Dernière mise à jour: 7 février 2024
FELIX MENDELSSOHN Ouverture du Songe d’une nuit d’été, op. 21 (12 min)
GUSTAV MAHLER « Adagietto », extrait de la Symphonie nº 5 (10 min)
KURT WEILL Trois chansons d’Un caprice de Vénus (10 min)
« Foolish Heart »
« Speak Low »
« I'm a Stranger Here Myself »
Wallis Giunta, mezzo-soprano
SERGUEÏ RACHMANINOV Vocalise, op. 34, no 14 (6 min)
Rachel Mercer, violoncelle
PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI Ouverture-fantaisie, Roméo et Juliette (20 min)
IL N’Y AURA PAS D’ENTRACTE.
Paroles de Ogden Nash
« Cœur follet »
Me direz-vous comment c’est arrivé?
Ai-je trop fait confiance à l’amour?
Quand la magie s’est-elle éteinte?
Aurais-je perdu la main?
Combien le monde peut être gai!
Pourrais-je t’aimer, peut-il m’aimer?
L’amour ne doit pas être sérieux, pas vrai?
On se rencontre, on s’embrasse, on commence
J’imaginais tout comprendre
J’oubliais mon cœur follet
L’amour ne peut pas être absurde, pas vrai?
On s’embrasse, on se sourit, on se sépare
Tout se passe comme tu l’as prévu
Si tu fais taire ton cœur follet
Pauvre cœur fou
Pleurant pour celui qui t’ignore
Pauvre cœur fou
Fuyant celui-là qui t’adore
Ah, l’amour m’effleurait à peine
À présent mon cœur me trahit
Je voudrais danser avec un nouvel amant chaque nuit
Mais mon cœur follet s’y refuse
Ah, l’amour m’effleurait à peine
À présent mon cœur me trahit
Je voudrais danser avec un nouvel amant chaque nuit
Mais mon cœur follet me dit non
Lyrics by Ogden Nash
“Foolish Heart”
Will you tell me how these things happen?
Have I trusted in love too much?
When did the magic vanish?
Have I somehow lost my touch?
How gay the world could be
Could I love you, could he love me?
Love shouldn't be serious, should it?
You meet, you kiss, you start
I fancied that I understood it
I forgot my foolish heart
Love can't be illogical, can it?
You kiss, you smile, you part
It happens the way that you plan it
If you hush your foolish heart
Poor foolish heart
Crying for one who ignores you
Poor foolish heart
Flying from one who adores you
Ah, love used to touch me so lightly
My heart now betrays me so
I would dance with a new lover nightly
But my foolish heart says no
Ah, love used to touch me so lightly
My heart now betrays me so
I would dance with a new lover nightly
But my foolish heart says no
« Parle tout bas »
Parle tout bas quand tu parles, amour,
Notre jour d’été s’étiole,
Trop vite, trop tôt.
Parle tout bas quand tu parles, amour,
Notre moment passe vite, comme des bateaux ivres,
Nous sommes séparés trop tôt.
Parle tout bas, chéri parle tout bas,
L’amour est une étincelle perdue dans la nuit,
Trop vite, trop tôt,
Où que j’aille je sens
Que demain est proche, demain arrive,
Et toujours trop tôt.
Le temps est si vieux et l’amour si bref,
L’amour est d’or pur et le temps est voleur.
Il est tard chéri, il est tard,
Le rideau tombe, tout s’achève
Trop vite, trop tôt,
J’attends chéri, j’attends,
Parle-moi tout bas,
Parle-moi d’amour et vite.
“Speak Low”
Speak low when you speak, love,
Our summer day withers away,
Too soon, too soon.
Speak low when you speak, love,
Our moment is swift, like ships adrift,
We’re swept apart too soon.
Speak low, darling speak low,
Love is a spark lost in the dark,
Too soon, too soon,
I feel wherever I go
That tomorrow is near, tomorrow is here,
And always too soon.
Time is so old and love so brief,
Love is pure gold and time a thief.
We’re late darling, we’re late,
The curtain descends, ev’rything ends
Too soon, too soon,
I wait darling, I wait,
Will you speak low to me,
Speak love to me and soon.
« Je suis moi-même une étrangère »
Dites-moi si l’amour reste une proposition prisée
Ou s’il est seulement un art dépassé?
Pardonnez-moi si je pose une question naïve
Je ne connais pas son cœur
Ici je suis moi-même une étrangère.
Pourquoi ai-je tort de murmurer que je l’adore
Alors que c’est aussi flagrant?
Serait-ce que l’amour l’embarrasse ou l’ennuie?
Je n’attends qu’un signe de lui
Car ici je suis moi-même une étrangère.
Je rêve d’un jour, chaud et joyeux
Avec mon visage plaqué entre ses mains
Ai-je raté le chemin? Me serais-je égarée?
Je demande, et personne ne comprend.
Aime-moi ou quitte-moi, telle semble être la question
J’ignore les tactiques à utiliser
Mais s’il me fait lui-même une proposition
Comment pourrais-je refuser
Alors qu’ici je suis moi-même une étrangère?
Dites-moi, je vous prie, dites à une étrangère
À la curiosité dévorante
Y a-t-il réellement quelque risque
Que l’amour soit maintenant dépassé?
Je voudrais surtout savoir
Pourquoi vous le gaspillez
Une idylle vraie est si charnelle
Par quoi l’avez-vous remplacée?
Quelle est votre dernière lubie?
Le gin-rami est-il plus délicieux?
Skier sur la neige est-il plus agréable?
Pour l’amour du Ciel, qu’est-ce que c’est?
Je ne peux croire que l’amour a perdu son éclat
Que la passion est vraiment du passé
Si le genre n’est qu’un terme grammatical
Comment ne trouverai-je jamais mon chemin
Alors qu’ici je suis moi-même une étrangère?
Comment peut-il ignorer que je suis disponible?
Pourquoi ces perspectives victoriennes?
Vous avez devant vous une femme en mission
Je dois trouver la clé qui l’allume
Et s’il me fait gravement une proposition
Comment pourrais-je refuser?
Comment pourrais-je refuser
Alors qu’ici je suis moi-même une étrangère.
“I’m a Stranger Here Myself”
Tell me, is love still a popular suggestion
Or merely an obsolete art?
Forgive me for asking a simple question
I'm unfamiliar with his heart
I’m a stranger here myself.
Why is it wrong to murmur I adore him
When it’s shamefully obvious I do?
Does love embarrass him or does it bore him?
I’m only waiting for my cue
’Cause I’m a stranger here myself.
I dream of a day, of a gay warm day
With my face between his hands
Have I missed the path? Have I gone astray?
I ask, and no one understands.
Love me or leave me, that seems to be the question
I don’t know the tactics to use
But if he should offer a personal suggestion
How could I possibly refuse
When I’m a stranger here myself?
Please tell me, tell a stranger
By curiosity goaded
Is there really any danger
That love is now outmoded?
I’m interested especially
In knowing why you waste it
True romance is so fleshly
With what have you replaced it?
What is your latest foible?
Is gin rummy more exquisite?
Is skiing more enjoyable?
For Heaven's sake, what is it?
I can’t believe that love has lost its glamour
That passion is really passé
If gender is just a word in grammar
How can I ever find my way
When I’m a stranger here myself?
How can he ignore my available condition?
Why these Victorian views?
You see here before you a woman with a mission
I must discover the key to his ignition
And if he should make a dramatic proposition
How could I possibly refuse?
How could I possibly refuse
When I’m a stranger here myself.
En 1825, les pièces de Shakespeare furent rééditées dans une traduction allemande de A.W. Schlegel et de Ludwig Tieck. Peu de temps après leur parution, Felix Mendelssohn (1809-1847), avec ses frères et ses sœurs, les dévorait. Il eut bientôt l’idée de composer une ouverture pour le Songe d’une nuit d’été. Il l’acheva en août 1826 et la dévoila à sa famille lors d’une représentation privée où sa sœur Fanny et lui-même étaient au piano. En février 1827, l’ouverture fut jouée en public à Stettin, sous la direction de Carl Loewe. Le jeune compositeur prodige qui venait d’avoir 18 ans et dont c’était la première œuvre orchestrale obtint un succès critique retentissant. Depuis lors, l’ouverture du Songe d’une nuit d’été est considérée comme l’un des premiers chefs-d’œuvre de Mendelssohn (avec l’Octuor composé en 1825) et demeure aujourd’hui l’une de ses œuvres les plus populaires.
Cette ouverture inaugure une tendance du XIXe siècle, celle des ouvertures de concert, lesquelles ressemblent par leur forme et leur conception à des ouvertures d’opéra, sauf qu’il s’agit de pièces à part entière. Généralement, la musique fait allusion à l’intrigue de l’œuvre dramatique d’origine – dans ce cas-ci, ce sont les histoires d’amour enchevêtrées de la pièce de Shakespeare. À la demande des éditeurs Breitkopf et Härtel, Mendelssohn a écrit la note suivante à propos des idées qui sous-tendent son ouverture :
Je pense qu’il suffira de se rappeler comment le roi et la reine des elfes, Obéron et Titania, avec tous leurs serviteurs, apparaissent ici et là, tout au long de la pièce; vient ensuite le prince Thésée d’Athènes qui va à la chasse avec sa femme, puis deux couples d’amoureux, qui se perdent et se retrouvent; enfin, une troupe de commerçants maladroits et grossiers qui se livrent à de lourds amusements et les elfes qui taquinent tout le monde – voilà sur quoi la pièce est construite. Lorsque, à la fin, tout s’est bien passé et que les personnages principaux s’en vont, bien pourvus et heureux, les elfes reviennent et bénissent la maison, puis disparaissent au lever du jour. C’est ainsi que se termine la pièce, ainsi que mon ouverture.
Ce « scénario » fantastique prend vie grâce à l’orchestration colorée de Mendelssohn et à un tissage imaginatif de motifs qui se transforment au fur et à mesure que l’ouverture progresse. L’œuvre commence et se termine par quatre accords joués par les bois et que Franz Liszt comparait à « des paupières qui s’abaissent et se soulèvent lentement ». « Entre les deux, poursuit-il, un charmant monde de rêve » se dessine, en commençant avec les violons, qui font courir les elfes ou voltiger les fées. L’orchestre émerge avec un thème joyeux et héroïque (le prince Thésée et sa fiancée Hippolyta à la chasse), suivi d’une mélodie sinueuse aux clarinettes, à laquelle répondent tendrement les violons (le chant des amoureux). Puis, au-dessus des violoncelles et des contrebasses qui trépignent (les marchands maladroits), les violons et les bois aigus jouent un air endiablé où l’on reconnaît un braiment, allusion à Nick Bottom, le tisserand à tête d’âne. Les elfes reprennent leur travail, puis s’épuisent dans une réminiscence, en mode mineur, du chant des amoureux. Avec le retour des accords, aux bois, une reprise variée des principaux motifs s’amorce : les elfes qui accourent, la mélodie des amoureux, les piétinements des marchands, les hi-han de Bottom et le thème héroïque du prince. Maintenant que tout va bien, les elfes reviennent pour donner une dernière bénédiction et, à la lueur somnolente de l’air du prince et des derniers accords, un nouveau jour se lève.
Sans surprise, l’intensité du sentiment amoureux a inspiré de nombreuses et remarquables compositions musicales qui ont touché bien cœurs. Le quatrième mouvement, « Adagietto », de la Cinquième symphonie de Gustav Mahler (1860-1911) est l’une d’elles. Le 7 novembre 1901, au cours d’une soirée à laquelle assistaient d’autres artistes et intellectuels viennois, Mahler rencontra Alma Schindler. Lui, 41 ans, était un ambitieux compositeur de symphonies grandioses, un chef d’orchestre réputé et directeur artistique du prestigieux Opéra impérial et royal de Vienne (Hofoper). Elle, 19 ans, était une brillante, riche et superbe jeune femme attirée par le génie artistique. Au moment de sa rencontre avec Mahler, Alma entretenait une relation avec le compositeur Alexander Zemlinsky. Mais, quelques semaines plus tard, elle et Mahler se fiancèrent dans le plus grand secret, avant de se marier en mars 1902, alors qu’Alma était enceinte de leur premier enfant.
Leur mariage fut mouvementé, mais l’« Adagietto » témoigne de la passion intense (certainement celle de Mahler pour Alma) qu’ils ont éprouvée au début de leur idylle. Mahler l’aurait composé en novembre comme une « déclaration d’amour à Alma », ainsi que l’a noté dans sa partition de la Cinquième, son ami Willem Mengelberg, chef de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam. Mengelberg a aussi écrit : « Au lieu d’une lettre, il [Mahler] lui a envoyé ce manuscrit sans autre explication. Elle a compris et lui a répondu qu’il devait venir!!! C’est ce qu’ils m’ont raconté tous les deux! »
Le mouvement, en trois parties, est écrit pour cordes et harpe. Une mélodie mélancolique avec accompagnement de harpe enserre une section centrale plus passionnée et angoissée attribuée aux cordes. L’effet produit par les panneaux extérieurs de ce triptyque ressemble à une sérénade sans paroles. Mais d’après Mengelberg, Alma lui aurait confié que Mahler lui avait écrit un poème destiné à être chanté sur la mélodie des premiers violons :
Wie ich dich liebe, |
Comme je t’aime, |
La section centrale comporte une descente, comme un soupir toujours plus insistant, une paraphrase du leitmotiv du « regard » dans Tristan und Isolde de Richard Wagner, lorsque les personnages tombent amoureux, se dévorant des yeux. Musicienne talentueuse et compositrice prometteuse, Alma aura certainement compris l’allusion!
« Foolish Heart »
« Speak Low »
« I’m a Stranger Here Myself »
Rien n’est aussi mystérieux, exaltant et déconcertant que l’amour. Il n’est donc pas étonnant que ce sujet fasse l’objet de tant de récits. La comédie musicale One Touch of Venus (Signé Vénus, en VF) de Kurt Weill (1900-1950), créée à Broadway en 1943, est une exploration touchante et teintée d’humour noir de cette singulière expérience humaine. La Vénus en question est une ancienne statue d’Anatolie, que venait d’acquérir un riche connaisseur d’art de New York, Whitelaw Savory. Un jour, le coiffeur Rodney Hatch rend visite à Savory pour lui couper les cheveux. Il aperçoit la statue et, sur un coup de tête, lui glisse au doigt la bague qu’il allait offrir à sa fiancée, Gloria. Vénus prend soudain vie et s’éprend de Rodney, qu’elle considère comme son libérateur. Rodney s’enfuit, terrorisé, mais Vénus le poursuit passionnément, semant le chaos sur son passage, se demandant si une déesse peut vivre une vie humaine.
Pour une comédie musicale de Broadway, le scénario de S.J. Perelman dépassait à l’époque les limites de la décence. De fait, Weill souhaitait que Marlene Dietrich fasse ses débuts à Broadway dans le rôle de Vénus. Il avait même composé les chansons du personnage en pensant à elle. Dietrich refusa de faire partie de la production, la jugeant « trop sexy ». Les producteurs décidèrent finalement de confier le rôle à Mary Martin, un choix à priori atypique. Sur les paroles mordantes d’Ogden Nash, Weill créa une partition symphonique qui témoigne, comme l’a souligné le compositeur Mark N. Grant, de sa maîtrise des idiomes de la musique populaire américaine (swing, barbershop, ragtime à la Irving Berlin et blues), ainsi que de son respect pour les productions de Broadway et pour l’opérette. Weill travailla aussi en étroite collaboration avec la chorégraphe Agnes De Mille. Avec ses 567 représentations, One Touch of Venus fut un succès pour Weill et fit de Mary Martin une vedette.
Aujourd’hui, vous entendrez les trois chansons de Vénus, lesquelles supportent une bonne part de la charge émotive de la comédie musicale. Dans « Foolish Heart », valse de style viennois et deuxième chanson de Vénus, la déesse essaye de comprendre pourquoi ses charmes divins n’ont aucun effet sur Rodney. Frustrée par les caprices de l’amour romantique, elle se demande pourquoi elle est attirée par Rodney alors qu’il semble éprouver des sentiments contraires : « Poor foolish heart/Crying for one who ignores you… /Flying from one who adores you. » (Pauvre cœur fou/Pleurant pour celui qui t’ignore… /Fuyant celui-là qui t’adore).
« Speak Low » est l’une des grandes chansons d’amour de Weill et un éternel classique. Pour les premiers mots, Weill suggéra à Nash d’utiliser, en le modifiant légèrement, le vers de la pièce de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien : « Speak low, if you speak of love » (Parlez bas, si vous parlez d’amour). Dans ce numéro sulfureux teinté de mélancolie, Vénus exhorte tendrement Rodney à plonger dans l’amour avec elle, car « le temps est si vieux et l’amour si bref […] tout s’achève trop vite, trop tôt ». Une impression que tous les amants mortels ne connaissent que trop bien.
Le swing « I’m a Stranger Here Myself » est la première chanson de Vénus. Rodney résiste à ses avances, et la déesse de l’amour ne comprend pas pourquoi. Elle se demande si elle comprend vraiment l’amour (si tant est qu’on puisse le comprendre) et si l’amour a changé depuis l’Antiquité : « l’amour […] [est-il] seulement un art dépassé? ». La « passion [appartient] vraiment au passé? ».
Comme l’affirme le musicologue Geoffrey Norris, Sergueï Rachmaninov (1873-1943) fut « le dernier représentant du romantisme russe tardif ». Il ignora les tendances modernistes apparues au début du XXe siècle, leur préférant, dans ses œuvres pour orchestre, un langage luxuriant, coloré d’une palette harmonique tonale. Ses mélodies sont nettement lyriques, très expressives et souvent empreintes de mélancolie, un état d’âme maintes fois associé au sentiment amoureux.
Outre sa musique pour orchestre et pour piano, Rachmaninov fut un auteur prolifique de mélodies appréciées pour la subtilité avec laquelle elles traduisent les sentiments exprimés dans leurs textes. Entre 1910 et 1912, Rachmaninov composa 13 mélodies sur des textes de plusieurs poètes majeurs du romantisme russe, dont Alexandre Pouchkine et Iakov Polonski. Chacune de ces mélodies était adaptée aux talents individuels de certains artistes lyriques russes. En 1915, Rachmaninov ajouta un dernier élément à son recueil : Vocalise, publiée en tant qu’opus 34.
Dédiée à la soprano Antonina Nejdanova, Vocalise a la particularité d’être un véritable « chant sans paroles », qui, à l’origine, devait être exécuté sur une voyelle au choix. La mélodie mélancolique est porteuse de sens. Malgré l’absence de paroles, elle véhicule des émotions profondes – peut-être un désir, une nostalgie, un chagrin d’amour. Universellement prisée, Vocalise a été popularisée par de nombreux arrangements pour diverses combinaisons instrumentales et vocales, comme celui pour violoncelle solo et orchestre que vous entendrez aujourd’hui.
Il n’y a peut-être pas de meilleur véhicule que la musique, avec ou sans paroles, pour exprimer les émotions en montagnes russes que l’amour procure. De nombreux compositeurs du XIXe siècle (soit de l’époque romantique) ont été inspirés par les histoires d’amour interdit. Celle de la pièce de Shakespeare Roméo et Juliette – deux amants issus de familles rivales – était l’une de leurs préférées. Parmi les œuvres qui adoptent ce thème, l’ouverture-fantaisie de Tchaïkovski (1840-1893) est probablement la plus connue. Sans doute, plusieurs reconnaîtront son « thème de l’amour », abondamment utilisé à la télévision comme au cinéma.
C’est d’abord Mili Balakirev qui eut l’idée d’une ouverture sur Roméo et Juliette de Shakespeare. Chef de file des compositeurs nationalistes russes de Saint-Pétersbourg connu sous le nom de « Groupe des Cinq », Balakirev développa avec Tchaïkovski une étroite relation professionnelle dont l’ouverture-fantaisie est le premier résultat. En novembre 1869, Tchaïkovski annonçait à Balakirev qu’il avait esquissé la majeure partie de l’œuvre et précisait : « Le schéma général est le vôtre : une introduction qui représente le frère, la lutte – allegro – et l’amour – deuxième thème ». Après avoir vu l’ébauche, Balakirev apprécia certains thèmes, mais pas la totalité. Tchaïkovski se dit prêt à les réviser en conséquence. La première version obtint un succès modéré, mais Tchaïkovski continua de réviser la partition, créant une deuxième version en 1870, puis une autre 10 ans plus tard. Publiée en 1881, avec une dédicace à Balakirev, la troisième version est celle qui est généralement jouée aujourd’hui.
Conformément au schéma de Balakirev, Tchaïkovski évoque le drame central de la pièce de Shakespeare au moyen de trois thèmes principaux récurrents. Au commencement, on entend le premier thème : une mélodie semblable à un chant, d’abord entonnée par les clarinettes basses et les bassons, puis reprise par les bois. Après l’introduction lente, un thème brusque dépeint la guerre entre les Montaigu et les Capulet. La musique de « lutte » comprend des passages de cordes en escarmouche, des traits courts et rapides lancés entre bois et cordes, un contrepoint imitatif en forme de poursuite et des coups de cymbales syncopés. Le thème chantant est bientôt entraîné dans le conflit. Une fois la bataille apaisée, le cor anglais et les altos en sourdine énoncent le thème de l’amour, dont les phrases nostalgiques et soupirantes sont d’abord tendres et quelque peu hésitantes, avant d’être reprises, avec plus d’assurance, par les flûtes et les hautbois. Il se calme ensuite dans un épisode rêveur avec accompagnement de harpe : Roméo et Juliette, dans l’éclat de leur amour.
Dans un terrifiant climax projeté par les trompettes, le thème de la lutte revient, avec une plus grande force et en même temps que la mélodie chantante. Après d’autres coups de cymbales syncopés, le thème principal reprend. Mais bientôt, celui de l’amour revient, s’épanouissant cette fois sur des cordes abondantes et des bois palpitants. La mélodie s’envole vers des sommets passionnés, mais le conflit ne peut se résoudre : la musique de « lutte » commence à s’immiscer à nouveau et atteint le comble du désespoir, avant de s’effondrer. Un roulement de timbales tonitruant annonce la fin. Comme des lamentations endeuillées, des fragments du thème de l’amour apparaissent sur la pulsation funèbre des timbales, et les bois suivent avec un sombre choral. Les cordes font entendre le dernier fragment du thème de l’amour avant que les accords retentissants de tout l’orchestre mettent fin à l’ouverture.
Notes de programme par Hannah Chan-Hartley, PhD (traduit de l’anglais)
La cheffe d’orchestre Jessica Cottis est reconnue pour sa programmation captivante et originale, et son leadership musical inspirant. Cette communicatrice née décrite comme « sympathique, attachante et s’exprimant clairement et avec concision » (The Scotsman) est très recherchée tant des orchestres que des auditoires du monde entier. Parmi ses engagements récents, mentionnons des prestations avec les orchestres symphoniques de Londres, de Singapour et de Melbourne, ainsi que les orchestres philharmoniques d’Oslo et de Los Angeles. Elle a aussi été invitée à de nombreuses reprises au Royal Opera House et aux BBC Proms.
Partenaire artistique du Västerås Sinfonietta en Suède, Jessica Cottis poursuit sa collaboration avec l’Orchestre symphonique de Canberra (CSO) à titre de cheffe d’orchestre principale et de directrice artistique pour une quatrième saison. Sous sa conduite visionnaire, le CSO a lancé plusieurs initiatives majeures, dont d’importantes commandes, des collaborations avec des artistes autochtones et des activités de promotion d’œuvres australiennes.
La cheffe d’orchestre se consacre à la musique des XIXe et XXIe siècles. Ses interprétations du répertoire romantique font régulièrement l’objet d’éloges « grâce à un tempérament posé et adapté aux œuvres de Brahms et à une technique maitrisée [qui lui permettent] d’aborder avec précision chaque note. Avec autorité et lucidité, elle emmène l’orchestre vers des sommets vertigineux. » (Västerbottens-Kuriren)
Jessica Cottis a amorcé sa carrière en tant qu’organiste. Diplômée avec distinction de l’Université nationale d’Australie, elle a poursuivi ses études à Paris, aux côtés de la célèbre organiste française Marie-Claire Alain, avant d’étudier la direction d’orchestre à la Royal Academy of Music de Londres, avec sir Colin Davis. Elle est ensuite devenue cheffe d’orchestre adjointe auprès de mentors tels que sir Donald Runnicles, Charles Dutoit et Vladimir Ashkenazy.
Ayant grandi sur la ferme familiale, elle se passionne très tôt pour la musique et la nature. Elle s’intéresse particulièrement à la relation entre la musique et la science, et l’écoute. Jessica Cottis habite actuellement à Londres et consacre ses temps libres à l’étude passionnée des papillons du monde entier.
Originaire d’Ottawa, Wallis Giunta a fait ses débuts dans le métier aux côtés de l’Orchestre du CNA à l’âge de 13 ans. Acclamée pour la richesse de sa voix (Opera News), elle a été sacrée en 2018 Jeune chanteuse de l’année aux International Opera Awards. En 2024, elle incarnera Anna dans Die Sieben Todsünden au Carnegie Hall et le rôle-titre dans Carmen à la Maison symphonique de Montréal, en plus de chanter au Royal Opera House de Londres. Elle se produira aussi en récital au Tivoli SommerKlassik à Copenhague et au Volksoper de Vienne pour y tenir le rôle-titre dans The Gospel According to the Other Mary de John Adams. Parmi les moments forts de la saison 2023 figurent des débuts avec l’Orchestre symphonique de Vienne (Neuvième Symphonie de Beethoven), au Komische Oper de Berlin (Folk Songs de Lucinano Berio) et au Théâtre national de l’Opéra-Comique de Paris (Breaking the Waves).
Depuis la fin de la pandémie, la mezzo-soprano a multiplié les projets, incarnant Angelina dans Cenerentola à l’Opéra national de Montpellier, Rosina dans Il Barbiere di Siviglia à l’Opéra de Dallas, le rôle-titre dans María de Buenos Aires à l’Opéra de Lyon, et deux rôles dans Solomon de Haendel aux BBC Proms, au Royal Albert Hall. Au cours de la saison 2019–2020, elle s’est produite pour la première fois à l’Opéra de Seattle et à l’Opéra royal de Suède (Angelina dans Cenerentola), au Deutsche Oper am Rhein (Bradamante dans Alcina), à l’Opéra de Sydney dans un récital solo, et au Festival d’Adelaïde (Dodo dans Breaking the Waves). Au cours des dernières années, Wallis Giunta a fait des débuts remarqués au Metropolitan Opera, au Théâtre du Châtelet, à la Compagnie d’opéra canadienne, à l’Opéra de Francfort, au Théâtre l’Opéra de Rome, ainsi qu’avec l’Orchestre symphonique métropolitain de Tokyo, les orchestres symphoniques de Séville, de Hambourg, de Taipei et de Toronto, et l’Orchestre radiophonique de Munich.
Qualifiée de « chambriste dans l’âme » (The Globe and Mail), qui sait créer des « moments de pure magie » (Toronto Star), la violoncelliste canadienne Rachel Mercer s’est produite comme soliste et chambriste sur cinq continents.
Lauréate du Grand Prix Vriendenkrans d’Amsterdam (2001), elle est violoncelle solo de l’Orchestre du Centre national des Arts et directrice artistique de la série de concerts de musique de chambre 5 at the First à Hamilton. Rachel Mercer se produit régulièrement en duo avec sa partenaire de longue date, Angela Park, et a été membre du quatuor pour piano Ensemble Made in Canada (2008-2020), lauréat d’un prix Juno, du trio AYR, (2010-2020) et du quatuor Aviv (2002-2010). Elle a donné des classes de maître en Amérique du Nord, en Afrique du Sud et en Israël, et des conférences sur l’interprétation, la carrière et l’industrie de la musique. Passionnée de musique canadienne contemporaine, elle a commandé et joué plus de 25 œuvres pour violoncelle solo et ensembles de chambre, y compris des concertos pour violoncelle solo de Stewart Goodyear et Kevin Lau.
Rachel a collaboré à des enregistrements sous les étiquettes Naxos, Naxos Canadian Classics, Centredisques, Analekta, ATMA, Dalia Classics et EnT-T. Encensé par la critique, son album de suites pour violoncelle seul de Bach a été enregistré avec le violoncelle Stradivarius Bonjour (v. 1696) provenant de la Banque d’instruments de musique du Conseil des arts du Canada. Rachel joue sur un violoncelle fabriqué au 17ᵉ siècle en Italie du Nord.
www.rachelmercercellist.com
La violoniste Marjolaine Lambert, originaire de Joliette mais autoproclamée Montréalaise, a entamé ses études musicales dès l’âge de quatre ans, suivant les traces de son frère, l’altiste Frédéric Lambert. Toute jeune, son talent naturel l’a menée à joindre les rangs du studio de Johanne Arel et de Raymond Dessaints au Conservatoire de musique de Montréal, auprès duquel elle obtient un diplôme en 2005. En raison de sa soif d’apprendre et d’accroître ses connaissances générales, elle s’inscrit à l’Université McGill dans la classe de Denise Lupien. Sa mineure en mandarin lui a permis de prendre part à une tournée de l’Orchestre de la Francophonie en Chine à titre de second violon solo.
Une fois son baccalauréat avec spécialisation en main, elle poursuit ses études afin d’obtenir une maîtrise à l’Université Yale, où elle étudiera avec Ani Kavafian. Elle s’y est épanouie en tant que violon solo de l’Orchestre philharmonique de Yale et finaliste du Concours de concertos Woolsey. Marjolaine a tressé de solides collaborations avec des compositeurs contemporains; elle a créé, avec le maestro Julian Wachner, Novus NYC, un orchestre dévoué à la musique nouvelle au sein duquel elle siège à titre de violon solo. Elle a eu l’occasion de créer des œuvres de David Lang, Bernard Rands et Christopher Theofanidis.
Sa passion pour la nouvelle musique l’a amenée à entreprendre, à l’Université McGill, des études doctorales en musique axées sur le violon électrique créé par Pierre Boulez dans ses Anthèmes, avec le soutien du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. Son travail avec les dispositifs électroniques lui permet de participer à divers projets très intéressants, notamment la création mondiale de l’œuvre Les Gestes, une création de la chorégraphe de danse Isabelle Van Grimde.
Marjolaine s’est produite en tant que soliste sous la direction de nombreux chefs d’orchestre dont Yuli Turovsky, Peter Oundjian et Shinik Hahm. À titre de chambriste, elle a souvent été invitée à s’exécuter avec Les Violons du Roy, I Musici et l’Arcos Chamber Orchestra.
Dans son rare temps libre, Marjolaine aime bien dévorer les téléséries, découvrir les profondeurs de la pratique sur son violon baroque ou encore faire lever les foules avec Céline Dion.
Elle est ravie de faire partie de l’Orchestre du Centre national des Arts depuis septembre 2016.
Tobi Hunt McCoy poursuit sa collaboration saisonnière avec l’Orchestre du CNA à titre de régisseuse. Lors des saisons précédentes, elle a notamment été à la régie pour Le Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn avec Christopher Plummer en 2001 et Colm Feore en 2014. Pour l’Orchestre symphonique d’Edmonton, elle a assuré avec Jack Everly la coproduction de La belle époque de la radio, un concert Pops de musique des années 1940 qu’ils avaient produit ensemble en 2007 pour l’Orchestre du CNA.
En 2018, McCoy a fait ses débuts de comédienne à la Salle Southam en jouant son propre rôle dans L’Orchestre de la planète X de la Magic Circle Mime Co. Comme régisseuse, elle a fait un peu de tout : aidé Suzanne et la comtesse à expliquer les subtilités de l’amour conjugal au comte et à Figaro dans Les Noces de Figaro; gardé les yeux ouverts (pour la première fois de sa vie) pendant la scène des singes volants dans le Magicien d’Oz; demandé (par erreur!) à Patrick Watson de montrer une pièce d’identité en coulisses; retenu son souffle devant les prouesses des acrobates du Cirque à Broadway; continué d’exercer son français de la Colombie-Britannique grâce aux conseils des choristes d’Ottawa et acclamé Luke et la princesse Leia avec Charlie Ross, Émilie Fournier et Erik Ochsner dans le cadre du concert Pops Star Wars.
Dans son temps libre, elle s’occupe du département d’arts, d’anglais, de théâtre et de techniques de documentation au Lisgar Collegiate Institute.
Depuis sa création en 1969, l’Orchestre du Centre national des Arts (CNA) reçoit des éloges pour la passion et la clarté de ses interprétations, pour ses programmes éducatifs novateurs et pour son apport à l’expression de la créativité canadienne. Sous la direction du Directeur musical Alexander Shelley, l’Orchestre du Centre national des Arts est le reflet de la diversité des paysages, des valeurs et des communautés du Canada, et est reconnu pour sa programmation audacieuse, ses contenus nrratifs marquants, son excellence artistique et ses partenariats innovants.
Alexander Shelley a amorcé son mandat à la direction musicale de l’Orchestre du CNA en 2015, succédant à Pinchas Zukerman, qui a été aux commandes de l’ensemble pendant 16 saisons. Premier chef associé du Royal Philharmonic Orchestra, Shelley a été le premier chef de l’Orchestre symphonique de Nuremberg de 2009 à 2017. Demandé partout dans le monde, il a dirigé entre autres la Philharmonie de Rotterdam, DSO Berlin, le Leipzig Gewandhaus et la Philharmonie de Stockholm, et il maintient des liens avec la Deutsche Kammerphilharmonie et l’Orchestre national des jeunes d’Allemagne.
Chaque saison, l’Orchestre du met en vedette des artistes de réputation internationale, tels que notre artiste en résidence James Ehnes, Angela Hewitt, Joshua Bell, Xian Zhang, Gabriela Montero, Stewart Goodyear, Jan Lisiecki et le premier chef invité John Storgårds. L’ensemble se distingue à l’échelle du monde pour son approche accessible, inclusive et collaborative. Par le langage universel de la musique et des expériences musicales communes, il communique des émotions profondes et nous rapproche les uns des autres.
Premiers violons
Yosuke Kawasaki (violon solo)
Jessica Linnebach (violon solo associée)
Noémi Racine Gaudreault (assistante violon solo)
Jeremy Mastrangelo
Marjolaine Lambert
Zhengdong Liang
Manuela Milani
*Martine Dubé
*Oleg Chelpanov
*Heather Schnarr
Seconds violons
Emily Westell
Emily Kruspe
Frédéric Moisan
Carissa Klopoushak
Leah Roseman
Mark Friedman
Edvard Skerjanc
**Karoly Sziladi
**Winston Webber
*Renée London
*Andréa Armijo Fortin
*Sara Mastrangelo
Altos
Jethro Marks (solo)
**David Marks (solo associé)
David Goldblatt (assistant solo)
Paul Casey
Tovin Allers
David Thies-Thompson
*Brenna Hardy-Kavanagh
Violoncelles
Rachel Mercer (solo)
Julia MacLaine (assistante solo)
Timothy McCoy
Leah Wyber
Marc-André Riberdy
*Karen Kang
Contrebasses
Max Cardilli (assistant solo)
Vincent Gendron
Marjolaine Fournier
*Paul Mach
Flûtes
Joanna G’froerer (solo)
Stephanie Morin
*Christian Paquette
Hautbois
Charles Hamann (solo)
Anna Petersen
*Melissa Scott
Cor anglais
Anna Petersen
Clarinettes
Kimball Sykes (solo)
Sean Rice
*Shauna Barker
*Juan Olivares
Bassons
Darren Hicks (solo)
Vincent Parizeau
Cors
*Jessie Brooks (solo invitée)
Julie Fauteux (solo associée)
Lawrence Vine
Lauren Anker
Louis-Pierre Bergeron
Trompettes
Karen Donnelly (solo)
Steven van Gulik
*Bradley Luna
Trombones
*Steve Dyer (solo invité)
Colin Traquair
Trombone basse
Zachary Bond
Tuba
Chris Lee (solo)
Timbales
*Simón Gómez (solo invité)
Percussion
Jonathan Wade
*Andrew Harris
Harpe
*Angela Schwarzkopf
Piano
*Frederic Lacroix
Musicothécaire principale
Nancy Elbeck
Musicothécaire adjoint
Corey Rempel
Chef du personnel
Meiko Lydall
Coordinatrice du personnel de l’Orchestre
Laurie Shannon
*Musiciens surnuméraires
**En congé