skwtsa7s (Deadman’s Island)

Deadman’s Island, 1200 Stanley Park Dr, Vancouver, C-B
  • Avec Chief Kwakwee Baker

Promenez-vous dans les zones mises en évidence sur la carte pour écouter les histoires sur place. Tout ce dont vous avez besoin est un appareil avec vous qui peut ouvrir le lien dans un navigateur (connexion Internet requise).

Une petite île du quartier Coal Harbour, près du parc Stanley, est le cadre de skwtsa7s (Island of Dead Men), qui évoque le passionnant récit d’anciennes batailles entre les tribus du nord et du sud, bien avant le premier contact avec les Européens.

Transcription de l’histoire

[Personne 1 :] On avait l’habitude, après le souper, une fois la nuit tombée, de se rassembler autour du feu de camp pour écouter les récits des prouesses et des aventures de nos aînés. Les enfants avaient entendu ces histoires des centaines de fois, et pourtant, ils étaient chaque fois captivés par l’art des conteurs, les personnages, les intrigues, le mystère et la joie. Voici l’un de ces récits. 

[Personne 2 :] Il y a une île dans le quartier Coal Harbour de Vancouver qui a déjà été le théâtre d’une bataille sanglante. C’est ici que pousse la fleur de feu, là où deux cents guerriers sont tombés : c’est l’île de la mort ou l’île des morts. Son nom Skwxwú7mesh (Squamish) est skwtsa7s, qui veut simplement dire « île des morts ». Y êtes-vous déjà allés? J’y ai un jour flâné et me suis presque perdu plus d’une fois. 

[Personne 1 :] : Oui, c’est un endroit plutôt sauvage. Bon à pas grand-chose. 

[Personne 2 :] Certaines personnes pensent que ce lieu a beaucoup de valeur. Il y a plusieurs litiges et bien des débats à son propos. 

[Personne 1 :] Il y a toujours eu des querelles en ce qui concerne ce lieu. Il y a des centaines d’années, ils se sont battus pour lui, les membres de notre peuple. On dit que dans cent ans, tout le monde se disputera encore pour l’obtenir. La question n’a jamais été tranchée : à qui appartient cette île? Qui a des droits sur elle? Deadman’s Island est constamment un objet de querelle. 

[Personne 2 :] Alors des gens se sont battus entre eux pour l’avoir? 

[Personne 1 :] Ils se sont battus? Comme des lynx enragés! Ils se sont battus, se tuant les uns les autres jusqu’à ce que le sang ruisselle sur l’île à en tacher l’océan. C’est là, dit mon peuple, que la fleur de feu a été vue sur la côte, pour la première fois. 

[Personne 2 :] Est-elle d’une jolie couleur, cette fleur de feu? 

[Personne 1 :] Elle devrait l’être, d’une belle couleur, car elle est née et a poussé des cœurs et du sang de grands guerriers. J’ai rarement pu poser les yeux sur quelque chose de plus apaisant. On n’a plus d’hommes comme ceux-là, aujourd’hui. Plus de guerriers comme eux. Plus de courage comme le leur. Mais je vais vous raconter leur histoire. Pour l’instant, la paix. Même l’esprit de l’homme mort ne combat pas en cet instant. Mais longtemps après cette bataille, ces esprits ont lutté. 

[Personne 2 :] Et la légende? 

[Personne 1 :] On l’appelle « skwtsa7s », la légende de l’île des morts. 

La guerre était partout. De féroces tribus de la côte nordique rencontrèrent ici les tribus du sud, se battirent, incendièrent, torturèrent et tuèrent leurs ennemis. Les forêts étaient enfumées par les feux de camp, les goulets, étranglés par les canots de guerre, et le Créateur – qui était un homme de paix – se détournait de ses enfants autochtones. Il y avait de la discorde et des différends au sujet de cette île. Les chefs spirituels du nord revendiquaient en elle leur terrain de prière. Ceux du sud faisaient de même. Chaque groupe voulait en faire le bastion de sa sorcellerie, de sa magie, et faisait tout en son pouvoir pour écarter ses opposants. Les hommes du nord établirent leur camp sur la bordure boréale de l’île. Et ceux du sud s’installèrent sur son littoral austral. Toutes les factions dansèrent, chantèrent, brûlèrent leurs poudres magiques, firent des feux enchantés, mais aucune ne voulut céder, et aucune ne conquit les autres.  La guerre entre ces tribus eut lieu partout sur l’île, sur les eaux, sur le continent. Oui, le Créateur avait oublié ses enfants autochtones. Après bien des mois de combats enragés, les guerriers faiblissaient de chaque côté. Ils disaient que les chefs spirituels de leurs ennemis les avaient envoûtés, leur donnant des cœurs d’enfants et des bras de femmes. Alors amis et ennemis firent front commun pour bannir les hommes médecine de l’île et les reléguer aux cours d’eau. Puis, les guerriers reprirent la bataille. 

Le sang guerrier du nord vaincra toujours! Nous sommes les plus forts, les plus audacieux, les plus vifs. Nos muscles sont plus forts que les vôtres, nous avons de l’endurance! Oui, les tribus du nord vaincront toujours! 

Ah, mais l’art et la stratégie des tribus australes sont difficiles à parer, et nos flèches atteignent toujours leur cible. 

Tandis que les guerriers du nord suivaient les hommes médecine sur les cours d’eau pour s’assurer de leur exil, ceux du sud profitèrent de la nuit pour se faufiler chez leurs ennemis et prendre en otage leurs femmes, enfants et aînés. Ils les transportèrent sur l’île et les y retinrent captifs. Des canots de guerre encerclaient l’île comme une forteresse, de laquelle s’échappaient les sanglots des femmes, vieillards et enfants emprisonnés. Les hommes du nord attaquèrent sans relâche la forteresse de canots, en vain. L’air était lourd de flèches empoisonnées, l’eau, tachée de sang et de corps flottant à la surface. Le cercle de canots des guerriers du sud commença à s’amenuiser, car les flèches des hommes du nord atteignaient leur cible. Les canots dérivaient, vides, ou pire, pilotés par des morts. Les plus grands guerriers du sud étaient déjà tombés lorsque le plus vaillant combattant posa un gros moignon sur la berge orientale de l’île. Sans même se bâdrer des milliers d’armes brandies vers son cœur, il leva bravement la main, paume vers l’extérieur, signal des pourparlers. 

Ô, hommes des côtes nordiques! Vous êtes plus nombreux que nous, et votre endurance dépasse la nôtre. Nous avons faim. Nos captifs, vos femmes, vos enfants et les aînés ont diminué nos réserves de nourriture. Demain, nous tuerons tous les captifs devant vous, car nous ne pouvons plus les nourrir, ou vous pourrez les ravoir en échange de vos meilleurs et plus vaillants guerriers, un guerrier pour chaque captif. Si vous refusez nos conditions, nous nous battrons jusqu’à la fin. Qui acceptera de mourir à leur place? Parlez. Vous avez un choix à faire. 

Dans les canots nordiques, des dizaines et des dizaines de jeunes guerriers se levèrent. L’air se remplissait de joie et de cris. Le monde semblait vibrer au son de la voix de ces jeunes hommes qui acceptaient courageusement et sans équivoque le défi de la mort. 

Prenez-moi, mais redonnez-moi mon père! Prenez-moi et épargnez ma sœur! Prenez-moi, mais libérez ma femme et notre bébé. 

Alors, le pacte fut conclu. Deux cents héroïques jeunes hommes pagayèrent jusqu’à l’île, traversèrent la forteresse de canots et accostèrent la berge. Les femmes sanglotaient, les vieillards grommelaient et les enfants gémissaient. Mais ces jeunes hommes ne bronchaient pas, ne vacillaient pas. Les captifs libérés furent rapidement entourés des leurs, mais la fine fleur de leur nation était aux mains ennemies. Il y avait des combattants aguerris qui avaient participé à une cinquantaine de batailles et des jeunes qui tiraient à l’arc pour la première fois, mais leur cœur et leur sacrifice les unissaient. Ils se tenaient bravement devant une longue rangée de guerriers du sud, mentons relevés, la provocation dans leurs yeux. Chacun s’inclina pour déposer ses armes, se riant du défi de la mort. Mille flèches déchirèrent l’air et deux cents galants guerriers poussèrent leur dernier cri. Ces deux cents cœurs intrépides avaient cessé de battre. 

Au petit matin, les tribus du sud vinrent sur l’île à la recherche de l’endroit où leurs guerriers étaient tombés, mais leurs corps avaient disparu. Là où leur sang avait coulé, il n’y avait plus que de flamboyantes fleurs de feu, nées du sang de ces vaillants hommes. Crainte et terreur s’emparèrent des tribus du sud, qui quittèrent l’île sur le champ. À la nuit tombée, ils pilotèrent leurs canots, glissant silencieusement à travers les goulets, et mirent le cap vers le sud. On ne les revit plus jamais. 

[Personne 2 :] Wow, ce sont des hommes extraordinaires! 

[Personne 1 :] Oui, des hommes. Les hommes blancs appellent cet endroit « Deadman’s Island » [« île de l’homme mort »]. Mais nous, les Skwxwú7mesh (Squamish), l’appelons skwtsa7s, « l’île des hommes morts ». 

[Personne 2 :] Ce qui est certain, en ce qui concerne Deadman’s Island, c’est son nom – autrefois gravé sur des tombes de cèdre et de simples stèles – et ses tombeaux, qu’on ne peut plus voir aujourd’hui, lesquels comprennent, entre autres, les dépouilles d’Autochtones, de premiers colons, de personnes s’étant suicidées, de nouveau-nés ainsi que de victimes de la variole, du Grand incendie de Vancouver et d’accidents lors de la construction du chemin de fer Canadien Pacifique. 

 


Crédits

Chef Kwakwee Baker, direction artistique, narration, recherche d’histoire orale et production 
Cameron Peal, écriture, narration, montage audio et ingénierie
Soundscape Studios, enregistrement 

Références historiques orales supplémentaires : Chef Joe Mathias Capilino; Chef Gigimea Gigimea (Frank Baker); Chef Khatsilino; Frank Rivers, histoire de la nation Squamish; Pauline Johnson , « Legends of Vancouver »

SAVAGE SOCIETY (Vancouver)

Darylina Powderface, coordination de l’engagement communautaire 
Cameron Peal, coordination de production 
Sherri Sadler, marketing et communication 
Chelsea Carlson, productrice administrative 
Safoura Rigi-Ladiz, rédaction et vidéographie 
Heather Cant, consultation (Cités autochtones)

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