sopranos.

    « Qu’allons-nous en faire? », demande Ivy.

    « Tu vas voir », répond Petit.

    Pendant ce temps, au ruisseau des Accords, la cacophonie règne toujours.

    « Votre attention s’il vous plaît! », s’écrie Petit en arrivant.

    Et pour bien capter l’attention de tous les Grognons, Ivy donne un retentissant coup de cymbales.

    « Vous êtes invités à un concert », leur annonce-t-il.

    « Ah oui? », dit Ivy avec surprise.

    « Un concert? demande une des bêtes. Nous détestons la musique! »

    « Je sais, lui répond Petit. Mais vous aimez le grabuge et puisque vous étouffez de chaleur et d’ennui, pourquoi ne pas vous joindre à nous? »

    « C’est un piège! », lance le plus gros des Grognons.

    « Non, lui répond Petit. Nous allons jouer pour vous et vous allez adorer ça. »

    « Tu as perdu la tête? », chuchote Ivy.

    Mais Petit a encore toute sa tête. Il voit bien que les Grognons cherchent désespérément de quoi s’occuper.

    « Comment allons-nous traverser? », s’interroge le chef des bêtes.

    À ce moment, Petit et Ivy déroulent le tapis rouge sur le pont de bassons.

    « Suivez-moi », leur dit Petit.

    « Et pas de simagrées! », les prévient Ivy.

    Ils peuvent déjà entendre l’orchestre répéter dans la niche.

    « Mais ce n’est pas mauvais du tout! », s’exclame l’un des Grognons.

    « Vous n’avez encore rien entendu », répond Petit avant de prendre place au podium et de demander le silence. Les enfants de la Fôret des Accords gardent d’un air apeuré les bêtes tout autour d’eux.

    « Mais quelle idée! », murmure Django.

    « Fais-moi confiance – branche ta guitare », lance Petit.

    « Alors maestro, qu’est-ce qu’on joue? demande le violon solo. Schubert, Schönberg, Schafer? »

    « Pas pour cet auditoire, chuchote Petit. Nous devons d’abord les gagner graduellement à notre cause. Jouez chacun votre composition préférée. Jouez-la fort et jouez-la encore et encore. »

    « En même temps? demande Ivy. Fantastique! »

    Au plus grand plaisir des Grognons, la forêt tout entière se met à vibrer d’un chahut épouvantable. Et, effectivement, c’est fantastique. Et assourdissant.

    À la fin, une explosion de cris et de sifflements salue les musiciens. Les bêtes auraient applaudi, si ce n’était de leurs sabots. Un simple coup d’oeil suffit à Petit pour comprendre que les Grognons ont perdu leur mauvaise humeur.

    « Vous en connaissez d’autres? », demande quelqu’un dans la foule.

    « Oui, renchérit un autre, jouez-nous quelque chose d’autre! »

    Tous les yeux de l’orchestre sont braqués sur Petit.

    Django a l’air effrayé, Ivy agrippe ses baguettes avec force et le violon solo semble affligé d’un hoquet persistant.

    Mais Petit est prêt.

    « Jouons Quelque chose d’un peu différent », dit-il.

    « Qu’est-ce que c’est? », demande une des bêtes.

    « Shhh », fait Petit, et tout le monde se tait.

    Les violoncelles ouvrent le bal, d’abord incertains et tremblants.

    « Bien, dit Petit, mais nous avons besoin d’un vrai grondement. » Il pointe sa baguette en direction des contrebasses, qui commencent aussitôt à gronder. « Et maintenant vous! », dit-il en montrant du doigt une vieille bête qui en est si surprise qu’elle laisse échapper un énorme grognement.

    « Meuh », fait Petit. « Meuh », lui répondent les cors. « Encore plus de meuh! », s’exclame le chef d’orchestre. Et voilà qu’un couple de Grognons s’en donne à coeur joie en parfaite harmonie.

    « Excellent! s’écrie Petit. Ça c’est du beuglement! »

    Un par un, sous la direction du maestro, tous les Grognons se joignent à l’heureuse cacophonie, grognant, ronchonnant, sifflant, beuglant – et même rugissant – en suivant bien sagement la baguette. Après un peu de pratique, ils apprennent même à arrêter au signal de Petit. Tous ont l’occasion de beugler et de fanfaronner à souhait, et s’en tirent très bien.

    Oh, mais quel tapage glorieux. Et un tapage glorieux, ce n’est pas que du bruit : c’est Quelque chose d’un peu différent. Mais ne dites surtout pas aux Grognons qu’il s’agit de musique, car ils se sont si bien amusés qu’ils demandent la permission de revenir pour d’autres concerts. Petit dit : « Oui. » Ivy dit : « Mais pas de simagrées! »

    Et les rires éclatent de toutes parts… jusqu’à ce que le chef lève sa baguette.

Composition du paysage sonore

Créez votre propre version de Quelque chose d’un peu différent.

Étape 1. Relisez l’histoire et remarquez comment les enfants ont créé leur première version de Quelque chose d’un peu différent.

  • Ils ont commencé par remarquer tous les sons qui les entourent.
  • Puis, ils se sont mis à imiter ces sons.
  • Ils ont donné des suggestions sur ce qu’il fallait rajouter et sur le volume auquel il fallait jouer.
  • Petit a dirigé.
  • Il y a eu un peu de tapage au début.
  • Puis les sons se sont graduellement adoucis…
  • Et se sont ralentis…
  • Pour se terminer en berceuse.

Étape 2. Posez les questions suivantes :

  • En quoi la deuxième version (avec les Grognons) est-elle différente?
  • Comment pouvons-nous créer Quelque chose d’un peu différent?

Étape 3. Demandez à chaque élève de faire un son spécial (il peut s’agir d’un son de l’environnement, de petits instruments de percussion, ou d’un son nouveau).

Étape 4. Demandez-leur de diriger à tour de rôle.

Posez la question : Quels signaux utiliserez-vous pour jouer plus fort/doux, plus lentement/rapidement?

Étape 5. Présentez une exécution de l’oeuvre une fois que vous aurez décidé comment commencer, dans quel ordre les sons seront entendus et comment terminer.

Approfondissement

Arts du langage

Traits de caractère des personnages : Choisissez l’un des personnages de l’histoire et énumérez dix choses que vous savez à son sujet. Puis faites une liste décrivant l’aspect physique de votre personnage. Comparez vos listes avec un camarade de classe. Quels traits de caractères communs avez-vous trouvés?

Études sociales

En utilisant les informations contenues dans l’histoire, dressez une carte géographique montrant l’aménagement de la Forêt des Accords. (Note à l’enseignant : La carte devrait contenir la clairière dans les bois, la haute falaise, le ruisseau, et les trois collines en pente douce.)

Arts visuels

Utilisez une grande feuille de papier et peignez le ciel, les arbres et le ruisseau. Dressez une liste de tous les instruments mentionnés dans l’histoire et demandez aux élèves de les dessiner en utilisant des crayons feutre, des crayons de couleur ou des pastels. Ayez certaines fiches d’instruments de musique à portée de la main pour référence. Lorsque les dessins sont terminés, découpez-les, puis collez-les sur la grande feuille.

Musique

Créez une trame sonore avec la musique de R. Murray Schafer et/ou d’autres compositeurs. Commencez par noter les endroits de l’histoire où un effet sonore spécial serait indiqué, puis écoutez la musique et reliez ces endroits à des extraits enregistrés spécifiques. Dressez une liste notant tous les intervalles de temps nécessaires, et essayez de narrer l’histoire avec la trame sonore ajoutée!

Éducation du caractère

Examinez pourquoi les enfants de la Forêt des Accords ne s’entendent pas avec les Grognons. Comment Petit change-t-il leurs relations?

Personnages musicaux de la Forêt des Accords

Joue-les à la flûte à bec, à la flûte ou sur un autre instrument...

Petit, le ruisseau et les Grognions sont des personnages très différents. Voyons les sons que leur prête la compositrice Marcelline Moody.

Télécharger : Personnages musicaux de la Forêt des Accords et les versions additionnelles de l’Air de Petit et l’Ostinato de ruisseau

Air de Petit

Voici l’Air de Petit pour ta flûte à bec ou un autre instrument. As-tu une idée de paroles?

Chant des Grognons

Crée le Chant des Grognons avec deux amis! Lisez la grille de gauche à droite. Pratiquez chaque voix séparément, puis essayez les trois ensemble. Comptez d’abord jusqu’à huit en tapant dans vos mains sur les temps marqués d’un symbole. Une fois que vous aurez bien assimilé le rythme, chaque personne peut choisir une voix (aiguë, médiane ou grave) et couiner, mugir ou grogner au lieu de taper dans les mains. Quand les trois voix sont bien synchronisées, c’est super!

Ostinato du ruisseau pour l’Air de Petit

Voici l’Ostinato du ruisseau pour l’Air de Petit. Tu peux le chanter ou le jouer à la flûte à bec, au xylophone ou au métallophone. Pour t’aider à trouver le rythme, commence par dire les mots à haute voix.

Tes amis et toi, essayez de jouer les trois parties en même temps!