Shelley dirige Zarathoustra

ainsi que Debussy et Ian Cusson

2025-06-25 20:00 2025-06-26 22:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Shelley dirige Zarathoustra

https://nac-cna.ca/fr/event/36123

Événement en personne

Vous avez sûrement déjà entendu l’ouverture de Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, mais saviez-vous que l’œuvre compte neuf mouvements spectaculaires? Venez les découvrir.  Les sons affluent par vagues immenses dans La mer, l’œuvre de Claude Debussy, illustrant les intempéries de son amour pour l’océan.  Ian Cusson est un compositeur autochtone canadien dont les œuvres...

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Salle Southam ,1 rue Elgin,Ottawa,Canada
25 - 26 jun 2025
25 - 26 jun 2025

≈ 2 heures · Avec entracte

Répertoire

IAN CUSSON

1Q84: Sinfonietta Metamoderna

Le poème symphonique de Strauss Also sprach Zarathustra (Ainsi parlait Zarathoustra) s’inspire du livre éponyme de Nietzsche, qui explore entre autres l’idée de « l’éternel retour ». Avec notre regard du XXIe siècle, on peut penser au multivers, cette vision complexe de la réalité où différents mondes qui se chevauchent deviennent une métaphore de l’étrangeté de la vie moderne. 

Dans son roman 1Q84, l’auteur Haruki Murakami explore cette hypothèse des réalités multiples – ces univers parallèles créés par la moindre décision. Tout comme le fait le poème symphonique de Strauss, 1Q84: Sinfonietta Metamoderna s’inspire très librement de la structure du roman, puisant son matériau thématique dans les personnages et l’intrigue. 

Le roman débute en avril 1984. Aomamé, tueuse à gages professionnelle et entraîneuse, est en route pour un assassinat. Elle se retrouve coincée dans un embouteillage sur la voie express métropolitaine 3 de Tokyo. La Sinfonietta de Janáček joue à la radio. Pour éviter d’être en retard, Aomamé sort du taxi et emprunte un escalier de secours. Ce faisant, elle entre dans un monde parallèle, celui d’1Q84, où deux lunes brillent dans le ciel et où le leader d’une puissante secte est contrôlé par les « Little People ». Elle pense souvent à Tengo, qu’elle a connu enfant. 

Tengo, aujourd’hui âgé de 30 ans, est professeur de cours particuliers et prête-plume pour le très populaire roman La Chrysalide de l’air. Ce dernier raconte l’histoire d’une puissante secte contrôlée par des êtres surnaturels, les Little People, qui passent d’un monde à l’autre par la bouche de leurs victimes. Tengo rêve de retrouver une petite fille dont il a brièvement tenu la main lorsqu’il était enfant. 

Aomamé se voit chargée d’exécuter le leader de la secte. Les Little People passent à l’attaque pour l’en empêcher. Un violent orage s’abat sur la ville. Ayant tué le leader, Aomamé doit se cacher jusqu’à ce qu’elle puisse fuir 1Q84. Mais elle doit d’abord retrouver le garçon qu’elle aime depuis l’enfance, celui dont elle a brièvement tenu la main après l’école. Dans sa cachette, elle découvre qu’elle est enceinte. Et même si elle n’a pas revu Tengo depuis 20 ans, elle apprend que l’enfant est de lui. 

Tengo et Aomamé se retrouvent. Ils gravissent l’escalier de secours de la voie express métropolitaine 3 pour retourner dans le monde d’où ils viennent. Debout sur la voie express, ils réalisent qu’ils ont plutôt été transportés dans un autre univers étrange, mais décident de s’y aventurer ensemble. 

Note de programme fournie par le compositeur (traduction de l’anglais) 

CLAUDE DEBUSSY

La Mer

Saint-Germain-en-Laye, 22 août 1862  
Paris, 25 mars 1918    

Irrésistiblement fascinés par la mer, d’innombrables compositeurs et auteurs de chansons ont cherché à l’évoquer dans leur musique. La Mer de Debussy est sans conteste l’œuvre la plus connue à porter ce titre, et peu de musiques parviennent à dépeindre la mer de façon aussi riche et évocatrice. Assez étrangement cependant, cette composition n’a pas été écrite au bord de la mer, mais plutôt à divers endroits situés à l’intérieur des terres, notamment dans les collines bourguignonnes et à Paris. Dans La Mer, Debussy dépeint les humeurs variées de l’océan, sans toutefois se livrer à des imitations sonores; il utilise plutôt diverses sonorités pour évoquer des souvenirs, susciter des émotions et solliciter l’imagination, afin de permettre à chaque auditeur de privilégier sa perception personnelle de la mer. La création eut lieu le 15 octobre 1905 aux Concerts Lamoureux, à Paris, avec Camille Chevillard au pupitre.

La première partie, « De l’aube à midi sur la mer », débute très calmement par de lents et mystérieux murmures. Par la seule évocation sonore, Debussy donne à l’auditeur l’impression de se pencher sur les profondeurs sombres et mystérieuses de la mer. À mesure que la mer s’éveille, les couleurs orchestrales deviennent plus vives et le mouvement s’anime. Finalement, un passage noble à l’allure de choral se manifeste et, prenant de l’ampleur, brosse un tableau majestueux de la mer sous le soleil éclatant de midi.

« Jeux de vagues » est plein d’éclat et d’animation. Par son ampleur et sa délicatesse, l’orchestration de Debussy ne cesse de fasciner – même le tintement du triangle possède un pouvoir évocateur.

Oscar Thompson, biographe de Debussy, décrit cette musique comme « un monde de pure fantaisie, de visions étranges et de voix singulières, un mirage autant visuel que sonore ».

Le « Dialogue du vent et de la mer » débute dans une atmosphère agitée, grise et orageuse, la musique suggérant le souffle puissant de l’océan. Des fragments mélodiques du premier mouvement sont repris. L’activité se calme et, à travers les brumes, on entend un appel distant et lancinant, semblable à celui des sirènes, produit par les bois dans leur registre aigu. La musique prend encore de la vigueur. Finalement, on entend une fois de plus le motif grandiose du choral de la première esquisse, et La Mer s’achève dans le tumulte du vent et des vagues qui déferlent.

– Traduit d’après Robert Markow

RICHARD STRAUSS

Also sprach Zarathustra (« Ainsi parlait Zarathoustra »), op. 30

Dans les années 1880 et 1890, Richard Strauss (1864-1949) s’est fait connaître dans le monde entier comme compositeur audacieux et moderniste, créateur de poèmes symphoniques. Œuvre en un seul mouvement qui illustre ou évoque le contenu d’une source extramusicale telle qu’une histoire, un poème ou une peinture, le poème symphonique était une nouvelle façon de structurer une pièce orchestrale par rapport aux formes plus abstraites d’une symphonie en plusieurs mouvements. Pour chacun de ceux qu’il a composés – de Don Juan (1888) et Tod und Verklärung (« Mort et Transfiguration », 1889) à Till Eulenspiegel (« Till l’Espiègle », 1895) et Ein Heldenleben (« Une vie de héros », 1898) – Strauss a trouvé des méthodes novatrices et toujours plus expansives pour utiliser le timbre, la texture et la sonorité de l’orchestre afin de transmettre de manière vivante l’étendue de l’expérience humaine.

Strauss a composé son poème symphonique Also sprach Zaruthustra (« Ainsi parlait Zarathoustra ») en 1896 et en a dirigé la création en novembre de la même année, récoltant un succès triomphal. Comme l’indique son sous-titre, l’œuvre est « librement inspirée » du livre de Friedrich Nietzsche de 1883-1885, que le compositeur avait lu (parmi d’autres écrits du philosophe) à un moment où il sortait d’une crise personnelle. Ayant perdu foi dans la vision métaphysique de la musique qui dominait alors – à savoir l’idée que la musique pouvait transmettre des vérités spirituelles rédemptrices – Strauss a trouvé dans la philosophie nietzschéenne une conception inédite et un nouveau but pour sa musique.

À cet effet, Zarathoustra est la première composition dans laquelle Strauss manifeste une approche anti-métaphysique de la musique. Dans le livre de Nietzsche, il a sélectionné le prologue et huit de ses quatre-vingts chapitres, dont il indique les titres dans la partition d’orchestre et qui sont décrits ci-dessous. Ces sections, bien que dans un ordre différent de celui du livre, forment un « récit » d’ensemble qui met toujours en évidence son thème central : dans un monde où (selon la formulation de Nietzsche) Gott ist tot (« Dieu est mort »), les êtres humains devraient s’efforcer d’évoluer vers une « humanité supérieure » (l’Übermensch – « surhomme » ou « surhumain »), qui ne peut être atteinte que par le dépassement persistant d’un désir métaphysique (foi aveugle, superstition, ignorance) au cours de cycles éternellement récurrents. Pour transmettre ce concept, Strauss associe des idées clés à des motifs musicaux, dont on peut suivre la présentation, la récurrence et la transformation tout au long de l’œuvre. 

Prologue. Le texte du Prologue de Nietzsche, cité intégralement au début de la partition, dépeint Zarathoustra qui se réveille et se tourne vers le soleil pour en admirer la lumière. Après dix ans de solitude au sommet d’une montagne, il décide de redescendre parmi les humains. Dans ce qui est devenu l’un des extraits les plus célèbres de la musique classique en raison de son utilisation dans le film 2001 : l’Odyssée de l’espace (1968) de Stanley Kubrick, les trompettes introduisent le premier des motifs musicaux fondamentaux de la pièce : un appel de trois notes dans la tonalité de do, représentant la « nature » comme la grande « énigme mondiale » non résolue à laquelle l’humanité tout entière doit faire face. Après deux autres appels, l’orchestre arrive à un accord de do majeur retentissant, sur lequel l’orgue reste en suspens. 

Von den Hinterweltlern (« De ceux des mondes de derrière »). Zarathoustra médite sur les croyances de sa jeunesse, caractérisées par « le rêve et la fiction d’un Dieu ». Les violoncelles et les contrebasses amorcent cette section par une phrase frémissante. Peu après s’en dégage le motif de « l’aspiration », avec sa portée ascendante caractéristique qui évoque le désir de l’humanité de comprendre; réglé en si mineur, la zone tonale qui symbolise l’humanité, il entrera en conflit avec la tonalité de do représentant la nature tout au long du poème symphonique, signifiant ainsi l’inconciliabilité des deux domaines. À « l’aspiration » répondent aussitôt, non sans appréhension, les cors en sourdine sur une phrase représentant la foi religieuse aveugle (Strauss a ajouté les mots Credo in unum deum [« Je crois en un seul Dieu »] à ces notes sur la partition). Les cordes et l’orgue entament un hymne qui gagne en intensité jusqu’à un sommet chaleureux, puis se détend tandis qu’un violon solitaire prend son envol. 

Von der großen Sehnsucht (« De l’aspiration suprême »). La rêverie est interrompue par le retour du motif de « l’aspiration » dans les cordes graves, qui est développé plus avant dans cette section. Zarathoustra prend conscience que « ce Dieu que j’ai créé était œuvre humaine et folie humaine, comme tous les dieux! » L’appel de la « nature » ponctue à plusieurs reprises la texture instable, comme une critique interdisant toute nouvelle tentative de poursuivre une vie religieuse. 

Von der Freuden und Leidenschaften (« Des joies et des passions »). L’épiphanie de Zarathoustra l’amène à trouver une nouvelle solution à « l’énigme du monde » : « écouter la voix du corps sain », qui est « plus pure et plus honnête » que celle de la religion. Les violons déploient un thème tourbillonnant en do mineur qui s’élance avec une vigueur juvénile. Alors qu’ils atteignent un point culminant, les trombones font irruption en exposant un nouveau motif important, celui du « dégoût », qui interrompt toute progression. Deux variantes plus rapides retentissent aux bassons, trombones, violoncelles et contrebasses, pour se dissoudre dans… 

Das Grablied (« Le Chant du tombeau »). Le motif de « l’aspiration » (en si mineur) revient, cette fois avec une extension chromatique par le violon solo, tandis que le hautbois et le cor anglais reprennent le thème tourbillonnant. Zarathoustra fait le point, examinant « les tombes de ma jeunesse » où il a relégué ses espoirs métaphysiques – ses « images et visions », « regards d’amour, moments divins ». Le réseau agité de motifs se construit jusqu’à ce qu’une fois de plus, une trompette sonne le motif de la « nature », après quoi tout se replie en une seule ligne descendante sur le violoncelle solo.

Von der Wissenschaft (« De la science »). Plusieurs violoncelles et contrebasses entament une fugue lente, qui représente la rationalité de la science comme autre solution à « l’énigme du monde ». Remontant le long des cordes et des bois, le sujet commence sur les trois notes originales du motif de la « nature » en do, puis se prolonge en une mélodie utilisant les douze notes de la gamme chromatique. Le tempo s’accélère avec la relance du motif de « l’aspiration » en si mineur; il se transforme bientôt en une nouvelle mélodie pleine d’espoir en si majeur – le thème de « l’idéal », un aperçu du « surhumain » – sur les flûtes et les premiers violons, puis en un air de danse pétillant sur les bois et les cordes. Mais bientôt, la vision chatoyante que convoyait ce dernier air est confrontée à la « nature », ce qui déclenche une montée progressive du « dégoût ». 

Der Genesende (« Le Convalescent »). Le motif du « dégoût » tourbillonne furieusement autour des entrées du sujet de la fugue, suggérant la destruction de la foi par la rationalité scientifique. Un point culminant terrifiant est atteint, en do, lorsque les cuivres graves annoncent, avec une ampleur colossale, le motif de la « nature ». Ensuite, un silence dramatique évoque en parallèle le passage du texte de Nietzsche où Zarathoustra « s’effondra à terre tel un mort, et il resta longtemps comme mort ». Il se réveille (la section reprend les motifs de « l’aspiration » et du « dégoût » en si mineur) et l’idée d’un éternel retour lui vient à l’esprit : « Tout va, tout revient; la roue de l’existence tourne éternellement. » Dans un long passage de transition, le motif du « dégoût » se transforme en un rire insolent à la clarinette aiguë, tandis que le motif de « l’aspiration », désormais en si majeur, prend une allure joyeuse en dialoguant avec le thème de la « danse ».

Der Tanzlied (« Le Chant de la danse »). Zarathoustra découvre une « nouvelle musique » – « il faut porter en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante » – après être parvenu à la révélation que le dépassement du désir métaphysique n’est pas un état de liberté permanente, mais plutôt « un cycle de dégoût et de rétablissement qui doit se poursuivre éternellement », comme l’a noté le musicologue Charles Youmans. La musique commence sur le motif de la « nature », puis s’oriente vers une mélodie douce au violon solo (en do majeur) qui introduit elle-même le thème de la « danse », maintenant refondu en une valse exubérante jouée par les cordes. Plus tard, le motif de « l’aspiration » (en si majeur) est intégré à la danse, passant par différentes tonalités, se résolvant presque, mais jamais tout à fait, en do majeur. Il passe par des vagues de plus en plus intenses, pour finalement culminer dans une colossale apothéose. 

Das Nachtwanderlied (« Chant du somnambule »). Au son de la « cloche de minuit », la musique s’apaise. Les violons entonnent le thème de « l’idéal » en si majeur, évoquant le rêve persistant de l’humanité de poursuivre son évolution. Mais il n’y aura pas de réponses simples : vers la fin, ce domaine raréfié de si majeur dans les vents aigus et les violons est hanté par le do majeur de la « nature », dont le motif est doucement cueilli par les violoncelles et les contrebasses, avant de s’éteindre sur un do final. 

Note de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais) 

Artistes

  • chef d'orchestre Alexander Shelley
  • Orchestre du CNA

Alliance internationale des employés de scène et de théâtre