Nostalgie de l’été

avec l’Orchestre du CNA

2022-07-08 20:00 2022-07-09 21:30 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Nostalgie de l’été

https://nac-cna.ca/fr/event/31295

Événement en personne

La saison estivale évoque irrésistiblement les souvenirs des étés passés. Plongez-vous en musique dans la brûlante nostalgie de la saison en compagnie de l’Orchestre du CNA, dirigé par le chef d’orchestre et compositeur canadien Dinuk Wijeratne, et de la soprano canadienne Jonelle Sills, étoile montante de la scène lyrique. Le passé et le présent s’entrechoquent dans la musique de compositeurs qui...

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Salle Southam ,1 rue Elgin,Ottawa,Canada
8 - 9 jul 2022
8 - 9 jul 2022

Dernière mise à jour: 7 juillet 2022

Programme

DINUK WIJERATNE A Letter from the Afterlife
DAVID Concertino pour trombone et orchestra
BARBER Knoxville: Summer of 1915
GRIEG Suite Holberg

Répertoire

DINUK WIJERATNE

A Letter from the Afterlife

Dinuk Wijeratne dirige ce soir un arrangement pour orchestre à cordes de sa pièce A Letter from the Afterlife, composée à l’origine en 2014 pour le quatuor Afiara, comme premier volet de ses Two Pop Songs on Antique Poems. Ainsi qu’il l’explique lui-même :

J’ai trouvé le concept de ce projet unique irrésistible, de la musique d’influence ‘pop’ pour un quatuor à cordes classique, presque aussi irrésistible que les instrumentistes qui y prenaient part. Les ‘Afiaras’ (comme je prends plaisir à les appeler) se situent étonnamment à égale distance de la tradition et de l’innovation. J’ai donc voulu créer pour l’ensemble ma propre version du « choc de l’ancien et du nouveau », où la beauté et la signification de poèmes anciens pourraient inspirer le type de boucles, de grooves et de mélodies accrocheuses qu’on peut entendre dans la musique pop.

A Letter from the Afterlife est basé sur un poème tiré du Rubayat d’Omar Khayām (1048–1131). En voici une version française, d’après la traduction anglaise d’Edward Fitzgerald (1809–1883) :

J’ai envoyé mon âme à travers l’Invisible,
Afin qu’elle m’écrive de l’au-delà :
Et peu à peu mon âme m’est revenue,
M’a répondu « Je suis moi-même paradis et enfer ».

Wijeratne souligne que « la mélodie est, en fait, une mise en musique du texte du poème, sans les mots ». Elle est d’abord introduite par un alto solo, sur une boucle rythmique pulsée exécutée par un violon solo. La sonorité et l’intensité augmentent peu à peu à chaque reprise de la mélodie, désormais jouée par des groupes d’instruments, les rythmes entraînants se faisant plus insistants. Après avoir atteint un bref sommet, la tension se dissipe, et le processus recommence. Cette fois, il atteint un point culminant sur la première des deux citations musicales du Quatuor La jeune fille et la mort de Franz Schubert – un thème agressif annoncé par les violoncelles. Les premiers violons suivent avec la deuxième citation – une phrase délicate et interrogative. « Ironiquement », explique le compositeur, « le caractère pop de ces citations m’a frappé, et je les ai donc laissées émerger comme si elles étaient improvisées, puis pour improviser sur elles. » Plus tard, la pièce culmine alors que la première citation est énoncée à l’unisson par l’ensemble de l’orchestre, puis la musique se poursuit implacablement jusqu'à la fin.

David

Trombone Concertino

I. Allegro maestoso
II. Andante : Marcia funebre
III. Allegro maestoso

Le Concertino pour trombone du compositeur allemand Ferdinand David est l’une des toutes premières œuvres pour trombone solo et orchestre. Il l’a écrit en 1837 pour Carl Traugott Queisser (1800-1846). À l'époque, David, violoniste virtuose, et Queisser occupaient respectivement les postes de violon solo et d’alto solo dans l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig, alors dirigé par Felix Mendelssohn. Queisser était également un virtuose du trombone, renommé dans toute l'Europe – le compositeur Robert Schumann l’a qualifié de « Dieu du trombone ». En tant que soliste de l’orchestre du Gewandhaus, Queisser s’est produit à plus d’une vingtaine d’occasions, y compris lors de la création de nouvelles œuvres comme ce Concertino, créé à la faveur d’un « grand concert » présenté le 14 décembre 1837. L’œuvre a été bien accueillie et Queisser l’a ensuite interprétée dans de nombreux concerts, à Leipzig et ailleurs. Plus tard au cours du XIXe siècle, Leipzig s’étant établie comme centre de la pratique du trombone, le Concertino est devenu une pièce maîtresse du répertoire de l’instrument. Il reste à ce jour l’une des compositions pour trombone les plus jouées dans le monde, et l’œuvre la plus connue de David.

Attrayant et bien conçu, le Concertino combine la clarté architecturale et les textures propres à la musique du XVIIIe siècle (« classique ») avec la dynamique rythmique, le sens du drame, l’harmonie et le lyrisme du XIXe siècle (« romantique »). Pour le soliste, l’œuvre exige non seulement une dextérité technique sans faille, mais aussi une grande sensibilité musicale, afin d’offrir un large éventail de styles expressifs, allant d’énoncés audacieux et sonores à des courses étourdissantes, en passant par des mélodies douces et chantantes.

La pièce s’articule en trois mouvements qui s’enchaînent sans pause. Des phrases chaleureuses entonnées par les vents ouvrent le premier mouvement, suivies d’une explosion fougueuse de l’orchestre. Le trombone solo répond avec un premier thème grandiose qui met en valeur tout le registre de l’instrument. Après une transition de caractère martial, un second thème doux et tendre est introduit par les violons et les altos, avant d’être repris par le trombone. Le soliste revient ensuite à des motifs animés pour compléter la section. Un épisode orchestral orageux s’ensuit; lorsque le trombone revient, c'est par brefs éclats dramatiques, comme un récitatif d’opéra, qui débouchent sur une longue cadence solo.

Après le soliloque du trombone, la marche funèbre commence. Le thème principal est une complainte solennelle qui, en dialogue avec les cordes, atteint un sommet d’angoisse. Un souvenir poignant survient alors, tout imprégné d’une tendresse réconfortante, après quoi on est replongé dans la tristesse de la procession funèbre. De ces profondeurs, sur une toile de fond agitée, les violons et les vents aigus échangent des motifs ascendants, et nous émergeons dans la joie radieuse du finale. Ici, les thèmes du premier mouvement sont rappelés en séquence, puis brièvement développés. Ensemble, le trombone et l’orchestre amènent le Concertino à sa triomphale conclusion.

Samuel Barber

Knoxville: Summer of 1915 (Jonelle Sills, soprano)

Fruit d’une commande de la soprano américaine Eleanor Steber, Knoxville: Summer of 1915 est une « rhapsodie lyrique » de Samuel Barber. Steber a créé l’œuvre en 1949, avec l’Orchestre symphonique de Boston dirigé par Serge Koussevitsky. Le texte, tiré d’un poème autobiographique en prose de James Agee (1909-1955), constitue une réflexion nostalgique sur un été d’enfance à Knoxville, l’année précédant la mort de son père. Barber s’est étroitement identifié au poème, notant : « Il m’a particulièrement frappé parce que la soirée d’été qu’il décrit dans sa ville natale du Sud m’a tellement rappelé des soirées semblables de mon enfance. » De plus, le texte faisait écho à son expérience de la longue maladie et de la mort subséquente, en août 1947, de son propre père, à qui il a dédié cette œuvre.

Barber a utilisé un tiers du poème original d’Agee, choisissant spécifiquement les derniers paragraphes, qu’il a « placés en lignes pour que le schéma rythmique soit clair ». Sur le plan musical, comme le musicologue Benedict Taylor l’a décrit avec justesse, « la nostalgie et le ton mélancolique du poème d’Agee se traduisent dans la musique de Barber par plusieurs marqueurs de l’enfance, du temps passé et de la nostalgie musicale ». Ces éléments comprennent un refrain récurrent de berceuse et une ligne vocale simple, évoquant une chanson folklorique. Les différents timbres des instruments de l’orchestre évoquent avec vivacité les divers sons et images décrits dans le poème. Pour vous guider dans l’audition de l’œuvre, une version française du texte intégral est reproduite ci-dessous, avec un bref commentaire sur la musique.

L’introduction, avec les sons du cor anglais, de la clarinette, du basson et de la harpe, crée un cadre pastoral, évoquant une époque et un lieu d’innocence. La voix fait son entrée, réglant les mots sur le thème principal de la berceuse, avec un accompagnement doux et apaisant.

Voici le moment du soir où les gens s’assoient sur leur porche, se berçant doucement, parlant tout bas, observant la rue et laissant entrer dans leur bulle les grands arbres dressés, refuges d’oiseaux perchés, hangars. Les gens passent; les choses passent. Un cheval, tirant un buggy, fait éclater le son caverneux d’une musique métallique sur l’asphalte : une voiture bruyante : une voiture silencieuse : des gens par deux, pas pressés, qui se chamaillent, transfèrent le poids de leur corps estival, parlent avec désinvolture, tandis que planent au-dessus d’eux des parfums de vanille, de fraise, de carton-pâte et de lait d’amidon, et se superpose à eux l’image d’amoureux et de cavaliers, semblables à des clowns dans de l’ambre incolore.

Un épisode empreint d’urgence vient interrompre la rêverie par l’irruption du bruit et de l’agitation de la vie urbaine, représentée ici par les sons d'un tramway, émulés par des vents joués en staccato et des cordes pincées, entre autres effets.

Un grincement métallique s’élève d’un tramway; il s’arrête; carillonne et repart; souffle bruyamment; fait entendre à nouveau son cri métallique, de plus en plus fort, tournant ses fenêtres dorées et ses sièges de paille vers le passé, le passé et encore le passé, une étincelle lugubre crépitant et jurant par-dessus lui comme un esprit malin qui se lance sur ses traces; le grincement métallique monte de plus en plus vite; toujours aigu, s’évanouit; s’interrompt; la cloche tinte faiblement; s’élève à nouveau, plus faible  encore; s’évanouit, s’élève, s’évanouit, s’élève, s’efface : oublié.

Suit un épisode bref qui, avec les cordes en sourdine, présente un caractère magique et mélancolique, alors que la voix évoque tendrement ce souvenir :

Voici maintenant la nuit de la rosée bleue, mon père a drainé, il a enroulé le tuyau.
Bas le long des pelouses, un feu follet respire…

La musique retombe ensuite dans le refrain de la berceuse.

Les parents sur les porches se bercent et se bercent. Suspendues à des fils humides, les belles-de-jour montrent leurs visages de vieilles.
Le bruit sec et exalté des sauterelles remplissant tout l’air à la fois ravit mes tympans.

Le troisième épisode introduit un nouveau motif mélodique, et la musique se trouble quelque peu et s’intensifie – par de grands sauts dans les violons et l’infusion d’harmonies plus chromatiques – tandis que la voix contemple « son monde » qui l’entoure et la brièveté de la vie.

Sur l’herbe rêche et humide de la cour, mon père et ma mère ont étendu des courtepointes. Nous sommes tous allongés là, ma mère, mon père, mon oncle, ma tante, et moi aussi, je suis allongé là. […] Ils ne parlent pas beaucoup, avec le plus grand calme, et de rien en particulier, de rien du tout. Les étoiles sont grosses et vivantes, toutes semblables à un sourire d’une grande douceur, et elles ont l’air très proches. Tout mon monde a des corps plus grands que le mien, […] avec des voix douces et anodines comme celles d’oiseaux endormis. L’un est un artiste, il vit à la maison. L’une est musicienne, elle vit à la maison. L’une est ma mère qui est bonne pour moi. L’un est mon père qui est bon pour moi. Par bonheur, ils sont tous là, sur cette terre; et qui dira jamais le chagrin d’être sur cette terre, allongés sur des courtepointes, dans l’herbe, un soir d’été, parmi les sons de la nuit.

La musique pastorale de l’introduction revient; la voix entonne une prière passionnée, à laquelle l'orchestre répond en atteignant un intense paroxysme.

Que Dieu bénisse mon monde, mon oncle, ma tante, ma mère, mon bon père, oh, souviens-toi d’eux avec bonté au moment de leur détresse, et à l’heure de leur disparition.

La berceuse se fait entendre à nouveau, pour la dernière fois. Sur les derniers mots, qui, selon Barber, « expriment le sentiment de solitude, d’émerveillement et de manque d’identité d’un enfant dans cet intervalle entre le crépuscule et le sommeil », la voix s’élève à des hauteurs éthérées au-dessus de l’orchestre.

Au bout d’un moment, on me prend et on me met au lit. Le sommeil, doux et souriant, m’attire à lui : et je suis reçu, traité avec douceur, comme un être familier et bien-aimé dans cette maison; mais ils ne veulent pas, oh, ne veulent pas, ni maintenant, ni jamais, ne voudront pas me dire qui je suis.

Sur le motif chaloupé de la berceuse, l’orchestre amène la rhapsodie à sa méditative conclusion.

 Libretto pour Knoxville: Summer of 1915 (PDF 188,91 KB)

EDVARD GRIEG

Suite Holberg, op. 40

I. Praeludium : Allegro vivace
II. Sarabande : Andante
III. Gavotte : Allegretto
IV. Air : Andante religioso
V. Rigaudon : Allegro con brio

En 1884, au sommet de sa carrière de musicien et de compositeur, Edvard Grieg reçoit la commande d’une œuvre pour célébrer le bicentenaire de l’écrivain et dramaturge norvégien-danois Ludvig Holberg (1684-1754). Il écrit pour l’occasion la Cantate pour l’Inauguration du Monument de Holberg, pour voix masculines, mais tout en l’achevant, il compose également un ensemble de pièces pour piano qu’il intitule Du temps de Holberg, Suite dans le style ancien. L’année suivante, il crée un arrangement pour orchestre à cordes de cette œuvre – la forme sous laquelle elle est principalement connue aujourd’hui.

Grieg a modelé la Suite Holberg sur la forme instrumentale popularisée à l’époque baroque, celle où vivait Holberg. Elle consiste en une série de danses stylisées, c'est-à-dire des musiques destinées à être écoutées plutôt que dansées, mais qui conservent les caractéristiques distinctives (tempo, mesure, rythmes) de ces types de danse. Une même tonalité unit les mouvements – le sol, dans le cas présent (sol majeur dans l’ensemble, mises à part quelques excursions en sol mineur dans l’Air et le Rigaudon). De façon générale, Grieg a cherché à évoquer ce style plus ancien dans sa Suite Holberg plutôt qu’à l’imiter. 

Le Praeludium (prélude) d’ouverture présente un vigoureux rythme de galop, avec des accents puissants et des crescendos dramatiques. Par-dessus, les violons jouent une délicate mélodie qui progresse par paliers. L’ambiance devient orageuse avec des passages en cascade palpitants, puis se calme tout à coup, sur une phrase envoûtante. Plus tard, la musique initiale est reprise avec quelques variations, et s’achève sur une grande envolée.

La Sarabande est une danse lente à trois temps qui se caractérise par son appui sur le deuxième temps. Celle que nous retrouvons ici comporte quelques touches inusitées, comme les basses pincées qui se joignent à elle au milieu de la première partie. Dans la deuxième partie, le violoncelle solo reprend la phrase poignante des violons, après quoi deux autres violoncelles se joignent à lui pour créer un trio très soudé. Les autres cordes entrent en scène et atteignent un sommet chaleureux, puis s’apaisent à la fin.

Grieg s’inspire du double temps fort caractéristique de la Gavotte pour créer un thème exaltant, fait de motifs ascendants, avec des accents soulignant le rythme de la danse. La Gavotte encadre une Musette centrale, où les violoncelles entonnent un bourdon et les cordes supérieures exécutent des motifs circulaires par-dessus, évoquant l’instrument français de l’ère baroque, de la famille des cornemuses, dont le style musical tire son nom.

L'Air est une émouvante chanson sans paroles – en sol mineur, elle est d'une mélancolie touchante. Les violons introduisent la mélodie lyrique avec ses ornements expressifs, puis elle est reprise par les violoncelles et les contrebasses. Dans la seconde moitié, les violons forment un duo avec le violoncelle solo, après quoi ils atteignent le paroxysme de l’émotion. Puis la musique s’apaise, pour monter à nouveau en intensité avant de se dissiper rapidement à la fin.

Le dernier mouvement est un Rigaudon, une danse française animée. Ici, l’air est confié au violon et à l'alto solos qui exécutent des figures rapides et énergiques, sur une paisible toile de fond tissée en pizzicato. Contrastant vivement avec ce qui précède, la section médiane calme et posée, en mode mineur, tire parti de la chaleur des timbres de l’orchestre entier. Le Rigaudon revient pour amener la Suite à son exubérante conclusion.

Notes de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais)

Artistes

  • direction d’orchestre Dinuk Wijeratne
  • soprano Jonelle Sills
  • direction d’orchestre Trevor Wilson
  • soloiste Hillary Simms
  • Avec Orchestre du CNA

Alliance internationale des employés de scène et de théâtre