David Serkoak : le tambour pour parler aux jeunes

Transmettre sa passion de la danse du tambour aux jeunes générations, c’est ce qui a occupé David Serkoak au cours des dernières décennies. L’aîné inuit, originaire du Nunavut et enseignant à la retraite depuis 2012, rend visite à des écoles et des communautés éloignées dans le cadre d’ateliers de fabrication et de danse du tambour. 

Si ces ateliers visent de prime abord à apprendre les rudiments de la fabrication de tambour et la danse du tambour, ils sont pour David Serkoak une façon de rejoindre les jeunes générations afin de leur léguer un pan de leur culture, de leur art, de leur tradition.  

Plus de 15 ans après avoir donné un atelier aux jeunes d’une communauté du Labrador, David Serkoak y est retourné ce printemps. Un atelier sur fonds de retrouvailles qui a rempli d’émotions l’aîné ainsi que les participants.  

En mai dernier, vous êtes retourné à Happy Valley Goose Bay, au Labrador, pour y offrir un atelier de fabrication de tambour et de danse du tambour. Comment cela s’est-il passé?  

David Serkoak : Pour répondre à cette question, il faut d’abord revenir quelques années en arrière, en 2006, quand j’ai été invité à donner un atelier à des jeunes du primaire et du secondaire de cette communauté. Quelques années plus tard, en 2017, j’ai évoqué, avec le Centre national des Arts et Natasha Harwood [aujourd’hui directrice d’Arts vivants], l’importance de faire un atelier à Happy Valley Goose Bay. Alors quand j’y suis retourné, en mai dernier après 17 ans, et que j’ai retrouvé ces mêmes jeunes qui continuent de venir, et qui ont leur propre petit groupe de tambour, c’était vraiment beau à voir!  

Comment vous sentiez-vous en les revoyant après toutes ces années?  

D.S. : J’ai visité beaucoup d’écoles et de communautés, mais je ne crois pas avoir déjà fait un suivi ou gardé contact ; à Happy Valley Goose Bay, au Labrador, c’était différent. Ils ont fait un suivi jusqu’à ce qu’on se retrouve cette année. Et un des meilleurs moments de ces retrouvailles, c’est ce souper qu’ils ont organisé et pendant lequel ils avaient tous une photo de nous dansant il y a 17 ans. Certains joueurs de tambours avaient même préparé une performance juste pour moi. J’étais vraiment ému!  

Quelle a été la réponse des jeunes à l’atelier de fabrication de tambours de ce printemps? 

D.S. : L’atmosphère était très positive! À l’époque, ils avaient seulement appris à se servir du tambour. Cette fois-ci, j’avais pour objectif d’en fabriquer cinq, mais nous en avons terminé dix en à peine deux jours. J’ai même eu un peu de temps pour leur montrer comment danser. Ils ont vraiment aimé ça! Après toutes ces années, ils étaient impatients de finir leur tambour. Ils ont travaillé sans relâche. Et je garde un souvenir impérissable du moment où, après quelques minutes à accorder leur tambour, le son qui en sortait était incroyablement parfait! Voir la satisfaction sur leur visage, c’était si émouvant!  

Vous avez appris le tambour avec votre père. Pensiez-vous, à cette époque, que cela vous occuperait toutes ces années?  

D.S. : En tant qu’Inuit, du plus lointain souvenir que j’ai, le tambour faisait partie de mon quotidien. Quand je suis devenu enseignant, en 1978, et que j’ai pu choisir ce que je voulais transmettre aux plus jeunes, j’ai commencé à danser davantage, à parler et à lire davantage en inuktitut, à introduire davantage la culture inuite dans ma salle de classe et aussi à l’école. Ç’a été un moment décisif dans ma carrière de plus de 30 ans. J’ai veillé à ce que l’inuktitut ait une place à part entière, que la langue soit apprise et pratiquée. Et comme j’adore la danse du tambour, je me suis également assuré que cela fasse partie de mon enseignement, jusqu’à ma retraite en 2012.  

Est-ce aussi votre outil pour avoir toute l’attention des jeunes et leur partager des histoires?  

D.S. : Absolument! Et ça fonctionnait bien! Il y aura toujours un fossé générationnel. Mais le tambour, c’est ma clé pour entrer en contact avec les plus jeunes. Bien sûr que ce n’est pas pour tout le monde, mais ils sont nombreux à revendiquer le tambour, à revendiquer leur langue. C’est aussi mon outil pour établir le contact avec les Blancs, avec ceux qui ont une autre culture, avec tout le monde. Dès que je commence à jouer, la conversation s’amorce, et je peux alors leur parler de mon histoire, de l’Histoire.  

Il s’agit aussi de connecter les jeunes à leur culture et leur montrer l’importance de cet instrument? 

D.S. : Cela a toujours fait partie de la vie inuite et de notre singularité. Même si les nouvelles générations sur les terres inuites, comme aux Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut, au Nunavik (Nord-du-Québec) ou au Labrador, ont des arrière-grands-parents qui étaient des joueurs de tambours, des chanteurs ou autres, aujourd’hui c’est chose du passé. Je crois donc que c’est une bonne chose que les jeunes de ces communautés commencent à apprendre davantage la danse du tambour.  

Est-ce un art difficile à maîtriser? 

D.S. : N’importe qui peut faire résonner un tambour. Mais je leur dis toujours que s’ils veulent devenir bons, il y a quelques petites choses de base, essentielles, qu’ils doivent connaître, comme la manière de faire un rythme, comment le tenir convenablement pour faire ce mouvement d’aller-retour. Je leur rappelle qu’ils transmettent quelque chose au public et qu’ils doivent être confiants et compétents.   


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