Honorer le précieux héritage artistique légué par sa mère, la regrettée aînée Margaret Harris, c’est ce que propose la chorégraphe Margaret Grenier avec Raven Mother. À travers la danse et le chant, le spectacle de danse intergénérationnel de Dancers of Damelahamid, fondé en 1967 par Margaret Harris et son époux Kenneth Harris, aborde des réalités autochtones actuelles tout en s’appuyant sur un riche héritage d’enseignements et d’idées.
Raven Mother illustre le rôle important joué par l’aînée Margaret Harris dans la revitalisation des chants et danses de la côte nord-ouest tout en célébrant le rôle primordial des mères dans la protection du savoir culturel ainsi que leur implication dans la renaissance de la danse autochtone. L’ambitieuse production marque ainsi l’aboutissement du travail artistique et culturel de plusieurs générations.
Alors que le spectacle soutenu par le Fonds national de création est présenté à guichets fermés du 20 au 22 novembre par le Théâtre autochtone du CNA et Danse CNA, on a saisi l’occasion pour parler de Raven Mother et du processus créatif avec la chorégraphe Margaret Grenier.
Pouvez-vous nous parler du processus de création de Raven Mother?
Margaret Grenier : Cette production est le fruit d’une collaboration, où tous les éléments sont imbriqués les uns aux autres et en corrélation avec les thèmes principaux. Dans cette pièce, les mouvements, les chansons, les tenues cérémonielles et les décors se mêlent à la trame narrative. C’est un travail qui mûrit lentement. Les mouvements sont dictés par la musique et les tenues, mais ils entrent aussi en ligne de compte dans la création de ces éléments. Tout sert d’assise à l’histoire. Avec Raven Mother, nous essayons de redonner vie à ce qui s’est perdu dans notre famille depuis des générations, tout en apportant un souffle nouveau à la création.
En quoi était-il important pour vous de raconter l’histoire de l’aînée Margaret Harris?
M.G. : Les chants et les danses sont dans notre famille aujourd’hui grâce à l’aînée Margaret Harris, qui a tant fait pour les conserver. Elle ne s’est pas contentée de nous enseigner les bases de ces danses, elle nous a également enseigné la fabrication des tenues cérémonielles et des tambours pour que notre famille baigne dans ces pratiques. Ce que je retiens surtout, c’est qu’elle nous a inculqué l’importance de vivre dans le respect des enseignements ancrés de ces formes d’art.
Quelles ont été les retombées du travail de votre mère dans la communauté et le milieu de la danse?
M.G. : Pour beaucoup, Margaret Harris était Grandma Harris. Grandma Harris était toujours prompte à apporter un apaisement à celles et ceux qui en avaient le plus besoin. Elle se faisait une joie de partager ses connaissances, toujours avec une grande générosité et une rigueur absolue. Malgré les nombreuses embûches, elle est restée fidèle à sa vision pour ses enfants et les générations futures, pour que le plus grand nombre puisse bénéficier d’une pratique artistique merveilleusement riche. Son héritage est également le reflet de sa personnalité, des encouragements qu'elle prodiguait aux autres. Elle a apporté la guérison à travers son travail qu’elle a accompli avec douceur et empathie.
Que vouliez-vous représenter avec Raven Mother?
M.G. : Nos pratiques artistiques définissent qui nous sommes, elles constituent l’essence même de notre identité. En perpétuant une pratique, nous sommes au plus près des traditions ancestrales, de la terre, des histoires, des langues, des communautés. C’est le cœur de Raven Mother. Nos mères le savaient et, avec un amour infini, elles nous ont appris tout ce dont nous avions besoin dans la vie. Raven Mother rend hommage à nos mères et célèbre leur héritage.
Quel rôle le soutien du Fonds national de création a-t-il joué dans la production de Raven Mother? Ce soutien a-t-il changé vos habitudes de travail?
M.G. : L’objectif premier n’était pas de créer un nouveau spectacle, mais plutôt de s’inspirer de la culture qui nous a été transmise et de faire évoluer nos pratiques artistiques pour assurer la pérennité de nos formes d’art. Nous avons mis l’accent sur les chorégraphies, la musique, les tenues cérémonielles, les aspects techniques et les décors pour refléter la capacité de notre famille à protéger notre culture et, par la même occasion, soutenir et encourager la prochaine génération d’artistes, en s’appuyant sur ce qui a été fait par le passé. Le soutien du Fonds national de création nous a permis de concrétiser notre vision, de nous dépasser et d’offrir le meilleur au public, en collaboration avec un large éventail de partenaires qui chérissaient l’aînée Margaret Harris.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les tenues cérémonielles?
M.G. : Les tenues cérémonielles ont été confectionnées par Rebecca Baker-Grenier. Après bien des recherches, elle a réussi à marier avec brio le traditionnel et le moderne, en s’inspirant notamment des tenues conçues à l’origine par l’aînée Margaret Harris. Chaque pièce possède sa propre histoire, et une grande attention a été portée aux détails. La cape ornée de plumes a été créée pour le personnage de Raven Mother, interprété par Margaret Grenier. Pour cette pièce, qui requiert une grande minutie, nous nous sommes inspirés du gwiis ga’ak, aussi appelé cape du corbeau. La création des tenues cérémonielles et des masques sculptés a été un travail de longue haleine, chaque pièce étant une marque de respect et d’amour envers l’aînée Margaret Harris.
Votre fille, Raven Grenier, signe la musique et fait partie de la distribution. Parlez-nous de votre collaboration avec vos enfants.
M.G. : Notre famille a été profondément touchée par le décès de l’aînée Margaret Harris. Son départ a représenté un tournant, une grande perte pour cette génération qui s’est employée à la revitalisation de la danse. Il redéfinit le rôle de la prochaine génération de passeurs et passeuses de savoirs. Notre fille Raven s’est énormément investie dans la composition des chansons pour sa grand-mère. Pour Raven Mother, elle a tiré parti de tout ce qu’elle a appris au cours de sa formation musicale. Ses compositions reflètent la pureté de son cœur, celui d’une jeune femme qui donne le meilleur d’elle-même pour rendre hommage à l’aînée Margaret Harris. L’ayant vue à l’œuvre, je suis confiante pour l’avenir de ces pratiques.