Le CNA : à la rencontre des deux solitudes

Rick Mercer, humoriste et vedette du Canada anglais, et Dominique Michel, légende de la comédie québécoise, ont partagé la scène du CNA à l'occasion du Gala des Prix du gouverneur général pour les arts.

Le Centre national des Arts est le seul centre des arts de la scène multidisciplinaire bilingue au Canada. Oui, le seul… Dès sa création en 1969, il aspirait à rien de moins qu’à devenir la vitrine par excellence de ce qui fait de mieux dans le domaine des arts du spectacle au pays, en français comme en anglais. « Le Centre national des Arts a toujours appartenu à tous les Canadiens », assure Peter Herrndorf, président et chef de la direction du CNA. Carrefour des plus grands talents créateurs de tout le Canada, tant francophones qu’anglophones, le CNA a le bilinguisme inscrit dans son ADN. Ce caractère bilingue s’exprime de mille et une façons, dans toutes les activités du Centre. Il enrichit le paysage culturel canadien en rapprochant les communautés d’expressions française et anglaise.

Notre pays compte un certain nombre d’artistes qui jouissent d’une formidable renommée tant auprès des francophones que des anglophones. On n’a qu’à penser au grand Robert Lepage. Directeur artistique du Théâtre français du CNA de 1989 à 1993, ce dernier a vu plusieurs de ses créations présentées à Ottawa, en anglais comme en français. C’est le cas notamment des œuvres La face cachée de la lune/Far Side of the Moon (en 2003) et Le dragon bleu/The Blue Dragon (en 2009). Une nouvelle mouture de sa pièce Les aiguilles et l’opium prendra l’affiche au Théâtre du CNA au printemps 2015, d’abord en français, puis en version anglaise (Needles and Opium), à la faveur d’une collaboration exceptionnelle entre les directrices artistiques du Théâtre français et du Théâtre anglais du CNA, Brigitte Haentjens et Jillian Keiley – toutes deux lauréates du prestigieux prix Siminovitch. « Je suis plus qu’enchantée de présenter ce chef-d’œuvre d’un des plus grands artistes canadiens, affirme Jillian Keiley. […] Déjà d’avant-garde en 1991, [ce spectacle] demeure encore des années lumières devant son temps près de 25 ans plus tard. Je suis très fière d’être partenaire du Théâtre français et du Magnetic North Theatre Festival pour le présenter. »

La pièce avait récolté des critiques dithyrambiques en anglais comme en français lors de sa création originale. Robert Lepage raconte : « [Mon passage au CNA] a vraiment été une période exaltante, pendant laquelle j’ai beaucoup appris sur moi-même et sur mes aspirations. Ça m’a donné les moyens de produire et créer beaucoup de choses que je n’aurais pas été capable de faire avant. » La venue prochaine de ce spectacle au CNA illustre bien l’attachement du Centre à diffuser les œuvres des plus grands artistes canadiens dans les deux langues officielles. Sa présentation successive en français et en anglais aura le double avantage de permettre aux mordus de théâtre qui comprennent la langue de Molière et celle de Shakespeare de voir le traitement réservé à la pièce dans l’une et l’autre version. C’est ce qu’on appelle « prendre un bouillon de culture ».

Marie Chouinard est un autre nom qui a une forte résonance autant chez les anglophones que les francophones de ce pays. Voilà une artiste que le CNA est fier d’avoir contribué à faire connaître à l’échelle nationale… et internationale, et de compter parmi les artistes associées de Danse CNA. La danseuse et chorégraphe raconte avoir vécu son « Moment national » au hasard d’une rencontre durant un entracte au CNA il y a de cela plus de 25 ans. En apercevant le producteur de Danse CNA de l’époque, elle alla vers lui pour solliciter l’appui du CNA à la mise sur pied de son propre ensemble. La réponse fut immédiate : « Oui ». C’est là que tout a commencé pour sa compagnie, dont chaque nouvelle pièce a pris l’affiche au CNA. Les amoureux de la danse ne voudront pas manquer sa prochaine visite chez nous le 17 janvier 2015. Francophones et anglophones auront droit une fois de plus à une prestation spectaculaire dans un langage… universel.

Si la danse – et la musique d’ailleurs – expriment un langage universel, les artistes qui évoluent dans ces disciplines trouvent, en revanche, plus spontanément leur public au sein de leur propre communauté de langue officielle. C’est normal, direz-vous! Et pourtant, le CNA s’emploie tous les jours à démontrer que « la culture fait fi des barrières linguistiques » en donnant aux plus grands talents de ce pays une vitrine « nationale ». Voici ce que cela donnera concrètement cette saison. Les francophones de la région de la capitale nationale qui ne connaissent pas déjà le jeune pianiste étoile albertain Jan Lisiecki (19 et 20 juin 2015), les danseurs et chorégraphes vancouvérois de l’heure Amber Funk Barton et Josh Martin (23-25 octobre) et l’auteur-compositeur-interprète néo-brunswickois David Myles (18 et 19 décembre) tomberont sous le charme. Et les anglophones seront conquis par une belle brochette d’artistes québécois dont la danseuse et chorégraphe Louise Lecavalier (8 et 9 octobre), la figure montante du violoncelle Stéphane Tétreault (20 avril) et l’auteur-compositeur-interprète Alex Nevsky (3 octobre).

Ce chassé-croisé linguistique ne serait pas complet sans l’apport inestimable des « minorités de langue officielle ». Les quoi?, demanderont certains. D’une part, les Rufus Wainwright et autres dignes représentants de la communauté anglophone du Québec, comme le groupe montréalais Thus Owls, à l’affiche à la Quatrième Salle du CNA le 18 octobre; et, d’autre part, leurs pendants de la francophonie hors Québec, dont l’Acadienne Lisa LeBlanc et le célèbre auteur-compositeur-interprète franco-manitobain Daniel Lavoie, qui sera au Studio du CNA le 5 décembre.

Tout ce qui contribue à « rapprocher » francophones et anglophones est bénéfique à tous points de vue. Ainsi par exemple, le CNA prend très au sérieux le divertissement amusant et enrichissant qu’il propose à ses jeunes auditoires par le biais de ses Aventures familiales TD avec l’Orchestre du CNA. Ces concerts bilingues présentés le samedi suscitent un réel engouement. Ils sont une belle façon pour les parents d’exposer leurs enfants à l’autre langue officielle et constituent un merveilleux complément éducatif pour les jeunes qui fréquentent l’école d’immersion.

Le Centre national des Arts est plus qu’un lieu, c’est une idée. C’est l’idée d’une institution qui collabore avec des artistes et des organisations artistiques de partout au pays, francophones, anglophones, et de toutes origines ethniques, afin de créer une vibrante scène nationale pour les arts d’interprétation. Cette mission trouve tout son sens dans une foule d’initiatives qui font la fierté du CNA. On peut citer le Gala des Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, événement bilingue produit par le CNA, qui célèbre chaque année quelques-uns des plus brillants artistes canadiens. « Je ne connaissais pas cet artiste. Quel talent! » Combien de fois avons-nous entendu ce genre de commentaire à l’issue de cette riche soirée. La preuve encore une fois que le CNA rejoint habilement les deux solitudes par le biais des arts de la scène. Il y a aussi le réputé festival biennal Scène, où les plus grands talents francophones, anglophones et allophones d’une région donnée, évoluant dans différentes disciplines artistiques, se retrouvent sous les projecteurs nationaux. Le prochain de ces rendez-vous sera la Scène Ontario, au printemps 2015, qui étalera fièrement la riche mosaïque culturelle de la province la plus populeuse du Canada. Les artistes franco-ontariens, qui font bien sûr partie de ce kaléidoscope, y seront représentés.

Le CNA va à la rencontre des deux solitudes en mettant en scène les voix francophones et anglophones du Canada tout entier.


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