Dans une autre vie, il aurait pu devenir dentiste. Heureusement pour nous, Douglas Burden a choisi d’être tromboniste et a obtenu, en 1972, le poste de trombone basse à l’Orchestre du Centre national des Arts. Il a pris sa retraite en juin 2022, après 50 saisons exceptionnelles au sein de l’OCNA.
Au cours de sa carrière, Burden a aussi multiplié les collaborations à titre de musicien indépendant, notamment avec l’Orchestre philharmonique de Hamilton, l’Orchestre du Ballet national, et les orchestres accompagnant les productions Les Misérables et Le Fantôme de l’opéra, ainsi que des artistes comme Frank Sinatra, Tom Jones, Holly Cole et Rich Little. Il a aussi été membre de l’Orchestre symphonique d’Ottawa pendant dix-sept ans.
Burden a exercé une influence remarquable sur les instrumentistes en herbe en tant qu’enseignant, notamment à l’Université d’Ottawa, à la Faculté de musique de l’Université McGill et à l’Université Queen.
Nous avons rencontré Doug peu avant son dernier concert, le 25 juin 2022, pour en savoir plus sur les « coulisses » de sa carrière musicale bien remplie.
Quand vous pensez aux raisons qui vous ont amené à choisir une carrière musicale, que vous vient-il en tête?
Quand je repense à cette décision que j’ai prise à la fin de mon adolescence de me diriger en musique plutôt qu’en dentisterie, qui était mon deuxième choix, j’en suis très heureux. En tant que dentiste, j’aurais fait plus d’argent et accumulé de la richesse en infligeant de la douleur à mes patients. Comme musicien d’orchestre, j’ai plutôt amassé toute une vie de merveilleux souvenirs liés à la musique, et mon existence a été enrichie par celles de mes collègues à un point tel que je ne suis pas encore capable d’en prendre pleinement conscience. J’espère que mon jeu de trombone a procuré de la joie au public qui a assisté aux concerts de l’OCNA ici, à Ottawa, et lors de nos nombreuses tournées nationales et internationales.
Vous avez été membre de l’OCNA pendant 50 saisons. Comment le milieu a-t-il évolué pendant toutes ces années? Quel conseil donneriez-vous à un ou une jeune instrumentiste qui aspire à une carrière professionnelle au sein d’un orchestre?
Le niveau technique des jeunes instrumentistes qui sortent des universités et des conservatoires de partout dans le monde est incroyable. Aujourd’hui, les étudiants et étudiantes ont accès à des enregistrements sonores et vidéo d’artistes de renommée mondiale sur des plateformes comme YouTube, Apple Music, Spotify et des dizaines d’autres. Ces ressources stimulent l’imagination et la créativité des jeunes musiciens et musiciennes. J’aurais aimé pouvoir en profiter quand j’étais jeune étudiant en musique.
Malheureusement, il n’y a pas assez de postes dans les orchestres professionnels pour intégrer toutes les personnes surqualifiées qui auditionnent. Les chances de remporter une audition d’orchestre sont à peu près les mêmes que celles de gagner à la Lotto 6/49. Chaque personne candidate a étudié en moyenne pendant plus de quinze ans, et est titulaire d’une maîtrise ou d’un doctorat. Quand vient le temps de pourvoir des postes, qui se font rares, les orchestres peuvent être très exigeants.
Quelle musique vous inspire et qu’écoutez-vous simplement pour le plaisir?
On définit notamment la musique classique comme une musique qui a passé l’épreuve du temps. Je suis inspirée par la musique de toutes les époques : Renaissance, baroque, classique, romantique, moderne et postmoderne. En tant que joueur de cuivre, je suis attiré par des compositeurs romantiques, comme Prokofiev, Richard Strauss, Bruckner, Mahler, Chostakovich, Tchaïkovsky. Pour le plaisir, en musique classique, j’écoute Bach, et de la musique vocale intimiste pour voix seule ou chœur. Mon groupe rock préféré du moment est Coldplay. Quand je fais de la moto, ma liste d’écoute est composée de groupes et d’interprètes qui m’ont accompagné pendant mon adolescence et mes études universitaires : Chicago, Blood Sweat and Tears, America, The Carpenters, Carole King, Joni Mitchell et Billy Joel.
Quelles sont les concerts auxquels vous avez participé qui vous ont le plus marqué et pourquoi?
Les concerts suivants ne sont pas classés en ordre de préférence, ils constituent tous d’excellents souvenirs :
Le Concerto pour violon de Korngold, avec le soliste James Ehnes, et la Symphonie n˚ 9 de Chostakovitch, le tout dirigé par Alexander Shelley, le 5 avril 2022, au Carnegie Hall.
La Symphonie n˚ 9, de Brahms, dirigée par Pinchas Zukerman à la Place des Arts de Montréal. Selon moi, l’OCNA a interprété cette pièce parfaitement, et c’est l’une des œuvres que nous avons jouées partout dans le monde.
Le Requiem de Mozart, au Carnegie Hall, un samedi de Pâques aux alentours de 1987, dirigé par Helmut Rilling et son Gächinger Kantorei, de Stuttgart, en Allemagne. Nous étions en tournée, entre autres au Kennedy Center, à Washington DC. Pourquoi ce concert? Intégrité musicale, interprétation, rythme, pureté sonore, engagement musical.
Madame Butterfly, de Puccini, lors d’un concert à la Salle Southam au printemps 1989, dirigé par Franco Mannino. L’opéra italien tel qu’il doit être joué et interprété.
L’enregistrement de la suite du Bourgeois Gentilhomme de Strauss, par l’OCNA, dirigé par Eduardo Mata, sous étiquette RCA.
Les musiques de film de John Williams, dirigées par Jack Everly lors de différents concerts Pops au fil des ans. Son écriture pour cuivres est excellente dans Star Wars, Indiana Jones, E.T., Harry Potter, Jaws, Schindler’s List, Superman et Jurassic Park.
Pratiquez-vous un rituel particulier avant un concert? Comment vous êtes-vous préparé pour votre dernier concert le 25 juin?
J’ai constaté que mes interprétations étaient encore plus cohérentes si j’avais le temps de suivre une certaine routine à la maison. En tournée, on peut oublier cela, et chaque membre de l’orchestre a sa propre routine qui lui convient.
J’aime me réveiller tôt, prendre un déjeuner léger, me préparer un smoothie pour plus tard dans la matinée, et faire, en alternance, des étirements, de la musculation, des push-ups, des développés-couchés. Puis, je fais vibrer mes lèvres sur l’embouchure de mon instrument pendant que je réponds à mes courriels, je m’échauffe en faisant des notes longues, des gammes, des exercices de lèvres lents et rapides, je travaille mon endurance dans le registre aigu, toujours avec un diapason et un métronome, je répète les motifs difficiles du programme de la semaine, puis je me rends au centre-ville pour la répétition matinale.
J’ai dû fournir beaucoup d’efforts pour me comporter de la même façon pour mon dernier concert, le 25 juin, mais j’ai fait mon possible pour suivre la même routine. Cela m’a aidé à rester concentré et dans le moment présent. Après tout, je suis un musicien d’orchestre professionnel rémunéré, pas un spectateur! Est-ce que ce fut un concert facile? Non, les larmes brouillaient ma vue.
Nous avons hâte de retrouver Doug Burden parmi notre public au cours des prochaines saisons. Pour en savoir plus sur sa carrière, consulter sa biographie.