≈ 75 minutes · Avec entracte
Dernière mise à jour: 28 novembre 2024
Le concert de ce soir présente des œuvres de chambre qui ont toutes été commandées par yMusic, un ensemble de chambre innovant formé de « six polymathes classiques contemporains qui s’amusent à dépasser les frontières des genres musicaux » (The New Yorker). Fondé à New York en 2008, yMusic est « l’un des groupes qui ont vraiment contribué à façonner l’avenir de la musique classique » (Fred Child, NPR’s Performance Today). Leur exécution virtuose et leur configuration unique – trio à cordes, flûte, clarinette et trompette – ont inspiré des œuvres originales à des compositrices et compositeurs parmi les plus en vue de notre temps, comme on pourra l’entendre dans ce programme.
Sean Rice, programmation et animation / clarinette et clarinette basse
Stephanie Morin, flûte
Kimball Sykes, clarinette
Lauren Anker, cor
Amy Horvey, trompette
Vincent Parizeau, guitare et guitare électrique
Emily Kruspe, violon
Carissa Klopoushak, alto
Julia MacLaine, violoncelle
NICO MUHLY Balance Problems (8 minutes)
MARK DANCIGERS Everness ( 7 minutes)
GABRIELLA SMITH Tessellations (5 minutes)
ENTRACTE
MISSY MAZZOLI Ecstatic Science (10 minutes)
SARAH KIRKLAND SNIDER Daughter of the Waves (8 minutes)
Nico Muhly (né en 1981) est un compositeur américain et un collaborateur recherché dont les influences vont du minimalisme américain à la tradition chorale anglicane. Il a reçu des commandes du Metropolitan Opera, du Carnegie Hall, de la cathédrale Saint-Paul et d’autres institutions, et a écrit plus de 80 œuvres de concert. Il collabore fréquemment avec le chorégraphe Benjamin Millepied et, en tant qu’arrangeur, il s’est associé à Sufjan Stevens, Anohni and the Johnsons et plusieurs autres. Pour la scène et l’écran, il a notamment composé la musique de la reprise de The Glass Menagerie à Broadway et des partitions pour plusieurs films, dont The Reader (Le Liseur en v.f.), qui a remporté un Oscar. Né dans le Vermont, il a étudié la composition à Juilliard avant de travailler comme éditeur et chef d’orchestre pour Philip Glass.
Son sextuor, Balance Problems (2013), lui a été commandé par Linda et Stuart Nelson pour yMusic et a donné son titre à un album de l’ensemble paru en 2014, produit par Son Lux (Ryan Lott). Le compositeur explique que le titre (« problèmes d’équilibre » en français) traduit le défi que posait l’écriture d’une pièce pour la combinaison inusitée d’instruments de l’ensemble yMusic, en particulier une pièce « très rapide et très chargée, dans laquelle chaque instrument est clair et toutes les lignes sont distinctes ».
La musique de Balance Problems est minimaliste, caractérisée par des passages répétitifs qui créent un arrière-plan pulsé de timbres et de textures en constante évolution. Sur cette base motrice se superposent divers motifs mélodiques et rythmiques ainsi que des effets sonores; le violoncelle et la trompette entonnent des mélodies aériennes. Plus tard, dans un épisode contrasté, une guitare acoustique porte la ligne motrice, tandis que la flûte et la clarinette jouent des sons soutenus. Les autres instruments s’y joignent bientôt pour compléter la texture délicate, et la musique hypnotique aboutit finalement à un passage éthéré. Avec une dissonance grinçante, le violon relance le « moteur » et les instruments génèrent de nouvelles strates de sons. Soudain, un claquement puissant du violoncelle déclenche une explosion d’énergie, et l’ensemble s’élance vers la conclusion du morceau.
Mark Dancigers (né en 1981) est un compositeur de musique de chambre et orchestrale qui œuvre également pour le ballet et la danse contemporaine. Il est aussi le guitariste électrique du groupe de musique de chambre NOW Ensemble, contribuant à introduire cet instrument dans de nouveaux contextes musicaux. Sa musique a fait l’objet de sept albums publiés sous l’étiquette New Amsterdam par divers artistes, dont yMusic et Michi Wiancko. Il a étudié la composition musicale à Yale, à la Yale School of Music et à l’Université de Princeton. Il est actuellement professeur adjoint au New College of Florida, où il a dirigé le New Music New College de 2020 à 2022.
Son sextuor Everness (2013) figure sur l’album Balance Problems de yMusic, publié en 2014. Dans un entretien qu’il accordait à textura en octobre 2014, CJ Camerieri, le trompettiste de l’ensemble, commentait la pièce en ces termes :
Empruntant son titre à un poème du même nom de Jorge Luis Borges, Everness de Mark Dancigers est un autre exemple de la façon dont nos compositeurs utilisent l’instrumentation unique de yMusic pour créer de nouvelles textures et couleurs. Borges écrit dans son poème « les labyrinthes […] n’ont pas de fin », et depuis le solo de violon d’ouverture jusqu’au choral final d’une beauté envoûtante, en passant par l’arpège répété des bois, cette pièce utilise l’orchestration inusitée de l’ensemble pour produire ces labyrinthes et y naviguer.
Everness s’articule en quatre sections distinctes qui présentent toutes, dans une certaine mesure, des motifs en ostinato, des passages arpégés et des mélodies soutenues. La première, qui porte la mention « élégante », présente un solo de violon lyrique sur un accompagnement d’alto et de violoncelle, avec des notes longuement tenues teintées par des notes pincées à la main gauche. Des arpèges descendants aux vents et au violon mènent à la deuxième section, que le compositeur décrit comme « suspendue, flottante, articulée ». Ici, l’ensemble exécute des passages doucement chuchotés, sauf le violon qui entonne une longue et poignante mélodie toute en sauts. La troisième section se caractérise par des arpèges « audacieux » qui, après avoir été brièvement joués par les cordes, sont repris par la flûte et la clarinette, tandis que le trio à cordes se faufile dans un « labyrinthe » contrapuntique. Dans le choral final, les voix individuelles se dissolvent peu à peu dans une sublime harmonie.
Gabriella Smith (née en 1991) est une compositrice dont les œuvres invitent à trouver de la joie dans l’action climatique. Sa musique est le fruit d’un amour du jeu, de l’exploration de nouveaux sons instrumentaux et de la création d’arcs musicaux qui transportent le public dans des paysages sonores inspirés par la nature. Donnant une « sensation d’absolu » (Los Angeles Times), cette musique « transpire l’inventivité avec une personnalité engageante, une énergie communicative et des torrents de joie » (The New York Times). Gabriella Smith travaille actuellement à une œuvre de grande envergure pour le Kronos Quartet, commandée à l’occasion de la saison du 50e anniversaire de l’ensemble, ainsi qu’à un album pour yMusic comprenant des enregistrements réalisés dans les fonds marins. Elle se produit régulièrement au sein du duo violoncelle-violon-voix-électronique qu’elle forme avec son collaborateur de longue date, le violoncelliste Gabriel Cabezas.
Commandée par le Barlow Endowment for Music Composition pour yMusic, Tessellations a été créée le 8 avril 2018 à The Cube, à Detroit. La pièce apparaît sur l’album Ecstatic Science de yMusic, paru en 2020. Elle s’ouvre sur un rythme groovy tapé sur la caisse du violoncelle, auquel les autres instruments ajoutent à leur tour leurs diverses exclamations, créant ainsi un passage motivique imbriqué, une mosaïque sonore ou « tessellation ». Ces sons initiaux (à hauteur non déterminée) présentent une qualité percussive ludique, les instrumentistes utilisant des techniques étendues – soufflements, glissandos et ricochets de l’archet. La texture s’étoffe progressivement en une musique tonale (glissandos allongés, cordes pincées), tandis que la trompette et la clarinette conservent des sons statiques. Par la suite, l’ensemble s’engage dans un nouveau passage (les instruments sont maintenant frottés à l’archet et soufflés), auquel un membre du sextuor ajoute une ligne de chant sans paroles. L’ensemble poursuit dans un autre passage de motifs superposés, clairement mélodiques à présent, qui se fondent « en harmonie ». Alors que des sons soutenus réapparaissent à la trompette et à la clarinette, la texture fluide des autres instruments se dissout progressivement dans le bruit, et la pièce s’achève sur le même rythme groovy martelé sur la caisse du violoncelle par lequel elle s’était amorcée.
Récemment saluée comme « l’une des compositrices les plus constamment inventives et imprévisibles actuellement en activité à New York » (The New York Times), et qualifiée de « Mozart post-millénaire de Brooklyn » (Time Out New York), Missy Mazzoli (née en 1980) a vu sa musique interprétée par le Kronos Quartet, le LA Opera, l’ensemble Eighth Blackbird, l’Orchestre symphonique de la BBC et le Scottish Opera, pour n’en citer que quelques-uns. En 2018, elle est devenue l’une des deux premières femmes, avec Jeanine Tesori, à recevoir une commande du Metropolitan Opera pour sa scène principale, et a été mise en nomination pour un prix Grammy. Elle est compositrice en résidence à l’Orchestre symphonique de Chicago, fonction qu’elle a déjà occupée de 2012 à 2015 à l’Opéra de Philadelphie.
Pièce-titre de l’album de yMusic paru en 2020, Ecstatic Science a été créée au Carnegie Hall de New York en décembre 2016. La compositrice décrit la pièce en ces termes :
Il y a beaucoup de mathématiques en jeu; les progressions d’accords sont allongées, multipliées, condensées et superposées. Les mélodies sont renversées et fractionnées dans le plus petit élément possible. L’horizontal devient vertical et le vertical s’étire systématiquement en une mélodie enchevêtrée. La « science » derrière les notes fournit un cadre pour une énergie persistante et bouillonnante, un échafaudage pour les gestes extatiques qui finissent par consumer tout le reste.
Deux idées musicales principales, introduites dès le début, forment la base de cette pièce. Le premier motif consiste en de longues notes tenues aux cordes, le violon jouant par intermittence des glissandos ascendants. À mesure que la musique progresse, cette mélodie d’abord lente est reprise par chacun des instruments à vent dans des versions plus rapides et plus reconnaissables, y compris une exécution pleine d’élan par les trois instruments. La seconde, contrairement à la première, est constituée de fragments pétillants et vifs joués par la flûte et la clarinette en alternance pour créer une seule ligne musicale. Commençant comme des interjections rapides en réponse à la première idée, les deux instruments jouent ensuite les parties de la mélodie seuls, l’un sans l’autre; à d’autres moments de la pièce, la trompette se joint à eux, et la clarinette exécute toutes les parties de la mélodie. Après leur développement extatique, les deux idées reviennent à leur « forme » initiale à la conclusion de l’œuvre.
La compositrice Sarah Kirkland Snider (née en 1973) écrit de la musique très expressive, vive et narrative, qui a été qualifiée de « splendide » (The New York Times), « révolutionnaire » (The Boston Globe) et « d’une ravissante beauté » (NPR). Récemment désignée comme l’une des « 35 meilleures compositrices de musique classique » par le Washington Post, elle a vu de nombreux grands orchestres du monde entier, ainsi que de prestigieux ensembles aussi variés que le Quatuor Emerson, Eighth Blackbird et Roomful of Teeth, entre autres, interpréter ses œuvres et lui en commander. Ses quatre albums intégraux – The Blue Hour (2022), Mass for the Endangered (2020), Endangered, Unremembered (2015) et Penelope (2010) – ont été salués par la critique et figuraient dans les palmarès de fin d’année. Codirectrice artistique fondatrice de l’organisme à but non lucratif New Amsterdam Records, basé à Brooklyn, elle est titulaire d’une maîtrise en musique et d’un diplôme d’artiste de la Yale School of Music, ainsi que d’un baccalauréat ès arts de l’Université Wesleyan.
Composée en 2010, Daughter of the Waves figure sur le premier album de yMusic, Beautiful Mechanical, sélectionné par Time Out New York comme « meilleur enregistrement classique de l’année ». Selon Nadia Sirota, altiste de l’ensemble yMusic, l’œuvre a été écrite spécifiquement pour cet enregistrement. La compositrice, dont les œuvres brouillent souvent les frontières entre musique classique et musique pop, a déclaré, lors d’un entretien avec Chris McGovern en 2012, que « travailler avec yMusic, c’est un rêve. Ce sont de formidables instrumentistes […] qui parviennent à se situer à l’intermédiaire des genres musicaux… » Elle souligne que la pièce a été composée alors qu’elle était enceinte de sa fille, et que le titre évoque à la fois le nom de celle-ci (Dylan, en gallois, signifie « enfant des vagues » – child of the waves) et les hauts et les bas émotionnels de la grossesse. Cependant, on peut aussi entendre dans la musique un paysage marin et de nombreuses caractéristiques de l’élément aquatique dans ce contexte.
Écrite pour un octuor, Daughter of the Waves est adaptée à l’instrumentation de l’ensemble yMusic, avec la flûte qui double la flûte alto et des parties pour cor et guitare électrique. Avec cette instrumentation, la compositrice crée un langage musical éclectique qui combine des éléments de la musique classique, comme le contrepoint, avec des méthodes modernes de production de sons (via des techniques étendues telles que les scratchs), ainsi que des influences pop, évidentes dans les cadences simples et répétitives tout au long de l’œuvre et dans le timbre fiévreux de la guitare électrique.
L’œuvre s’articule en 12 courtes sections aux climats contrastés, qui marquent le flux de la musique. La section « pensive mais agitée, mystérieuse » (1) s’ouvre sur des murmures de flûte alto, des ricochets de violoncelle et de longues notes d’alto; le violon et la clarinette jouent des passages mélodiques chaloupés. Dans la section qui suit, « robuste, passionnée » (2), la trompette joue une mélodie douce, tandis que les motifs des cinq autres parties suggèrent les différentes couches de mouvement de l’eau dans un océan – de la tranquillité des profondeurs aux vagues rapides de la surface. La section « légère, ludique » (3) se caractérise par un rythme rapide à la clarinette et au violoncelle, accompagné d’effets de glissando pincés; la flûte alto est ici remplacée par une flûte ordinaire. Le matériau d’ouverture revient dans la section « à nouveau évasive, mystérieuse » (4) où il est développé; des motifs en ricochet alternent avec des accords grinçants.
La section « délirante, carnavalesque » (5) est un passage exubérant qui fait songer à la musique d’une bruyante fête foraine; elle enchaîne sur « plus lyrique (même énergie) » (6), une mélodie lyrique à la trompette soulignée par des accords de type heavy metal à l’alto et au violoncelle qui prennent une allure « démoniaque, frénétique » (7). La musique se fait ensuite « plaintive, intense » (8), avec la clarinette et la trompette en contrepoint des cordes sur des notes aiguës soutenues; des crescendos, des glissades et des passages murmurés évoquent des vagues, qui deviennent « un peu plus calmes » (9), lorsque la trompette reprend le murmure; les cordes émettent des grattements atonaux, tandis que la flûte et la clarinette parcourent des cycles de sauts ascendants et descendants. Cette dernière section se poursuit « tout en retenue, rêveuse, méditative » (10), dans un épisode prolongé distinctement coloré par un motif d’accord à la guitare électrique et une mélodie poignante au cor. La musique cesse brièvement, pour une « étrange interruption à demi remémorée » (11), après quoi l’ensemble amène la pièce à sa « sereine » (12) conclusion.
Notes de programme et notices biographiques compilées et mise en forme par Hannah Chan-Hartley, Ph. D. (traduit de l’anglais)
L’Orchestre du Centre national des Arts (CNA) du Canada est reconnu pour la passion et la clarté de son jeu, ses programmes d’apprentissage et de médiation culturelle visionnaires et son soutien indéfectible à la créativité canadienne. Situé à Ottawa, la capitale nationale, il est devenu depuis sa fondation en 1969 l’un des ensembles les plus encensés et les plus dynamiques du pays. Sous la gouverne du directeur musical Alexander Shelley, l’Orchestre du CNA reflète le tissu social et les valeurs du Canada, nouant des liens avec des communautés de tout le pays grâce à sa programmation inclusive, ses récits puissants et ses partenariats innovants.
Alexander Shelley a façonné la vision artistique de l’Orchestre depuis qu’il en a pris les rênes en 2015, poursuivant sur la lancée de son prédécesseur, Pinchas Zukerman, qui a dirigé l’ensemble pendant 16 saisons. Le maestro Shelley jouit par ailleurs d’une belle renommée qui s’étend bien au-delà des murs du CNA, étant également premier chef d’orchestre associé de l’Orchestre philharmonique royal au Royaume-Uni ainsi que directeur artistique et musical d’Artis—Naples et de l’Orchestre philharmonique de Naples aux États-Unis. Au CNA, Alexander Shelley est épaulé dans son rôle de leader par le premier chef invité John Storgårds et par le premier chef des concerts jeunesse Daniel Bartholomew-Poyser. En 2024, l’Orchestre a ouvert un nouveau chapitre avec la nomination d’Henry Kennedy au nouveau poste de chef d’orchestre en résidence.
Au fil des ans, l’Orchestre a noué de nombreux partenariats avec des artistes de renom comme James Ehnes, Angela Hewitt, Renée Fleming, Hilary Hahn, Jeremy Dutcher, Jan Lisiecki, Ray Chen et Yeol Eum Son, assoyant ainsi sa réputation d’incontournable pour les talents du monde entier. L’ensemble se distingue à l’échelle internationale par son approche accessible, inclusive et collaborative, misant sur le langage universel de la musique pour communiquer des émotions profondes et nous faire vivre des expériences communes qui nous rapprochent.
Depuis sa fondation en 1969, l’Orchestre du CNA fait la part belle aux tournées nationales et internationales. Il a joué dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada et a reçu de nombreuses invitations pour se produire à l’étranger. Avec ces tournées, l’ensemble braque les projecteurs sur les artistes et les compositeurs et compositrices du Canada, faisant retentir leur musique sur les scènes de l’Amérique du Nord, du Royaume-Uni, de l’Europe et de l’Asie.