Nous finançons le risque : voilà le slogan du Fonds national de création. Et en effet, la création artistique est par nature risquée, réunissant des composantes créatives et logistiques d’une manière inédite, pour répondre à la question « Et si…? ». Ce qui est à la fois beau et exaspérant, c’est qu’en création artistique, il n’y a aucune garantie de succès ou d’échec, et c’est dans ce jeu d’équilibriste que réside le véritable génie. Les équipes de création soutenues par le Fonds vivent sur la corde raide : elles risquent le tout pour le tout en explorant à fond des idées audacieuses. Quelques exemples…
Et si un orchestre, un concepteur rythmique et une troupe de danse contemporaine inventaient ensemble un nouveau langage artistique et transformaient la scène en cœur battant, synthèse de centaines d’heures de travaux scientifiques?
Et si un collectif d’artistes enthousiastes décidait d’honorer Julius Eastman, compositeur minimaliste noir et queer, en créant un spectacle qui, à l’image de leur sujet, refuse de se cantonner à une discipline et trouve sa place dans les riches complexités de l’entre-deux?
En avril, nous découvrirons ce qui peut naître de ces paris risqués à l’occasion de la première de Searching for Eastman au Canadian Stage et, la même journée, de celle de Symphonie de cœurs à Danse Danse!
Le risque artistique ne doit pas être évité, mais plutôt assumé. Qu’est-ce que l’expertise créative des artistes peut apporter à nos communautés, et vice versa, alors que nous devons tous composer avec l’inégalité face au risque? Le risque artistique est-il une responsabilité civique? Comment peut-on respecter le risque et le voir comme un facteur de résilience communautaire plutôt qu’un handicap? Comment peut-on inviter le public à se faire complice du risque?
L’équipe du Fonds expérimente sans relâche pour trouver des moyens d’assumer le risque. Voici quelques gestes en ce sens :
- « Producing Fundamentals » avec Camilla Holland : Nous venons tout juste d’organiser une série de conversations pour les productrices et producteurs des spectacles soutenus par le Fonds. Le sujet? Le b.a.-ba (budgets, échéances, contrats…) de la production d’œuvres audacieuses et ambitieuses. D’autres échanges sont prévus (et nous cherchons des moyens de diffuser plus largement l’information!).
- Intervention critique (Critical Response Process) avec Joyce Rosario : Nous continuons d’intégrer ce principe à notre processus de sélection pour enrichir nos rencontres avec les artistes.
- Accessibilité : Nous croyons que l’accessibilité est une pratique créative qui rend les spectacles plus agréables pour tout le monde. Notre formidable équipe de spécialistes en accessibilité (Shay Erlich, Syrus Marcus Ware et Erin Clark) participe à la première phase d’examen des propositions, et nous encourageons les artistes à expliquer leur approche et à poser leurs questions sur l’intégration de l’accessibilité aux processus de création et de production. Ensemble, nous trouverons les réponses!
Et – comme toujours – nous soutenons les processus créatifs audacieux! Nous avons d’ailleurs l’immense plaisir d’annoncer notre tout dernier investissement : Salesman in China.
Salesman in China
Stratford Festival
Salesman in China est une œuvre de Jovanni Sy 施崇梵 et de Leanna Brodie 白仁耐 qui sera créée au Festival de Stratford en août. Elle raconte un moment charnière dans l’histoire du théâtre et des relations internationales : la visite du dramaturge américain Arthur Miller à Beijing en 1983 pour mettre en scène une version en mandarin de Death of a Salesman (Mort d’un commis voyageur, VF).
« Salesman in China est une histoire à grand déploiement. Pour la majeure partie de mes 32 ans de carrière, les pièces de théâtre canadiennes reflétant la diaspora asiatique étaient écrites pour tout au plus quatre interprètes et jouées dans des studios ou des salles de type boîte noire de 80 places. On exhortait les artistes d’origine canado-asiatique à tempérer leur enthousiasme et à “voir petit”. Cette mentalité étriquée freinait toute ambition de monter des œuvres d’envergure sur de grandes scènes. En août 2024, Salesman in China, fruit de mon travail avec Leanna Brodie, sera présenté sur l’une des plus grandes scènes du Canada avec une distribution bilingue (anglais et mandarin) de 21 interprètes. » – Jovanni Sy 施崇梵, metteur en scèn et co-auteur.
« À plusieurs reprises pendant l’écriture de cette pièce, au moment de prendre un énorme risque artistique ou financier, Jovanni et moi nous sommes dit que si nous ne pariions pas sur nous-mêmes, personne d’autre ne le ferait. À une époque où le milieu artistique canadien se fait dire de toutes parts qu’il faut rêver moins grand (ou pas du tout), le Fonds national de création est là pour soutenir des œuvres ambitieuses et de grande envergure. Salesman in China a le potentiel de nous rassembler, de nous émerveiller, de nous enchanter, de triompher de toutes les forces qui semblent vouloir nous diviser et nous isoler. » – Leanna Brodie 白仁耐, co-auteure
C’est pour nous une grande fierté de soutenir le magnifique travail de Jovanni Sy 施崇梵 et Leanna Brodie 白仁耐 et d’investir dans le développement d’une nouvelle technologie de surtitrage dynamique ainsi que dans des processus bonifiés de création et de répétition pour la distribution anglophone et mandarinophone (une première pour le Festival de Stratford!).
Bon Mois de la Francophonie! Nos collègues de la Fondation du CNA ont rédigé un excellent article sur deux fabuleuses compagnies francophones, Porte Parole et Le Patin Libre, que nous avons eu le plaisir de soutenir, et dont les spectacles sont en tournée au Canada et à l’étranger.