Une des choses que je préfère en tant que choriste, c’est lorsque le chef de chœur joue sur l’imagerie pour obtenir un son particulier.
Je ferai partie du chœur qui accompagnera l’Orchestre du CNA dans le Requiem de Mozart la semaine prochaine (les 27 et 28 février). Le maître des chœurs Duain Wolfe travaille avec nous cette semaine, et Pinchas Zukerman, qui assurera la direction du concert, répétera avec nous à partir de lundi prochain. Cela dit, voilà déjà un certain temps que le chœur se prépare : la fin de semaine passée, 170 d’entre nous nous sommes entassés dans l’espace surchauffé de la Salle de répétitions B pour profiter de la tutelle de Laurence Ewashko.
Issu d’une collectivité mennonite, Laurence Ewashko vous dira qu’il est pratiquement né en chantant. Ancien chef de chœur des Petits Chanteurs de Vienne et lui-même baryton impressionnant, il est aujourd’hui chef de chœur de l’Opéra Lyra Ottawa et professeur de chant à l’Université d’Ottawa, où il enseigne les techniques de chant choral et le répertoire vocal, dirige trois chœurs et tient un studio privé de chant.
Véritable maître des images, il fait appel au visuel, au tactile et même au goût pour libérer l’imagination de ses choristes et obtenir un meilleur son.
« Croquez dans la pomme! », exhorte-t-il à ses ténors et à ses basses lors d’un passage d’Offertorium demandant un ton plus agressif. Et comme de fait, ça fonctionne.
« Mettez-y du velours! », nous lance-t-il lorsque le chœur entonne la lyrique et mélancolique Lacrimosa, qui demande une plus grande finesse. Et nous voilà toute somptuosité.
Bien entendu, parfois tout dépend du contexte. Prenons par exemple la partition usée de ma collègue, qu’elle avait empruntée à notre bibliothécaire – comme plusieurs d’entre nous avons l’habitude de faire plutôt que de se procurer de nouvelles partitions. La première page de Lacrimosa était marquée de l’écriture cursive de son propriétaire antérieur qui nous offrait la consigne de « bien étaler le glaçage »…
Nous en avons bien ri, ça paraissait si terre-à-terre. Et pourtant, si nous nous étions trouvés dans la salle au moment où le commentaire avait été fait, sans aucun doute aurions-nous noté un résultat on ne peu plus sucré!
Si vous êtes à Ottawa, j’espère que vous viendrez faire un tour au CNA. Le Requiem de Mozart est l’une des plus grandes réalisations de l’histoire de la musique occidentale. D’une beauté à en perdre la tête, la richesse, les harmonies et la complexité des suspensions de cette œuvre vous tiendront en haleine de la première à la dernière note. Voilà pourquoi nous, choristes, attendons avec impatience qu’elle figure au programme et pourquoi nous la chanterons maintes et maintes fois, année après année.
La grande musique a cet effet.
Pommes, velours et glaçage à part.