Mises à jour sur le projet

Réflexion : Christopher Deacon

Le 19 mai 2016, l’Orchestre du CNA du Canada présentait en création mondiale Réflexions sur la vie. Il s’agissait, à maints égards, du concert le plus ambitieux de l’histoire de l’ensemble. Créée par plusieurs compositeurs, en collaboration avec de nombreux artistes de différentes disciplines, cette présentation multimédia élargit considérablement la définition de ce que peut être un concert orchestral. 

Mais la puissance de l’œuvre tient d’abord à son sujet : des récits qui offrent les perspectives de quatre Canadiennes remarquables, soit Alice Munro, Amanda Todd, Roberta Bondar et Rita Joe. Chacune d’elles a fait face à de grandes difficultés au cours de sa vie, mais ne s’en est pas moins exprimée d’une voix forte et distinctive qui s’est fait entendre à l’échelle du monde. En 2017, Réflexions sur la vie a été présenté dans plusieurs villes du Canada dans le cadre de la Tournée Canada 150 de l’Orchestre, s’attirant une pluie d’éloges. Au printemps, l’ensemble interprètera cette œuvre ambitieuse et authentiquement canadienne sur la scène mondiale à la faveur d’une tournée européenne soulignant le 50e anniversaire du CNA.


Réflexion : Alexander Shelley

Le programme Réflexions sur la vie raconte des histoires puissantes évoquées en images, en sons et en paroles par quelques-uns des plus brillants créateurs canadiens. Il s’agit d’une œuvre immersive multidisciplinaire qui se déploie tout d’un trait, intense, dramatique, réconfortante, nous transportant du début à la fin. 

J’ai eu l’honneur de confier à quatre compositeurs canadiens accomplis une mission, celle de collaborer avec un formidable groupe d’interprètes et d’artistes du multimédia à la création de cette expérience symphonique unique en son genre, sous le leadership inspiré de la productrice du contenu créatif et metteure en scène Donna Feore. 

Les arts et la culture de ce pays captivent sans cesse les auditoires du monde entier à travers des récits passionnants comme ceux de ces femmes remarquables qui ont chacune trouvé leur voix au prix de sacrifices et de luttes. Ces histoires ont été pour moi une source d’inspiration. Si certaines évoquent des souvenirs douloureux, je crois intimement que chacun de nous trouvera dans Réflexions sur la vie un message libérateur, un message d’espoir.


Réflexions sur la vie retrace le parcours de quatre Canadiennes d’exception. Alice Munro , Roberta Bondar, Amand a Todd et Rita Joe nous invitent, chacune à sa manière, à porter sur les choses un regard nouveau. Le défi que j’avais était de trouver une façon de raconter leur histoire dans une installation orchestrale qui embrasse la vision de chacune. Partant de cette idée que plusieurs têtes valent mieux qu’une, j’ai réuni un groupe exceptionnel de collaborateurs qui se sont laissé inspirer par ces femmes extraordinaires. Bien que chaque élément se tienne par lui-même, nous avons construit quelque chose à partir de l’œuvre orchestrale de quatre compositeurs de génie placés sous la conduite de l’incomparable Alexander Shelley, dans l’espoir que ça puisse nous mener quelque part.

La brillante équipe de design visuel Normal est devenue le cœur battant de cette aventure. Elle a rendu possible l’intégration harmonieuse des œuvres de nos superbes collaborateurs — musiciens, photographes, cinéastes, comédiens, danseursetchanteurs.

La Dre Bondar a observé notre monde depuis l’univers. Alice Munro l’a regardé de l’intérieur. Amanda Todd a ouvert son cœur et Rita Joe a livré son esprit. J’espère que ce spectacle saura vous captiver et vous émouvoir autant qu’il m’a éclairée et inspirée.


La Fondation du CNA souhaite rendre hommage à une ardente défenseure des arts de toujours, Dasha Shenkman, OBE. Originaire d’Ottawa et établie aujourd’hui à Londres, Mme Shenkman a, au fil des ans, apporté son soutien à diverses organisations artistiques, tantôt à titre d’administratrice, tantôt comme consultante. Elle et son frère Bill ont lancé à la National Gallery de Londres, à la mémoire de leur mère Belle Shenkman, une série de concerts mettant en vedette des étudiants du Royal College of Music. Mme Shenkman siège au conseil d’administration de la Concordia Foundation, une organisation qui vise à favoriser le bien-être des gens par des initiatives axées sur la musique et les arts. Elle est également administratrice au sein du Tate International Council, ainsi que du Better Planet Council de l’Université de Guelph, où elle est l’instigatrice d’une série de conférences sur l’art contemporain présentée à l’École des beaux-arts et de la musique de cette université.

En 2013, elle a reçu, en reconnaissance de son action philanthropique, le titre de Membre d’honneur du Royal College of Music (RCM) des mains du président du RCM, Son Altesse Royale le prince de Galles. Et en 2015, elle a été décorée de l’Order of the Most Excellent Order of the British Empire — OBE.

Mme Shenkman a soutenu dès le début avec enthousiasme le projet Réflexions sur la vie. Nous tenons à souligner sa contribution exceptionnelle à cette initiative, ainsi qu’à l’activité de création au Canada.



Dear Life : Réflexion

Merilyn Simonds, auteure

Quand l’Orchestre du CNA m’a pressentie pour réaliser une adaptation pour une œuvre symphonique du récit de « Dear Life » (Rien que la vie en vf.) d’Alice Munro, j’étais justement en train de lire, dans l’ordre, l’ensemble de ses nouvelles. Je devrais plutôt dire « relire », car depuis la lecture, à 18 ans, de Dance of the Happy Shades (La danse des ombres en vf.), j’avais toujours attendu impatiemment chaque nouvelle parution de l’auteure. J’ai grandi dans une petite localité située non loin de la ville natale d’Alice Munro, rêvant tout comme elle de fuir. Devenue écrivaine à mon tour, je l’ai connue personnellement. J’ai été inspirée par sa façon réaliste et sans détour d’embrasser l’univers où elle était née, un univers qu’elle a exploré pendant 50 ans à travers la littérature. 

On m’a donné pour tâche d’extraire de son plus récent récit de plusieurs milliers de mots un distillat de tout juste 500 mots qui formerait la base d’une œuvre symphonique et que livrerait Martha Henry sous forme d’enregistrement. Tous les mots sont d’Alice. Aucun n’est de moi; j’ai simplement modifié l’ordre de certains événements par souci de clarté.

J’ai voulu témoigner de la générosité d’Alice Munro qui, comme auteure, ouvre les bras au jeu créatif qu’entraîne une adaptation. Témoigner aussi de l’authenticité et de la pureté de sa prose qui a rendu possible un tel distillat et permis de recréer dans cette nouvelle version de « Dear Life » l’essence même de ses personnages et des thèmes qu’elle aborde.

My Name is Amanda Todd : Réflexion

Carol Todd, mère d’Amanda Todd

Le fait qu’on célèbre la mémoire de ma fille dans une production du Centre national des Arts, aux côtés de trois éminentes Canadiennes, est un honneur en soi qui suscite énormément de fierté chez ceux et celles qui ont connu Amanda. 

La perte d’Amanda a laissé un vide immense dans ma vie, et j’ai eu du mal à imaginer ce que le CNA voulait créer et présenter. Mais avec le temps, les choses sont apparues plus claires. En permettant que soit relatée l’histoire de ma fille à travers un projet d’arts visuels et d’arts de la scène, j’ai vu son héritage devenir réalité. L’art et la musique meublaient l’univers visuel et sonore d’Amanda. 

Lors de ma première rencontre avec Donna Feore, j’ai eu l’impression de retrouver une vieille amie. Nous avons échangé des histoires, et des idées se sont fixées. Nous sommes restées en contact pendant les 18 mois qui ont suivi. J’ai été saisie d’émotion en entendant pour la première fois la musique avec Donna et l’équipe du studio de design visuel NORMAL. Des sentiments de joie, de colère, de tristesse, puis de paix m’ont envahie. Nous étions assis ensemble en silence, les larmes aux yeux. Je vois déjà ma fille représentée comme un beau flocon de neige, symbole de son unicité et de sa fragilité.

Je veux témoigner ma reconnaissance à tous ceux et celles qui ont vu dans l’histoire d’Amanda un message d’ESPOIR, et remercier les gens qui ont des CONVICTIONS et le SOUCI des autres. L’équipe du CNA s’est employée à donner un sens plus vrai à l’héritage d’Amanda − l’image spectaculaire d’un flocon de neige représentant ma princesse Amanda dans une production intitulée Réflexions sur la vie.

I Lost My Talk : Réflexion

Tekaronhiáhkhwa Santee Smith, chorégraphe du film

Dans son poème simple et poignant intitulé J’ai perdu ma langue, Rita Joe exprime la complexité de l’expérience qu’ont vécue des membres des Premières Nations au temps du régime des pensionnats autochtones, et le traumatisme intergénérationnel encore présent dans la société d’aujourd’hui. Comme artiste, je m’identifie au désir de Rita Joe de partager ses histoires et son vécu dans l’optique d’éduquer les gens et de leur donner une voix. Il est important de continuer à relater nos histoires, ancrées dans le territoire, la langue et les traditions ancestrales, de continuer à raconter nos vies par l’écriture, la parole et la danse. Dans notre quête de réconciliation, allons au-delà de la dimension intellectuelle du processus pour incarner véritablement nos actions et pour nous affranchir du colonialisme.

Frances Sylliboy, fille de Rita Joe

Ma mère a toujours été pour moi un génie. C’était une femme très déterminée, qui a fait tant de choses pour tellement de gens. À travers ses mots, elle s’est tenue debout et est sortie victorieuse. 

Quand elle est arrivée à Eskasoni, on la narguait au sujet de sa langue mi’kmaq brisée. Je trouve que la première strophe de son poème I Lost My Talk (« J’ai perdu ma langue ») en dit long. 

Maman disait qu’elle deviendrait célèbre après sa mort. Voilà que son poème a fait l’objet d’une adaptation à l’écran et d’une pièce musicale. 

Nous étions si enthousiastes de voir le produit fini. En arrivant au CNA le soir de la première, on avait l’impression de rêver. En entendant pour la première fois les mots jaillir de la bouche de Monique Mojica, on a senti le poème prendre vie. C’est un moment que nous n’oublierons jamais. J’étais remplie d’émotions. Quand la musique a commencé et que l’écran s’est animé, j’ai été bouleversée. À un moment donné, j’ai pleuré sur l’épaule de mon mari, mais je me suis vite ressaisie parce que je ne voulais pas rater une seconde du spectacle. 

Nous tenons à remercier Alexander Shelley, John Estacio, l’Orchestre du CNA, Donna Feore et toute l’équipe du CNA, qui ont fait un travail fantastique. 

Je suis certaine que ma mère a dansé de joie en voyant cette prestation. Elle était une gentille guerrière, et l’héritage qu’elle a laissé donne aux enfants mi’kmaq de quoi espérer en l’avenir.