Les arts pour un avenir viable

Guide pédagogique: enseignement des arts et développement durable

Niveaux
7e-12e année/Sec I-Cégep

Durabilité pour les enseignant.e.s en arts

Qu’est-ce que la durabilité?

Commençons par le commencement! Qu’est-ce que la durabilité? Des termes comme durabilité et développement durable peuvent être rébarbatifs, voire éloigner plusieurs communautés. Plus souvent utilisés au sein des organismes gouvernementaux et scientifiques que dans les cours de musique, les salles de spectacles ou les studios d’arts visuels, ces termes sont flous et manquent d’élégance et d’humanité.

Toutefois, la durabilité est généralement un concept facile à comprendre! La durabilité est une question de responsabilité et d’imputabilité. Selon ce concept, il nous faut faire des choix conscients et informés dans notre vie quotidienne afin d’améliorer à la fois la santé des populations et de notre planète. En réaction à l’aggravation de nombreuses crises internationales, les Nations Unies ont lancé un appel à l’action en 2015, mettant de l’avant 17 Objectifs de développements durables (ODD); un plan basé sur la science pour nous assurer un avenir sain et radieux. Traitant de questions aussi diversifiées que l’inégalité raciale, la pollution des océans et l’insécurité alimentaire, les 17 objectifs sont regroupés sous trois piliers distincts:

1. Durabilité sociale (« Les populations »)

Il s’agit du bien-être des populations. Se retrouvent souvent sous ce pilier :
les questions relatives à l’éducation, aux soins de santé, au logement et à la qualité de vie.

2. Durabilité économique (« La prospérité »)

La manière dont la croissance stable des communautés, des systèmes
économiques, des entreprises et des organes directeurs impacte la vie des populations.

3. Durabilité environnementale (« La planète »)

L’utilisation de façon responsable des ressources naturelles de la Terre, pour
pouvoir satisfaire à la fois les besoins des populations d’aujourd’hui et de demain.

L’impact de l’art et des artistes

Les artistes sont des experts indépendants de leur propre processus créatif. Le sculpteur expérimenté travaille avec une intention claire, tout comme la ballerine se déplace avec grâce et éloquence. La créativité est un outil puissant – un outil qui s’apprend, s’enseigne et s’exerce par ceux et celles qui souhaitent créer un monde meilleur.

L’idée selon laquelle l’art n’a pas seulement un but esthétique risque de susciter la curiosité; de nombreux artistes refuseraient sans doute de dire que leur production artistique sert à une cause en particulier! Néanmoins, les chansons, les poèmes, les peintures et les autres formes d’art sont des modes d’expression servant à partager des émotions, des sentiments et des idées.

Par exemple, pensez à la musique des compositeurs d’Europe de l’Ouest Antonio Vivaldi (1678-1741), Ludwig van Beethoven (1770-1827) et Bedřich Smetana (1824-1884). Dans Les quatre saisons, Vivaldi capture le gazouillement des oiseaux et le doux bruit de l’eau vive, représentant ainsi la vivacité et l’éclat du monde extérieur. De même, La symphonie pastorale de Beethoven, inspiré par ses départs fréquents de Vienne vers la campagne, a passé l’épreuve du temps. Quant au compositeur Smetana, il déclare son amour du paysage montagneux tchèque à travers les mélodies sonores et les riches orchestrations du légendaire poème symphonique La Moldau.

La musique n’est qu’un des moyens utilisés par les artistes pour réfléchir à la nature et entrer en communion avec elle. Afin d’inciter le public à lutter contre les changements climatiques, l’artiste islando-danois Olafur Eliasson (né en 1967) a disposé 30 blocs de glaces arctiques devant le musée Tate Modern de Londres, au Royaume-Uni, en 2014. Tout en méditant sur le réchauffement du climat, les curieux et curieuses pouvaient assister à la fonte lente de ces imposants icebergs. De même, Climate Collection, créé en collaboration avec TED Countdown et le studio Fine Acts, offre des oeuvres d’art à télécharger gratuitement, dont l’objectif est de susciter la bienveillance à l’égard de la planète et des actions en faveur du climat. Créées par une communauté de graphistes de partout dans le monde, ces oeuvres d’art sont offertes gracieusement à des fins non commerciales – elles sont parfaites pour les murs de votre classe! Pour découvrir des exemples tirés du domaine de la danse et du théâtre, rendez-vous à la section Ressources supplémentaires.

L’idée qu’une personne puisse transformer son amour pour la nature en oeuvre d’art n’est pas nouvelle – et Vivaldi ni ses contemporains européens ont loin d’avoir été les premiers à le faire. Plus de dix mille ans avant la colonisation européenne, les peuples autochtones d’Amérique du Nord ont établi un lien avec la terre au moyen de la musique, de la danse, de récits et d’arts visuels. Des Mi’kmaq aux Nehiyawak (Cris), des Inuits aux Métis, les arts et la culture autochtones sont imprégnés du lien et du respect profonds entre les gens à leur environnement.

Les arts peuvent aussi être un vecteur de transformation sociale. Parfois qualifiée de « langage universel », la musique a maintes fois unifié et renforcé des communautés. Dans l’histoire américaine, citons l’exemple frappant de Nina Simone (1933-2003), célèbre militante des droits civiques qui s’est servie de ses chansons pour dénoncer le racisme systémique subi par le peuple afro-américain et la maltraitance généralisée des femmes. De même, l’artiste nehiyawak (crie) iskwē utilise une grande variété de formes d’art pour traiter des thèmes de l’injustice et du traumatisme intergénérationnel toujours présents dans la vie des peuples autochtones aujourd’hui.

Qu'est-ce qu'un avenir viable?

Et concrètement, à quoi ressemble un avenir viable? Dans un avenir viable, les populations peuvent subvenir à leurs besoins adéquatement sans compromettre la capacité des prochaines générations à faire de même.

Bien que les impacts désastreux des pratiques non durables puissent sembler chose du passé pour les populations des pays économiquement plus développés, il est important de savoir que les communautés défavorisées et celles vivant en marge de la société – culturellement, économiquement ou géographiquement – sont les premières à en souffrir. La durabilité est la responsabilité de tous et de toutes!

Alors, comment pouvons-nous parvenir à un avenir plus durable? Voici ce que disent les Nations Unies!

  • Durabilité sociale

    Éducation de qualité (Objectif 4): Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie

    Égalité entre les sexes (Objectif 5): Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles

    Inégalités réduites (Objectif 10): Réduire les inégalités dans le pays et d’un pays à l’autre

    Villes et communautés durables (Objectif 11): Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables

    Paix, justice et institutions efficaces (Objectif 16): Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous

    Partenariats pour la réalisation des objectifs (Objectif 17): Renforcer les moyens de mettre en oeuvre le Partenariat mondial pour le développement et le revitaliser

  • Durabilité environmentale

    Eau propre et assainissement (Objectif 6): Garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable

    Énergie propre et d’un coût abordable (Objectif 7): Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable

    Consommation et production responsables (Objectif 12): Établir des modes de consommation et de production durables

    Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques (Objectif 13): Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions en réglementant les émissions et en faisant la promotion des énergies renouvelables

    Vie aquatique (Objectif 14): Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable

    Vie terrestre (Objectif 15): Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité

Trois niveaux d'engagement

Pour favoriser le développement durable pendant l’enseignement des arts en salle d e classe, le personnel enseignant peut se servir de ces trois méthodes, librement inspirées des recherches en environnement du spécialiste canadien des arts David Maggs, Ph. D.

Créer en toute conscience

Au niveau le plus élémentaire, le pédagogue peut prendre du recul et évaluer l’impact potentiel d’une activité sur notre monde. Cette évaluation devrait tout prendre en compte, du matériel utilisé à l’espace physique jusqu’aux conséquences envisagées sur le plan social. Cette évaluation peut être effectuée avant une activité – ou alors pendant la réflexion suivant l’activité.

Voici quelques exemples des éléments que le personnel enseignant peut prendre en compte :

Quel sera l’impact de cette activité sur l’environnement? Quels sont les matériels utilisés? Peuvent-ils être réutilisés? Est-ce possible d’avoir recours à des matériels locaux? Les matériels sont-ils suremballés ou vendus dans des emballages en plastique à usage unique?

Comment cette activité peut-elle modifier la perception qu’un élève a de lui-même, des gens qui l’entourent ou de la nature? Est-ce que cette activité véhicule des messages ou des stéréotypes nuisibles? Est-ce que cette activité suggère que l’être humain peut s’approprier la nature? Comment un élève prenant part à cette activité peut-il se forger une opinion sur des enjeux mondiaux d’importance?

Prendre le temps de bien réfléchir aux répercussions concrètes d’un plan de cours ou d’un atelier peut être très révélateur!

Créer pour communiquer

Les pédagogues peuvent aussi favoriser la durabilité dans le cadre de l’enseignement des arts en esthétisant les idées et l’information à transmettre, c’est-à-dire en utilisant la musique, la danse ou d’autres formes d’art comme mode de communication.

Pensons aux messages puissants présentés dans les chants de protestation, aux perspectives révélatrices des photos argentiques ou au récit historique que nous transmettent les sculptures qui ont résisté au temps. Si la beauté est dans l’oeil de celui ou de celle qui regarde, les messages transmis par les oeuvres d’art peuvent aussi être appréciés à l’échelle communautaire.

Prenons l’exemple de l’oeuvre intitulée Non-violence de l’artiste suédois Carl Fredrik Reuterswärd, une énorme sculpture en bronze représentant un révolver au canon noué. Trônant fièrement au siège social des Nations Unies, cette oeuvre d’art monumentale est devenue un symbole des appels internationaux à la paix et à la sécurité. De même, l’artiste américain Ben Mirin crée sa musique à partir de sons qu’il enregistre dans la nature, notamment ceux des animaux sauvages en voie d’extinction : un appel sonore à la préservation des divers écosystèmes de la Terre.

Au moment d’élaborer son plan de cours ou son atelier, l’enseignant ou l’enseignante devrait prendre en compte les éléments suivants :

Comment cette activité peut-elle permettre aux élèves de communiquer leurs propres idées de façon artistique? Est-ce que l’activité permet aux élèves de partager leurs réflexions et leurs points de vue de façon créative?

Est-ce que les élèves ont accès à de l’information au sujet de la durabilité sociale, économique et environnementale? En supposant que les cours d’art constituent un espace privilégié pour communiquer de façon libre et créative, est-ce que les élèves sont au courant des crises et des injustices actuelles?

Créer l’avenir

Finalement, pour favoriser la durabilité par l’entremise des arts, les enseignantes et enseignants peuvent demander aux élèves d’activer leurs superpouvoirs créatifs. Cette méthode permet d’approfondir l’idée selon laquelle « la créativité est un outil puissant ». Posez-vous la question : quelles compétences particulières détiennent les artistes pour prendre les devants en matière d’avenir plus durable? Qu’est-ce qui les distingue?

Il est utile, en effet, de penser dès maintenant à ces questions délicates. Non seulement les artistes peuvent créer en toute conscience et en inspirer d’autres à faire de même, mais ils peuvent aussi créer des solutions adaptées – et construire l’avenir sain et radieux en lequel nous avons espoir. Équipés de leur créativité, de leur empathie et d’une perspective éclairée sur le monde, les élèves sont bien placés pour avoir un impact positif sur le monde. Alors, comment appliquer cette méthode en classe?

Tenez compte de ceci :

Est-ce que votre plan de cours ou votre atelier permet à l’élève de penser différemment, de sortir des sentiers battus? Est-il encouragé à le faire? Si un élève est confronté à un problème, permettez-lui de laisser libre cours à toute sa créativité pour le résoudre, si possible. À quelques exceptions près, les idées et les solutions novatrices bouleversent l’ordre établi.

Reconnaître les crises

Prendre soin de notre santé mentale et de notre bien-être est essentiel lorsqu’on prend conscience des dommages que continuent de subir les êtres humains et l’environnement. Mais il faut aussi reconnaître que c’est en raison de sa position de privilégié qu’un individu pourra subir moins d’injustices sociales, économiques et environnementales. Alors que plusieurs peuvent oublier les nouvelles des feux de forêt et des inondations en fermant leur ordinateur, ceux et celles forcés à migrer pour ces raisons sont incapables d’ignorer leur propre souffrance. Il faut l’admettre, il n’y a pas de feuille de route précise pour les artistes qui veulent sauver le monde, pas plus qu’il n’existe de méthode universellement acceptée, dans le domaine des arts, pour résoudre les nombreux problèmes de l’humanité. Pour qu’un artiste pratique son art de façon percutante et éloquente, il doit écouter le monde qui l’entoure avec empathie.

Au moment de discuter d’iniquité et d’injustice en salle de classe, il est important de créer un environnement d’apprentissage où les élèves se sentent à l’aise. L’accent devrait être mis sur la reconnaissance et le respect des diverses expériences et perspectives. De plus, comme les sujets choisis peuvent être sensibles, il ne faut pas s’attendre à ce que tous les élèves y réagissent ou y répondent de la même façon. Ainsi, l’animateur ou l’animatrice devrait surveiller attentivement le contenu et l’impact des discussions, et s’assurer que les élèves savent où trouver des conseils ou du soutien.

Écouter avec empathie

L’empathie signifie avoir conscience et comprendre les sentiments des autres personnes ou des êtres vivants, en général. Pour nous mettre à la place de quelqu’un d’autre, nous devons être capables d’intérioriser les expériences et les points de vue différents des nôtres. Il est possible de s’exercer à être plus empathique et de s’améliorer!

La capacité à écouter avec empathie est essentielle à la durabilité sociale, économique et environnementale, c’est pourquoi nous l’abordons dans ce guide pédagogique. Écouter avec empathie exige de l’attention et une constante introspection. Cela nécessite de se sentir lié à soi-même, à ses émotions, ainsi qu’une capacité à donner un sens aux expériences des autres en les ressentant personnellement.

En tant qu’artiste ou pédagogue, faire preuve d’empathie signifie prendre le temps d’écouter les personnes les plus touchées par les pratiques non durables. Comme le démontrent les expériences d’apprentissage suivantes, les nouvelles perspectives acquises peuvent ensuite contribuer à la création en toute conscience en classe.