Richard Heikkilä-Sawan est un artiste bispirituel connu pour ses œuvres inspirantes et éclatantes. Adopté par une famille mennonite, ce natif de Vancouver a longtemps ignoré ses racines autochtones. Dans ses œuvres, il explore les thèmes de l’identité, de la race et des idéologies sociales en intégrant les couleurs de la Fierté. Influencé par des artistes comme Durham et Monkman, Richard Heikkilä-Sawan s’amuse avec les formes géométriques et les principes de la théorie de la Gestalt pour établir une complicité avec le public. Par son art, il cherche à apporter un nouvel éclairage et à inspirer le changement, contestant ainsi la notion de « révélation de son orientation sexuelle » au sein d’une famille fervente à l’éducation stricte. Son regard et son parcours singuliers apportent un vent de fraîcheur sur l’exploration des signifiants culturels.
À l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones et du Mois national de l’histoire autochtone, le public pourra découvrir Genetikos II, l’œuvre de Richard Heikkilä-Sawan, sur la Lanterne Kipnes. Nous avons rencontré l’artiste pour qu’il nous parle de ses sources d’inspiration, de son style et de sa vision de l’avenir.
Quel est le sens de Genetikos?
« Quand je découvrirai qui je suis, je serai libre. » — Ralph Ellison
Genetikos sonde les cicatrices indélébiles laissées par les traumatismes subis pendant l’enfance – une altération épigénétique ou peut-être un souvenir tenace – qui se transmettent de génération en génération.
Nous avons longtemps cru que nos yeux captaient l’histoire de nos âmes. Mais que renferment-elles? Quels secrets cachent-elles? Et que dire des rayures? Voilà autant de questions qui se posent!
Les rayures roses, jaunes, mauves, vertes, brunes, bleues, noires et rouges symbolisent le système d’identification établi par le régime nazi dans les camps de concentration. Le triangle rose était la marque imposée par les nazis aux homosexuels masculins – symbole qui a été détourné pour incarner aujourd’hui la lutte contre l’homophobie. Les autres couleurs étaient attribuées aux personnes déportées en raison de leurs convictions, de leur race ou de leurs activités. Ce qui n’était alors qu’un symbole de l’horreur est devenu une lueur d’espoir.
Pendant trop longtemps, nos voix ont été étouffées par les peuples colonisateurs qui nous ont opprimés. Nos traumatismes ont été ignorés, enfouis au plus profond de nous. Maintenant, l’heure est venue de nous débarrasser de notre bâillon. Il est temps de briser les chaînes qui nous entravent. Laissons notre ADN nous propulser dans le futur en tant qu’esprits guéris des blessures du passé. Il est maintenant temps de saisir notre liberté à pleines mains!
Pouvez-vous nous parler du processus créatif derrière Genetikos?
J’ai créé Genetikos en tant que membre de TESTIFY, un collectif d’artistes et de spécialiste juridiques autochtones. J’ai tout de suite su ce que j’allais faire avec les thèmes et les mots-clés fournis. L’œuvre originale est une peinture à l’huile de très grand format avec une composante génétique unique : du sperme humain mélangé à de la peinture. Genetikos a fait l’objet de plusieurs expositions au Canada, y compris au Bureau de l’Ontario (anciennement le Barreau du Haut-Canada). Genetikos II est la version numérique scrupuleusement identique de la toile, composée de multiples couches pour recréer des graphismes impressionnants. Le résultat sera visible sur la Lanterne Kipnes.
Quel est le message que vous aimeriez transmettre avec votre œuvre?
Je me suis inspiré du travail des artistes Jimmie Durham, Kent Monkman et Robert Delaunay. J’ai bâti ma réflexion autour des notions d’identité, de race, de religion, de spiritualité et des différentes idéologies culturelles et sociales, auxquelles j’ai juxtaposé mon individualité perçue. Je m’intéresse aux théories entourant l’importance historique des couleurs et les conséquences de l’utilisation des formes symboliques en politique dans un contexte colonial/autochtone. Mes œuvres sont très colorées et reflètent un style plutôt enfantin. J’utilise souvent les couleurs de la Fierté comme porte d’entrée pour aborder des thèmes plus profonds exprimés par les formes et le sens.
Selon vous, quel rôle les arts peuvent-ils jouer dans la promotion et la préservation des cultures autochtones?
« Là où l'esprit ne travaille pas avec la main, il n'y a pas d'art. »— Leonardo Da Vinci
Raconter encore et encore nos vérités. C’est là toute la beauté de l’art. L’honnêteté est primordiale – sans elle, à quoi bon! C’est en mettant à nu notre histoire que nous reprendrons en main notre avenir. L’art est un puissant outil de remise en question qui nous enseigne de précieuses leçons.
Pensez-vous que votre travail puisse nourrir des réflexions plus larges sur l’identité queer et favoriser une meilleure compréhension et une plus grande acceptation?
En tant qu’artiste, je cherche à créer des œuvres qui suscitent un questionnement et invitent à la contemplation. L’exploration de thèmes ancrés dans la culture contemporaine permet de renvoyer le public à ses propres questionnements.
Quels sont vos prochains projets? Avez-vous des expositions à venir?
Je suis encore au stade de réflexion pour une possible exposition solo. J’aimerais également faire une incursion dans la culture drag.