“Onah” ou l’idéalisme de l’art noir

Pour célébrer virtuellement les fêtes, le Centre national des Arts présentera de nouveau l’œuvre de Jimmy Baptiste, Onah, sur la Lanterne Kipnes en espérant qu’elle apporte un peu de lumière à la capitale pendant la saison froide. L’œuvre de l’artiste canado-haïtien était à l’origine une commande du CNA pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs en 2023.

Si on le connaît surtout comme artiste muraliste et graffiti, Jimmy Baptiste travaille depuis près de 20 ans auprès des jeunes avec des projets de murales autant à Montréal qu’à Ottawa et ailleurs au Canada. L'artiste engagé de 43 ans se rend également une fois par année dans des communautés des premières nations pour y mener différents projets artistiques. 

On a discuté avec le graphiste Jimmy Baptiste de son œuvre, de sa vision de l’art et de l’importance de la représentation.

Q. : Votre œuvre d’art est une explosion de couleurs, un mélange de styles, ou tout se mêle harmonieusement. Comment la décririez-vous?

Jimmy Baptiste: Onah, c’est vraiment le paroxysme de ce que je voudrais créer dans le futur. Un mélange de l’art afro, noir, futuriste, surréaliste avec une touche de réalisme et où mon influence du graffiti est présente. J’avais cette vision d'un personnage avec dreads et des fils mécaniques qui s’entrelacent et qui porte des lunettes futuristes. Et comme j’adore la nature, j’ai ajouté des éléments comme des oiseaux, des papillons qui se déposent sur elle. Ça crée un certain équilibre. Pour les couleurs, j’ai pris celles omniprésentes dans les linges africains : du vert, du jaune, du rose. Et j’ai essayé de l’imaginer sur une grande surface. C’est pour ça que c’est très coloré et très dynamique.

Q. : La représentation des minorités est constante dans vos œuvres. Quel est le message que vous passez à travers ces dernières?

J. B. : Depuis quelques années, je me concentre vraiment à ce qu’il y ait une grande représentation d’artistes ou de personnages afro et noir dans mes œuvres. Et le message que je passe souvent, c’est l’importance de la représentation et de l’identité. Je peinture beaucoup de murales à Ottawa et, chaque fois que des personnes de couleurs passent, elles me disent : « Merci de faire de la représentation! Merci de nous mettre dans des endroits où on peut se voir grand, se voir beau et se voir important. » J’espère aussi inspirer et encourager des jeunes ou même d’autres artistes à avoir leurs œuvres sur les murs du CNA. Qu’ils n’aient pas peur de montrer leur « Blackness ». Montrons-la!

Q. : Votre œuvre regorge de détails. À chaque observation, on découvre un nouvel élément. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre façon de les travailler?

J. B. : J’adore le détail! Mais je dois m’imposer des limites, parce que je pourrais en ajouter encore. Je me crée une palette de couleur pour me restreindre et je joue avec les nuances pour donner de l’impact. Ici, je me suis concentré à mettre l’emphase sur le visage, les mains et les oiseaux. Ce sont les éléments qui ont le plus de détails et de couleurs. Le reste a des couleurs plus simples, pour permettre à ces éléments de ressortir. Je fais aussi beaucoup de recherche visuelle pour comprendre comment les fils s’entrelacent avant de les ajouter à ma composition.

Q. : Quelles sont vos influences artistiques?

J. B.: J’ai toujours été fasciné par les robots et les mangas. Et depuis quelques années, je me concentre à créer des œuvres inspirées du mouvement afrofuturiste – un mouvement qui pousse la conversation autour de l’idéalisme de l’art noir. Avant, ce qu’on voyait souvent c’étaient des œuvres avec des références à l’esclavage ou à des histoires plus négatives. Mais nous, on a une vision plus futuriste, une vision où on se mélange avec les éléments technologiques. J’ai étudié l’art, surtout l’art européen, et c’était mon influence jusqu’au début de ma trentaine. Mais à cette époque je me suis dit : « j’adore ces artistes, mais je veux peindre noir! »

Q. : Qu'éprouvez-vous en voyant votre travail briller sur la lanterne Kipnes au CNA, en plein cœur d’Ottawa, à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs?

J. B.: Je pense que de voir une œuvre de ce genre-là et aussi imposante va rendre la population et la communauté noire fières. Être présent pour le Mois de l’histoire des Noirs, c’est aussi une bonne façon de présenter mon travail pour qu’on puisse m’identifier dans mes deux styles, celui des murales et celui plus personnel.


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