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Dernière mise à jour: 23 novembre 2021
Savèches me virevolte en tête depuis maintenant deux ans. C’est d’abord à l’invitation de François Cormier du Salon du livre de la Péninsule acadienne, qu’une première lecture a été présentée en octobre 2019. L’engagement de Jonathan Roy dans cette lecture et la puissante traversée de ce recueil de poésie mis en espace m’ont convaincu qu’il fallait poursuivre cette aventure et lui donner des ailes. La suite est une envolée de rencontres riches et créatives.
Brigitte Haentjens m’a offert son soutien artistique et la coproduction avec le Théâtre français du CNA. Matthieu Girard m’ayant confirmé sa participation, je savais que j’avais trouvé la « savèche intérieure » du poète; c’était ce duo, Jonathan et Matthieu, et aucun autre possible. Une équipe du tonnerre s’est mise en place, et nous avons patiemment, instinctivement et amoureusement porté cette poésie à la scène.
Je crois aux rencontres, celles des arts qui s’épousent, celles des gens qui mettent tout leur cœur et leur talent au service d’une œuvre. Merci à l’équipe du TPA avec qui j’ai le bonheur de travailler et merci à l’équipe de Savèches qui me fait vivre une de mes plus belles aventures artistiques.
Savèches, c’est la rencontre de tout ce beau monde et c’est aussi une rencontre entre la poésie, le théâtre et vous.
Bonne rencontre!
Première chose à dire : je ne suis pas dramaturge. Je ne prétendrai pas non plus être comédien quand je mets les pieds dans le décor. Je suis poète, that’s it that’s all. La pièce que vous allez voir est la manifestation de ce qui peut arriver à la poésie quand le théâtre se met sur son cas et vice versa. Les textes que nous y portons existaient déjà en poésie, vivaient, faisaient sens. Mais quand tant d’artisans-créateurs y surimposent leurs meilleurs tricks pour souligner, préciser ou pour dire autrement le bombardement d’images et de vibes qui gisaient déjà dans mes assemblages, le sens et les lectures possibles en ressortent comme magnifiés, de la savèche jusqu’au squall. Le regard qu’on y porte sur le monde est dur, c’est certain. Mais gardons en tête que cette critique et aussi empreinte de tendresse, car si on prend le temps d’amener l’attention vers les zones d’ombre, c’est qu’il y a quelque part la confiance que la lumière au-delà est possible et qu’elle est peut- être plus proche qu’on le pense.
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L’auteur est lauréat du Prix Annuel de l’édition 2020 du Prix littéraire Antonine-Maillet-Acadie Vie pour Savèches à fragmentation, paru en 2019 aux Éditions Perce-Neige. Il a également remporté le Prix Annuel 2013 du Prix littéraire Antonine-Maillet-Acadie Vie pour son premier recueil, Apprendre à tomber.
Quand Allain Roy, peu de temps après qu’il ait pris la barre du Théâtre populaire d’Acadie, m’a fait part de son projet, monter le recueil Savèches à fragmentation de Jonathan Roy, j’ai tout de suite été emballée. Le texte est riche, percutant, foisonnant. Jonathan appartient à cette nouvelle génération de poètes acadiens, à la fois ancrés dans la tradition de l’oralité et simultanément élevés au milieu des médias sociaux avec des préoccupations toutes contemporaines. C’était une occasion rêvée pour le Théâtre français du CNA de soutenir le TPA, sa nouvelle direction et une œuvre qui posait des défis artistiques pour son passage à la scène. La pandémie a immobilisé temporairement les ailes des savèches, mais le processus de création s’est poursuivi à distance de Zoom, et ce fut une chance inouïe de voir naître cet objet poétique, avec sur scène l’écrivain et sa créature, dans un dialogue incessant : un beau voyage d’initiation, sur la route qui longe l’océan, balayée par la lueur des phares. Merci à l’équipe sensible et inspirée pour la confiance et l’ouverture et pour le travail délicat autour des mots.
Voguant dans des constellations d’informations, d’images et d’inepties, nos cerveaux contemporains se laissent avaler par les écrans lumineux, comme des insectes nocturnes.
« Savèche » est un mot acadien qui désigne un papillon de nuit, attiré irrémédiablement par la lumière, comme l’homme moderne par l’agitation perpétuelle du monde virtuel.
Avec Savèches, une fragmentation contemporaine en trois mouvements, le Théâtre populaire d’Acadie (TPA) porte sur scène les mots torchères du poète Jonathan Roy, aussi vifs et envoûtants qu’une flamme.
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volière
le temps est terne
et je suis comme le temps
en continuum avec l’espace et je me fais
tatouer une hirondelle dans le front
pour chaque tour du monde que je fais
sur notre beau vieux divan brun
ma face est une volière et le vraimonde
est une cage et le tapis de journal
n’a pas été changé depuis l’homme
sur la lune mais je n’arrêterai pas
de nous inventer des éclipses comme des asiles
des oasis en cabanes de coussins où
écouter tranquille le chant des cygnes
sur les vieux vinyles où on a creusé
nous autres mêmes des nouvelles pistes
des sillons de travers
pour nous réfugier dans le popcorn
quand nous nous perdrons encore à imaginer
des destins de grippes aviaires
et de poulet frit
et nous nous ferons de nouveaux tatouages
une ancre sur la joue comme une larme
de joie de jour de neige arrachée à la tempête
une nouvelle pour chaque minute
où nous nous serons sentis quand même
chenous
Poème tiré du recueil Savèches à fragmentation (Éditions Perce-Neige, 2019)
L’équipe de Savèches, une fragmentation contemporaine en trois mouvements a bénéficié du soutien du CNA à l’occasion des résidences de création Champ libre, qui se sont déroulées dans le courant de l’été 2021. Les artistes ont pu former une bulle de création pour explorer, pendant une dizaine de jours, la dramaturgie du mouvement en compagnie de la réputée Monique Léger, qui, depuis plus de trente ans, poursuit une démarche artistique reposant sur le Mouvement authentique.
« À force de laisser les corps parler, ils disent ce qu’ils ont à dire. Ce temps de dramaturgie du mouvement de Savèches, fut un éveil des corps. Des corps vivants pour porter ce poème riche. »
—Monique Léger
Vous désirez en connaître davantage sur la création de Savèches, une fragmentation contemporaine en trois mouvements?
Visitez le portail des balados du TPA et faites une incursion dans le monde secret des coulisses du spectacle en écoutant les deux premiers épisodes, Arrière-scène sur… Savèches.
Claudie Landry, la créatrice du décor, des costumes et des accessoires, et Stéphane Ménigot, le concepteur des lumières, nous plongent dans le processus de création du spectacle.
« Il fallait trouver un espace physique, un espace visuel, lumineux, qui ne soit pas trop directif. […] Donc, c’était d’arriver à créer des univers qui permettent de nous situer quelque part, en lien avec les propos de Jonathan, mais en même temps de laisser assez de liberté pour que chaque spectateur puisse interpréter et ressentir les émotions à sa guise. »
—Stéphane Ménigot
Le poète et interprète Jonathan Roy aborde la genèse du projet et parle de l’adaptation pour la scène de son recueil de poésie.
« Le terme de littérature vivante est de plus en plus répandu dans le milieu pour cette littérature-là, hors le livre, et tout ce que ça apporte. Je trouve vraiment que la question de la vie – du vivant dans tout ça – est super importante. »
—Jonathan Roy
Fondé en 1974, à Caraquet, le Théâtre populaire d’Acadie (TPA) est la doyenne des compagnies de théâtre professionnel de langue française en Acadie. La compagnie produit une diversité de spectacles qui s’inspirent de plusieurs courants artistiques tout en privilégiant la dramaturgie acadienne. Avec au-delà de 130 productions ou coproductions à son actif, la compagnie s’assure que ses œuvres rejoignent un vaste public, principalement au Nouveau-Brunswick, tout en maintenant un pont culturel entre l’Acadie et le Monde.
Le Théâtre populaire d’Acadie reconnaît que ses activités se déroulent sur le territoire non cédé des Mi’qmak, gardiens traditionnels de ces forêts, terres et rivières. Le TPA reconnaît le chemin qu’il reste à parcourir vers l’égalité, le respect et la justice dus aux membres des Premières Nations et s’engage à œuvrer à la protection des droits, des lieux, des espaces et de la mémoire culturelle autochtones dans ses activités et dans ses créations.
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Équipe du TPA
Allain Roy : direction artistique et codirection générale
Maryse Chapdelaine : direction administrative et codirection générale
Marc Bédard : direction technique et de production
Isabelle Roy : diffusion et billetterie
Anne Godin : communications et financement privé
Noémie R. Lavoie : technologies et marketing
Ghislain Basque : chargé de projets
Allain Roy tient à remercier Brigitte Haentjens pour ses précieux conseils et sa collaboration lors de la création. Merci à l’équipe du Théâtre français de CNA pour un appui hors pair. Merci également à André Perrier et Patrice Dubois pour leurs regards artistiques.
Claudie Landry, conceptrice de la scénographie, désire faire un remerciement tout spécial à Luc Rondeau pour ses précieux conseils en peinture scénique.
Ce projet a vu le jour grâce à une collaboration avec le Salon du livre de la Péninsule acadienne et l’appui d’une bourse associée au Prix de l’École nationale de théâtre pour la formation artistique 2019 octroyée à Allain Roy par la Fondation pour l’avancement du théâtre francophone au Canada.
Après quelques textes publiés dans la revue Ancrages, Jonathan Roy publiait un premier recueil aux Éditions Perce-Neige, Apprendre à tomber (2012), lauréat du Prix littéraire Antonine-Maillet-Acadie Vie. Figurant parmi les 10 auteurs à surveiller de l’émission Plus on est de fous, plus on lit (Radio-Canada Première), il a depuis contribué à des revues et ouvrages collectifs, à la conception du livre d’artiste Alpha/Coda – Portrait du monde au gun à plombs, à l’écriture de chansons (Cedric Vienneau, les Hôtesses d’Hilaire) et à la scénarisation (court-métrage Bill Bowl, avec le réalisateur Julien Cadieux). Libraire et conseiller artistique pour le Salon du livre de la Péninsule acadienne, il est directeur artistique du Festival acadien de poésie de Caraquet et directeur de la collection Poésie/Rafale aux Éditions Perce-Neige. Savèches à fragmentation, publié aux Éditions Perce-Neige (2019) est son plus récent recueil de poésie.
Originaire de Caraquet, Matthieu Girard est diplômé de l’École nationale de théâtre du Canada. Auteur, comédien, metteur en scène et animateur, il est l’un des complices du Théâtre populaire d’Acadie de Caraquet, avec qui il a collaboré sur de nombreuses productions, dont Mélodie Millenium et Les Beignes. À Montréal, on l’a vu sur les planches dans plusieurs créations du metteur en scène Eric Jean. Grâce au Prix du Centre des écritures dramatiques Wallonie-Bruxelles, il a écrit sa pièce Fuir le corbeau, présentée en lecture une première fois au Festival à haute voix de Moncton et à l’événement Zones Théâtrales à Ottawa en 2017, puis à Montréal à Dramaturgies en dialogues en 2018. À la télévision, on a pu le voir dans quelques publicités, dans Conseil de Famille, Les Newbies et il fut également collaborateur à 100 % Local. De retour en Acadie depuis 2019, il poursuit divers projets artistiques et est coordonnateur du Festival de théâtre jeunesse en Acadie.
Diplômé de l’École nationale de théâtre section production, où il a d’ailleurs été enseignant une dizaine d’année, Allain Roy possède un solide bagage de compétences et d’expériences dans le milieu théâtral. Il a été assistant metteur en scène et régisseur pour nombreuses compagnies au Québec (au-delà de 130 productions) en plus de faire des tournées au Canada et en Europe. Il a collaboré avec plusieurs metteurs en scène dont; Robert Lepage, Martine Beaulne, René-Richard Cyr, Brigitte Haentjens, Denis Marleau et Jean-Pierre Ronfard.
En 2009, il revient s’établir chez lui en Acadie. Il fait de la direction artistique sur des projets spéciaux comme le théâtre musical Louis Mailloux produit par la Compagnie Viola-Léger et l’oratorio La vallée des possibles, présenté par la Société culturelle de la Vallée de Memramcook en collaboration avec l’Orchestre symphonique du Nouveau-Brunswick.
Depuis novembre 2018, il est directeur artistique et codirecteur général du Théâtre populaire d’Acadie.
Alliance internationale des employés de scène et de théâtre