Ngii-noondam, Niwaabamaa: Je t’entends, je te vois.

Ngii-noondam, niwaabamaa. Je t'entends, je te vois. © Mariah Meawasige

« C’est invisible, t’sé… C’te maladie-là dans nos cœurs. C’est juste une pensée, dans le fond, une pensée qui te rend malade. C’était la pensée de quelqu’un d’autre qui nous a été enseignée. C’est comme si y’avaient tellement peur de nous qu’y fallait qui nous apprennent à être plus petit qu’eux-autres… Pis on l’a vraiment ben appris. Nos enfants aussi sont malades de ça. Ils l’ont attrapé de nous-autres. La boisson, la drogue, la violence, ils l’ont appris de nous-autres. Quand tu regardes ça, quand tu regardes ben comme y faut, ça vient de nous-autres, pis nous, on vient de cette école-là. »
Extrait de la pièce Là où le sang se mêle de Kevin Loring

Les mots de June, héroïne survivante des pensionnats autochtones de la pièce de Kevin Loring, Là où le sang se mêle, lauréate d’un Prix littéraire du Gouverneur général, nous rappellent avec brutalité que les traumatismes des pensionnats autochtones sont malheureusement toujours présents.   

Là où le sang se mêle illustre à merveille le pouvoir de l’art comme outil de sensibilisation, mais surtout comme outil de guérison. Son auteur, qui est aussi directeur artistique du Théâtre autochtone du CNA, a souvent répété que les histoires – en particulier les récits autochtones racontés par des artistes autochtones – ont le pouvoir de guérir.

« La vérité se fait jour dans ces histoires », souligne Lori Marchand, directrice administrative du Théâtre autochtone. « La réconciliation dépend de ce que nous choisissons de faire avec la vérité. »

Une journée pour s’informer et réfléchir  

Le 30 septembre marque la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. À cette occasion, nous portons du orange pour nous souvenir des enfants autochtones envoyés dans les pensionnats qui ne sont jamais rentrés à la maison et rendre hommage aux personnes survivantes, à leurs familles et à leurs communautés. C’est aussi l’occasion pour toute la population canadienne – d’un océan à l’autre – de prendre le temps de réfléchir au sens qu’elle veut donner au mot réconciliation, ou plus précisément « aux rôles qu’elle peut jouer dans le processus de vérité et de réconciliation ».

Du 26 au 30 septembre 2022, le Théâtre autochtone du CNA propose une foule d’activités sous le thème Gnoondoon, Gwaabmin – une expression anishinaabemowine qui signifie « je t’entends, je te vois. » – pour informer le reste du pays et partager avec lui les vérités des peuples autochtones. Au programme des conseils de lecture, des tables rondes, des ateliers, des vidéos et des images à colorier. Ces activités ont également pour vocation de mieux comprendre les expériences des Autochtones et de faire connaître leurs cultures et leurs langues. Ensemble, elles retentissent tel un cri du cœur : « nous sommes encore là ». Les activités de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ont été organisées par Mairi Brascoupé et Kerry Corbière de l’équipe du Théâtre autochtone du CNA.

« Nos activités contribuent à réhabiliter ce que les pensionnats ont tenté d’effacer », ajoute Lori Marchand.

Un bel exemple de solidarité : P.H. Bryce   

L’un des événements phares de la semaine est la pièce radiophonique qui met en scène une discussion imaginaire entre Duncan Campbell Scott, l’un des architectes du système des pensionnats autochtones, et le docteur Peter Henderson (P.H.) Bryce, auteur en 1922 d’un rapport passé sous silence dénonçant la responsabilité des politiques coloniales sur le taux de mortalité effarant des enfants autochtones.

Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, a beaucoup fait pour révéler au grand jour l’engagement humaniste de Bryce et sensibiliser la population aux 94 appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. Le 30 septembre à 10 h 30, elle dévoilera une plaque en l’honneur de P.H. Bryce sur la rue Sparks, située juste en face du CNA à Ottawa.

« En réaction à la découverte des tombes anonymes d’enfants, on a coutume de dire qu’“à l’époque les gens ne pouvaient pas savoir”. Pourtant, P.H. Bryce était au courant et s’est démené pour sauver la vie de ces enfants. Et il n’était pas seul », déclare Cindy Blackstock. « Bryce savait que la pression populaire pouvait remettre en cause le choix délibéré du gouvernement de laisser mourir les enfants de maladies faciles à prévenir. C’est pourquoi il a publié ce rapport invitant la population à se mobiliser. Certaines personnes ont répondu à l’appel. Mais l’engouement des journaux s’est estompé et les enfants ont continué à mourir. »

Cette semaine, quelques-uns des grands titres vieux de plus de 100 ans seront projetés sur la Lanterne Kipnes du CNA, haute de cinq étages. Apparaîtra, par jeu de superposition, une animation contemporaine d’une danseuse de châle fière et passionnée. Ensemble, ces éléments symbolisent la réappropriation des récits autochtones canadiens par les peuples autochtones. Ces images puissantes sont une façon d’affirmer haut et fort : « Je te vois. Je t’entends. ».

Les images seront diffusées en rotation sur les écrans de la Lanterne Kipnes tout au long de la semaine.    

Ouvrir la voie de la réconciliation : le rôle des artistes autochtones 

Cindy Blackstock est convaincue que les arts jouent un rôle essentiel dans la réconciliation et permettent de faire toute la lumière sur le sort des enfants autochtones dans les pensionnats.  

« La place des arts dans la quête d’une justice sociale ne doit pas être sous-estimée », affirme Cindy Blackstock. « Les contributions de personnalités fortes des Premières Nations et des peuples métis et inuits comme Alanis Obomsawin et Buffy Sainte-Marie ont inspiré des générations entières d’artistes autochtones à mettre leur énergie, leurs savoirs et leurs talents au service d’un monde plus juste, plus respectueux et plus fraternel pour toutes et tous. »  

Elle ajoute que « ces mêmes artistes ont une influence immense sur les enfants autochtones d’aujourd’hui, acteurs clés d’une réconciliation authentique ».  

« Je crois que les enfants sont les garants d’une société où tout est possible », souligne-t-elle. « La justice ne règnera dans notre société que lorsqu’aucune génération d’enfants des Premières Nations et des communautés métisses et inuites n’aura à guérir des traumatismes de l’enfance. Lorsqu’aucune génération d’enfants n’aura à présenter des excuses. Là, enfin, une réconciliation authentique sera possible. Je sais que nous pouvons y parvenir, parce que j’ai vu des enfants de toute origine prendre position pour les enfants des Premières Nations dans les classes, les salles d’audience et sur les marches du Parlement. Lorsque les enfants connaissent la vérité et sont libres de se battre pour une cause juste, ils font preuve d’une justice aimante. » 


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