Récit d'un survivant des pensionnats autochtones

Introduction

Ces leçons et ces activités sont basées sur une histoire et un poème du survivant des pensionnats William Sewepagaham (Cri-Déné) de la nation crie de Little Red River, dans le nord de l’Alberta.

Matières : Études sociales, arts du langage, musique

  • Récit: « On l'appelait Ikwîwak »

    par William Sewepagaham

    Ma mère était une Crie-Dénée du nord de l'Alberta. C'était une femme forte et vigoureuse. Elle cousait des vêtements pour notre famille et les ornait de perles, tannait des peaux d'orignal, fabriquait des tipis, et séchait de la viande.

    Mon père, Pierre, est décédé en 1948, à 42 ans, d'une infection provoquée par la tuberculose. Ma mère a dû assumer le rôle de pourvoyeuse, chassant et trappant pour nous nourrir. Elle avait une meute de chiens qu'elle utilisait pour la trappe. La vie était rude, mais elle devait prendre soin de sa famille. En hiver, elle campait sous une tente en pleine nature. Pendant ce temps, sa fille aînée s'occupait des enfants à la maison, dans une cabane en rondins.

    À l'été, ma mère chassait l'orignal, l'ours et le petit gibier. Ses habiletés pour la chasse ont permis à ses enfants de survivre. Parfois, une meute de loups l'encerclait, mais elle ne les tuait pas. Elle respectait la vie des animaux et des oiseaux qui n'étaient pas destinés à servir de nourriture.

    Tous ses enfants lui ont été enlevés pour être placés au pensionnat. Elle en a eu le coeur brisé; elle était très seule à cette époque. Elle n'a rien pu faire pour empêcher qu'on lui prenne ses enfants de force. Les autorités l'ont menacée de l'emprisonner si elle ne les laissait pas partir. La mort dans l'âme, elle a dû se résoudre à regarder ses enfants crier et pleurer pendant qu'on les emportait au loin. Elle a pleuré pendant des jours et des nuits.

    Le pensionnat autochtone était à deux jours de trajet par traîneau à chiens. Elle a bien tenté de rendre visite à ses enfants pendant l'hiver, mais on a refusé de la laisser entrer. Elle a dû se contenter de les observer dans la cour à travers la clôture. Tout au plus a-t-elle pu leur toucher brièvement les mains et leur passer quelques friandises à travers les barreaux. À l'été, ses enfants rentraient à la maison pour passer juillet et août avec elle. Mais dès que revenait septembre, les cris et les pleurs recommençaient et elle était privée de ses enfants pour dix autres mois.

    En 1987, ma mère est morte des suites d'une maladie qu'elle avait contractée en trappant pendant le rude hiver. Le fait d'être privée de ses enfants et de son époux a aussi contribué à devancer sa mort.

    Je prie le Grand Esprit de veiller sur son bonheur et sur sa santé. Pendant son passage sur terre, elle a largement gagné le droit d'être heureuse. Ma chère maman me manque. Elle était pour moi une source d'inspiration. J'ai hérité de sa persévérance et de sa résilience.

    * * *
    Ikwîwak (prononcer « ek-wi-wouk ») est un petit nom affectueux sans réelle signification.

    Téléchargez« On l'appelait Ikwîwak » par William Sewepagaham

  • Poème: « J'ai versé des larmes sèches »

    par William Sewepagaham, survivant d'un pensionnat autochtone

    Jadis quand je me faisais mal
    Je versais des larmes mouillées.
    Jadis quand je me sentais seul
    Je versais des larmes mouillées.

    Quand j'étais souffrant je versais des larmes mouillées
    Ma mère apaisait mon mal.
    Quand les autres enfants me taquinaient, je versais des larmes mouillées
    Ma mère les essuyait.

    Un jour des étrangers m'ont emporté
    J'ai voyagé pendant des jours et des nuits par bateau et par train.
    Ce fut un long voyage solitaire et terrifiant
    J'ai versé bien des larmes mais il n'y avait pas de bras pour me consoler.

    Au bout d'un grand nombre de jours et de nuits, j'ai gagné un lieu étrange
    J'ai songé à la chaleur de mon tipi chez moi.
    J'ai vu des étrangers semblables à des pingouins dans un labyrinthe
    Le soir allongé sur un lit de fer j'ai pleuré jusqu'à ce que le sommeil me prenne.

    J'ai passé bien des jours et des nuits dans cet endroit sinistre
    J'ai versé bien des larmes allongé seul dans ce lieu obscur.
    Au bout d'un grand nombre de jours et de nuits, mes larmes se sont taries
    Mes yeux n'en versaient plus quand je m'allongeais tout seul.

    Quand ma mère est morte
    Je l'ai embrassée mais aucune larme n'est venue.
    Alors qu'on descendait son cercueil, je suis resté de marbre
    J'ai voulu pleurer mais je n'avais plus de larmes, seulement des reproches.

    Téléchargez« J'ai versé des larmes sèches » de William Sewepagaham

Projet de livre de classe

Groupes cibles: de la 7e à la 12e année (Sec I à Cégep au Québec)

Matières: Études sociales, arts du langage, musique

Objectif: Les élèves créeront des illustrations pour accompagner une histoire de survie et produiront finalement un livre de classe.

Matériel: papier à dessin, matériel d'artiste (crayons de couleur, marqueurs, fusains, etc.), matériaux de reliure

Préparatifs avant la classe

Demandez aux élèves de préparer une présentation orale en classe sur une femme ayant surmonté de terribles épreuves, dont l'histoire a retenu le nom.

Demandez aux élèves de rédiger un court paragraphe décrivant des difficultés auxquelles leur propre mère ou parent de substitution a dû faire face dans son rôle de parent (information d'intérêt général seulement – pas de renseignements personnels sur des secrets de famille).

Avant de commencer cette activité, il est primordial que les élèves aient pris conscience de l'histoire des pensionnats autochtones au Canada, assimilable à un ethnocide, et de son impact sur les enfants des Premières Nations, ainsi que des répercussions de cette tragédie de nos jours.

Sites Web utiles sur les pensionnats autochtones:

Contexte

  • Connaissez-vous des personnages historiques féminins qui ont surmonté des épreuves?
  • Au temps où il n'y avait ni électricité ni eau courante, ni chauffage central, quels défis les femmes et leurs familles devaient-elles relever chaque jour?
  • L'éducation des enfants pose-t-elle les mêmes défis aux femmes et aux hommes dans les périodes difficiles? Quelles difficultés avez-vous eu à surmonter vous-mêmes?

Démarche

Étape 1. Lisez le récit « On l'appelait Ikwîwak » de William Sewepagaham.

Étape 2. Par équipes, relisez le récit attentivement et prenez en note, en ordre chronologique, les événements qui se prêtent bien à une illustration, comme la lutte pour la survie pendant le long hiver, le campement encerclé de loups, les enfants qu'on arrache à leur mère et qu'on emporte, etc. Notez les points du récit qui peuvent être illustrés et prévoyez le nombre de pages illustrées que vous voulez créer pour accompagner l'histoire.

Étape 3. Décidez ensemble de ce que contiendra chaque page illustrée. Répartissez les tâches entre les élèves qui créeront les illustrations et ceux qui écriront le récit, à la main, à la machine ou à l'ordinateur, de manière à ce que chaque section du récit corresponde à son illustration. Déterminez qui aura pour tâche de relier le produit final.

Étape 4 (facultative). Faites découvrir votre création aux autres classes:

  • En classe, déterminez la meilleure façon de faire connaître le récit et votre livre illustré aux élèves plus jeunes de votre école ou des écoles voisines. Vous pourriez peut-être le lire aussi aux résidents de foyers pour personnes âgées.
  • Après avoir lu l'histoire au groupe de votre choix, expliquez de quelle façon vous avez produit le livre et ce que vous avez appris sur les pensionnats autochtones. Évitez de traumatiser les plus jeunes avec des images ou des propos trop violents.

Étape 5. Terminez cette activité avec une discussion de groupe.

  • Comment l'auteur voit-il sa mère tout au long de ce récit?
  • Qu'est-ce qui aurait pu rendre la vie plus douce à la mère si elle avait disposé des commodités d'aujourd'hui?
  • Un festin traditionnel

    Après avoir achevé cette activité, organisez un festin traditionnel de bannique avec des bleuets cuits ou de la confiture et du thé. On trouve plusieurs recettes de bannique faciles à réaliser sur le Web.

    La musique a toujours été une part essentielle de tout festin et doit suivre le repas. Voici quelques suggestions d'artistes canadiens dont les enregistrements pourraient accompagner le festin:

    • Susan Aglukark – Inuit folk
    • Whitefish Jrs. – chants de danse en rond
    • A Tribe Called Red – musique électronique des Premières Nations
    • Sherryl Sewepagaham – musique contemporaine des Premières Nations
    • Asani – trio des Premières Nations et Métis
    • Camerata Nova – ensemble de musique médiévale métissée de traditions autochtones
    • Daniel Gervais – violon métis
    • Walter White Bear MacDonald – chansons folk et flûte autochtone

Activité artistique

Groupes cibles: de la 7e à la 12e année (Sec I à Cégep au Québec)

Matières: Études sociales, arts du langage, arts plastiques

Objectif: Les élèves débattront en classe du sens d'un poème, et exprimeront leur interprétation des conséquences du traumatisme qu'il évoque dans une création artistique prenant la forme de leur choix.

Matériel: matériel d'artiste (peintures variées, pinceaux, toiles, fusain, papier à dessin, marqueurs ou crayons de couleur); papier graphique; poème : « J'ai versé des larmes sèches »tableau SVA

Préparatifs

Les élèves doivent avoir pris conscience de l'histoire des pensionnats autochtones au Canada, assimilable à un ethnocide, et de son impact sur les enfants des Premières Nations, ainsi que des répercussions de cette tragédie de nos jours.

Sites Web utiles sur les pensionnats autochtones

Contexte

À l'aide d'un tableau SVA, demandez aux élèves de dresser, individuellement, une liste sous les deux premières catégories :

  • Ce que je sais au sujet des pensionnats autochtones.
  • Ce que je veux savoir au sujet des pensionnats autochtones.
  • Laissez la troisième section en blanc jusqu'à la fin de l'activité.

Avant de lire le poème, discutez de ce que veut dire le poète quand il affirme : « J'ai versé des larmes sèches ».

Démarche

Étape 1. Lire le poème « J'ai versé des larmes sèches » de William Sewepagaham.

Étape 2. En équipes, analysez et discutez chaque strophe du poème afin d'interpréter ce que le poète survivant exprime dans ses mots. Désignez, au sein de chaque équipe, un ou une secrétaire et un ou une porte-parole. Le ou la secrétaire inscrira les idées sur du papier graphique pour les partager plus tard. Questions à débattre:

  • Le poème est-il écrit à la première personne ou du point de vue d'un observateur extérieur?
  • Qui étaient les étrangers, selon vous?
  • Qui sont les pingouins évoqués dans le poème?
  • Pourquoi les larmes mouillées se sont-elles changées en larmes sèches?
  • Pourquoi ne ressentait-il rien pour sa mère?
  • Pourquoi, selon-vous, était-il habité par des reproches?
  • Quelle est l'évolution du poète survivant entre le début et la fin du poème?
  • Qu'est-ce qu'un traumatisme et quels peuvent en être les effets sur une personne?
  • Quels peuvent être les effets à long terme d'un traumatisme sur l'ensemble d'une société?

Étape 3. Le ou la porte-parole présente à la classe les résultats de la discussion en équipe.

Étape 4. Choisissez, individuellement, une partie du poème à illustrer d'un dessin ou d'une toile. Votre création peut prendre la forme d'une composition abstraite, illustrer une scène, brosser un portrait, ou faire écho aux émotions du poète à l'aide de diverses techniques.

Étape 5. Quand vous aurez terminé, intégrez à votre composition la portion du poème, imprimée ou manuscrite, que vous aurez choisi d'illustrer.

Étape 6. Préparez-vous à présenter votre création à la classe en expliquant pourquoi vous avez choisi de vous inspirer de ce passage du poème en particulier.

Étape 7. Terminez cette activité avec une discussion de groupe.

  • Qu'avez-vous appris au sujet des survivants des pensionnats autochtones?
  • Discutez et échangez sur ce que vous avez appris, et en quoi cette activité a changé ou non votre perception des survivants des pensionnats autochtones.