J’avais huit ans lorsque j’ai commencé une formation informelle en théâtre qui a duré sept ans. Mes parents m’avaient contraint à participer à un camp de théâtre, plutôt qu’à un camp d’arts plastiques. Peut-être avaient-ils déjà pressenti que mon potentiel se trouvait ailleurs (ou peut-être savaient-ils simplement que je n’avais aucun talent en peinture). Ces sept années jetèrent les assises de tout ce que je connais et respecte aujourd’hui en théâtre. Peu à peu, cette forme d’art est devenue une partie intrinsèque de mon identité. Je commençai dès l’âge de 15 ans à produire et à mettre en scène mes propres spectacles, si modestes fussent-ils. Mais en Inde, où je vivais, le théâtre n’était pas vraiment une option de carrière viable – il ne s’agit pas là de mon propre constat, mais bien d’une vérité établie. À 18 ans, j’ai donc mis le le cap sur cette magnifique île rocheuse qu’est Terre-Neuve et, en moins d’un an, le théâtre est devenu l’unique discipline à laquelle je voulais me consacrer. En Inde, je m’étais développé au contact de plusieurs créateurs de théâtre exceptionnels, et j’ai eu cette même chance dès mon arrivée à Terre-Neuve. L’amour formidablement puissant que j’éprouvais déjà alors pour le théâtre, a continué d’être nourri à travers les nombreux mentors rencontrés ici. Grâce aux brillants artistes de cette île, ma façon d’aborder mon art et, par ricochet, de le déployer n’a cessé de s’élargir.
Le Canada apprend encore à ouvrir ses frontières, non seulement physiquement, mais aussi sur le plan idéologique. Lorsque quelqu’un comme moi est invité sur le plancher de danse, la célébration d’un théâtre nouvel âge devient essentiellement un lieu où les structures et les définitions se contredisent et se complètent.
Je retrace ainsi mon parcours parce qu’il apportera peut-être une nouvelle fraîcheur à la mosaïque du théâtre canadien – ce collage encore inachevé. Ce que je crois comprendre de l’avenir de cette forme d’art continue d’évoluer, comme il se doit. Il y a des choses que je peux affirmer avec une confiance absolue, et d’autres qui suscitent toujours en moi un espoir et un désir inébranlables. Le Canada apprend encore à ouvrir ses frontières, non seulement physiquement, mais aussi sur le plan idéologique. Lorsque l’on invite quelqu’un comme moi est invité sur le plancher de danse, la célébration d’un nouvel âge du théâtre devient nécessairement un lieu où les structures et les définitions se contredisent et se complètent. Je réfléchis aux enseignements que j’apporte dans une salle admirative, et je remercie la seconde voix dans la pièce de livrer ses propres enseignements. La communauté théâtrale, en ouvrant des espaces artistiques à des voix qui souvent sont sous-représentées là d’où elles viennent et là où elles se posent, investit dans un avenir qui dessine les contours d’un changement générationnel majeur.
La voix émergente se fait plus forte, elle retentit et, malgré les hésitations, les désirs inassouvis et le travail inachevé, je crois qu’à grande échelle, nous remettons en question d’un œil extrêmement attentif les structures, les récits et les conceptions qui n’ont pas bougé depuis des décennies.
Cela dit, dans une forme d’art comme le théâtre, le changement générationnel n’est pas facile à cerner. Après tout, par sa nature même, le théâtre nourrit l’éternel sentiment de liberté. Alors, avec toute la candeur de mon âme, comment puis-je définir et prédire ce qu’il résultera des grandes aspirations des artistes de la génération actuelle? Chaque jour, je vois des structures s’effondrer autour de moi et de nouvelles fondations se construire. Je constate que nous avons des réponses que vous n’avez pas – les voici – et des questions auxquelles nous n’avons pas de réponse – pouvez-vous nous aider? Alors que de plus en plus de réponsent émergent et se déploient ici, elles amènent avec elle une déferlante de questions. Jour après jour, les personnes qui sont venues dans ce pays pour en faire leur chez-soi et celles qui y ont grandi en l’appelant leur patrie remettent toutes en question nos fondements et nos pratiques. Ce sont essentiellement leurs questions qui tracent l’empreinte future du théâtre canadien. La voix émergente se fait plus forte, elle retentit et, malgré les hésitations, les désirs inassouvis et le travail inachevé, je crois qu’à grande échelle, nous remettons en question d’un œil extrêmement attentif les structures, les récits et les conceptions qui n’ont pas bougé depuis des décennies. Je reste bouche bée devant les nouvelles explorations et découvertes qui prennent vie sur les scènes canadiennes.
Azal Dosanjh
Memorial University
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À propos de la Journée mondiale du théâtre
Créée en 1961 par l’UNESCO, la Journée mondiale du théâtre est célébrée annuellement le 27 mars par les communautés théâtrales à travers le monde. Cette année, nous avons choisi de nous tourner vers une nouvelle génération d’artistes, de créateurs et de créatrices qui sont sortis des écoles de théâtre partout au pays dans un monde qui s’écroulait et dans lequel l’essentialité même des arts vivants était questionnée.
Aujourd’hui vous verrez les visages de ces finissants fièrement affichés sur la Lanterne Kipnes du CNA et nous avons demandé à trois d’entre eux de prendre la plume spécialement pour l’occasion. À voir ici.
En savoir davantage
Association des théâtres francophones du Canada
Messages pour la Journée mondiale du Théâtre du Debajehmujig Theatre Group, de Makambe K. Simamba et de Mishka Lavigne
Message pour la Journée mondiale du Théâtre pour l'enfance et la jeunesse signé par Lionel Lehouillier
Conseil québécois du théâtre (CQT)
Message québécois pour la journée mondiale du Théâtre de Rebecca Deraspe
Mot du Théâtre franco-ontarien 2022 de Karine Ricard