« Une étoile filante, un obscurcissement du regard, une lampe,
Une illusion, une perle de rosée, une bulle,
Un éclair, un lourd nuage, un rêve –
C’est ainsi qu’il faut voir les phénomènes conditionnés. »
– Le Sūtra du diamant (d’après la traduction anglaise de Paul Harrison)
Illumination s’inspire de différentes formes de lumière et de phénomènes naturels décrits dans une strophe de quatre vers du Sūtra du diamant, un texte fondateur de la philosophie de l’Asie de l’Est. Le sūtra, dont le titre renvoie à l’image évocatrice du diamant ou de la foudre, terme abstrait désignant une puissance redoutable, symbolise la capacité de la sagesse à percer et à briser les illusions pour révéler la réalité absolue.
Plutôt que de représenter directement les images, ma composition vise à capter les impressions et la poétique des formes lumineuses changeantes et des phénomènes naturels. En entremêlant des matériaux rythmiques, mélodiques, harmoniques, sonores et texturaux, la pièce incarne métaphoriquement les philosophies de la transformation et de l’impermanence, faisant écho à la nature éphémère de l’existence humaine.
Je dédie Illumination à mes parents, Xiao Qiong Lu et Feng Jiang, pour leur amour et leur soutien.
Note de programme par la compositrice (traduit de l’anglais)
I. JARKKO RIIHIMÄKI Ouverture
II. HILDEGARD VON BINGEN « O frondens virga »
III. HILDUR GUÐNADÓTTIR « Fólk fær andlit »
IV. MISSY MAZZOLI «This World Within Me Is Too Small »
V. MISSY MAZZOLI « You Are Dust »
VI. SARAH KIRKLAND SNIDER « Dead Friend »
VII. SARAH KIRKLAND SNIDER « The Lotus Eaters »
VIII. SARAH KIRKLAND SNIDER « Nausicaa »
IX. JARKKO RIIHIMÄKI Transition
X. HILDEGARD VON BINGEN, arr. Sophia Muñoz & Missy Mazzoli « O frondens virga »
La suite enargeia d’Emily D’Angelo fait dialoguer des œuvres disparates, mais il s’agit davantage d’un concept créatif que d’un exercice de compilation. Créée par la chanteuse pour l’album Deutsche Grammophon du même nom, enargeia vise à produire une expérience riche et dense, qui tisse des liens entre la vie et la vision de la polymathe médiévale Hildegarde de Bingen et des œuvres évocatrices écrites par des femmes à l’avant-garde de la musique classique d’aujourd’hui.
Née en 1098, Hildegarde de Bingen était une abbesse allemande dotée d’une vive curiosité pour le monde dans lequel elle vivait. La composition musicale n’était qu’un de ses nombreux champs d’intérêt, et elle n’aurait pu imaginer que son œuvre allait revivre sur scène avec le concours d’un orchestre symphonique au XXIe siècle. Néanmoins, la fraîcheur de ses premières explorations de la mélodie monophonique et de la mise en musique de textes, alliée à son profond mysticisme et à sa religiosité, font que ses compositions autour de textes latins ne cessent d’émouvoir le public près d’un millénaire plus tard. Emily D’Angelo place Hildegarde et sa musique au cœur d’enargeia, les sonorités étonnamment contemporaines de la moniale du XIIe siècle ouvrant une sorte de passerelle temporelle entre le passé et le présent. Un coup d’œil à travers cette passerelle depuis notre modernité permet d’entrevoir les intersections entre l’ancien et le nouveau, la vie et le deuil, et l’espérance spirituelle confrontée à la dure réalité.
En traduction, le « O frondens virga » d’Hildegarde implore : « Ô rameau fleuri, debout dans toute ta noblesse, au moment où le matin s’éveille […] malgré notre fragilité, juge-nous dignes, empêche-nous de sombrer dans la méchanceté coutumière. » La compositrice Hildur Guðnadóttir lance presque le même appel dans « Fólk fær andlit »; évoquant la déportation de réfugiés en Islande en 2015, les paroles se traduisent par des itérations des simples expressions « miséricorde » et « pardonnez-nous pour… ». « This World Within Me Is Too Small » et « You Are the Dust » sont des airs tirés de l’opéra Song from the Uproar de Missy Mazzoli (née en 1980). Ces deux airs s’inspirent des écrits d’Isabelle Eberhardt, une exploratrice, journaliste et soufie de l’ère victorienne qui, à l’instar d’Hildegarde, a refusé de réprimer sa curiosité pour le monde à une époque où une telle attitude allait à l’encontre des normes sociétales.
Trois extraits choisis du cycle de mélodies Penelope de Sarah Kirkland Snider (née en 1973) rapprochent l’arc d’enargeia de sa fin. « Dead Friend » aborde le processus de deuil du point de vue de la personne endeuillée et de celle qui est morte, tandis que « The Lotus Eaters » dépeint une fantaisie nocturne échevelée. « Nausicaa » ramène enargeia presque à son point de départ; tout juste avant la reprise du chant « O frondens virga » d’Hildegarde, Emily D’Angelo chante : « Tu n’as qu’à prendre ma main, Étranger. Prends ma main et je te conduirai chez toi. »
Note de programme par Arlan Vriens (traduit de l’anglais)
I. Un poco sostenuto – Allegro
II. Andante sostenuto
III. Un poco allegretto e grazioso
IV. Adagio – Più andante – Allegro non troppo ma con brio
Brahms (1833–1897) a commencé à ébaucher sa Première symphonie en 1855, à l’âge de 22 ans, mais ne l’a achevée qu’en 1876, à 43 ans, tant l’héritage des neuf symphonies de Beethoven lui paraissait prestigieux et intimidant. (« Vous ne savez pas ce que c’est que d’être poursuivi par ses pas », disait-il.) La Première de Brahms a reçu un accueil enthousiaste et, vers la fin d’un siècle dominé par des radicaux comme Franz Liszt et Richard Wagner, elle a constitué un coup d’éclat pour les mélomanes attachés aux formes anciennes. (Hans von Bülow est allé jusqu’à l’appeler « la Dixième ».) Cependant, malgré sa déférence envers les modèles classiques (notamment l’architecture en quatre mouvements), il s’agissait d’une œuvre profondément personnelle fondée sur une technique symphonique originale : la création d’une structure dense et unifiée par le développement intensif de courts motifs mélodiques et rythmiques germinaux. Arnold Schoenberg a inventé l’expression « variation développante » pour désigner cette pratique et a récusé les accusations d’académisme qui pesaient sur Brahms, le défendant comme le compositeur le plus progressiste de son époque.
La majestueuse introduction lente établit le ton sérieux, voire tragique, du premier mouvement, et l’Allegro qui suit, avec son élan rythmique beethovénien, a le caractère d’un scherzo sombre et angoissé (les tonalités mineures sont inhabituellement proéminentes). Ensuite vient le mouvement lent, comme le soleil après la tempête; plusieurs thèmes s’y succèdent, si bien que la musique se déploie comme un seul flot de mélodies, devenant de plus en plus intense et passionnée pour finalement atteindre un véritable pathos. Pour le troisième mouvement, au lieu d’un menuet ou d’un scherzo, Brahms a écrit l’une de ces pastorales douces et lumineuses qui allaient devenir sa marque de fabrique, tout en conservant la forme conventionnelle du menuet et du trio à trois voix (ABA).
Dans l’introduction lente du finale, un thème majestueux au cor (semblable à l’appel d’un berger des Alpes) et une mélodie de type choral aux cuivres semblent appeler une résolution; l’Allegro qui suit commence par une mélodie émouvante, apparentée à un hymne (aux cordes), qui évoque « l’Ode à la joie » de la Neuvième de Beethoven. (Lorsque quelqu’un l’a fait remarquer à Brahms, il a répondu que « n’importe quel abruti » pouvait s’en rendre compte. En effet, c’est une interprétation de la Neuvième qui l’avait amené, à 21 ans, à envisager d’écrire une symphonie.) Le finale n’est pas dépourvu de surprises (notamment le retour du thème de cor « alpin »), ni de moments d’obscurité et de malaise, mais ils passent. Dans une coda plus rapide, le thème principal Allegro est rejoint par le « choral » de l’introduction, amenant la symphonie à sa triomphale conclusion.
Note de programme par Kevin Bazzana (traduit de l’anglais)
Gustavo Gimeno est devenu le dixième directeur musical de l’Orchestre symphonique de Toronto (TSO) en 2020-2021.
Depuis sa nomination, il a revigoré le profil artistique de l’orchestre, a tissé des liens tant avec les interprètes qu’avec le public, et a programmé des œuvres familières du répertoire ainsi que des créations contemporaines offrant des sonorités nouvelles. De plus, il a piloté de nouvelles initiatives de médiation culturelle et a semé les germes d’un ambitieux programme de commande d’œuvres à des compositrices et des compositeurs émergents et établis.
Au cours de la saison 2023-2024, le maestro Gimeno et le TSO inaugurent un nouveau départ audacieux pour l’orchestre dans sa 101e année, avec des œuvres symphoniques majeures – dont la Symphonie no 3 de Mahler, la Symphonie no 1 de Brahms, Les Pins de Rome de Respighi, et Le Sacre du printemps et Pulcinella de Stravinsky – dans le cadre de programmes qui comportent également un nombre sans précédent d’œuvres encore jamais interprétées par le TSO. Plusieurs solistes côtoient le maestro sur scène cette saison, notamment Daniil Trifonov, James Ehnes, Emily D’Angelo, Frank Peter Zimmermann et Jean-Yves Thibaudet.
Le premier enregistrement commercial que Gustavo Gimeno et le TSO ont réalisé ensemble, en mai 2023, pour commémorer la Turangalîla-Symphonie de Messiaen, a été lancé sous l’étiquette Harmonia Mundi en février 2024. Cette collaboration s’inscrit dans le prolongement de la relation du maestro avec la maison de production de disques pour laquelle il a enregistré le Stabat Mater de Rossini, la Messa di Gloria de Puccini, et les ballets L’Oiseau de feu et Apollon musagète de Stravinsky avec l’Orchestre philharmonique du Luxembourg.
Le maestro Gimeno occupe le poste de directeur musical de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg depuis 2015 et deviendra en 2025-2026 directeur musical du Teatro Real de Madrid, où il occupe actuellement le poste de directeur musical désigné. Il a également dirigé des opéras dans des salles aussi prestigieuses que le Liceu Opera de Barcelone, l’Opernhaus de Zürich, le Palau de les Arts Reina Sofia de Valence, et le Teatro Real de Madrid. Les orchestres symphoniques du monde entier font fréquemment appel à lui comme chef d’orchestre invité : en 2023-2024, il a ainsi renoué avec le London Philharmonic Orchestra, l’Orchestre royal du Concertgebouw, l’Orchestre philharmonique de Los Angeles, l’Orchestre symphonique de San Francisco, le National Symphony Orchestra de Washington, et les orchestres symphoniques de Dallas et de Cincinnati.
Bousculant les conventions et repoussant les frontières, Emily D’Angelo est une force qui compte dans le milieu de la musique. Avec sa présence scénique impressionnante, sa voix puissante et sa créativité artistique, la chanteuse a récemment conquis le monde de l’opéra et de la musique classique. Pour le quotidien montréalais Le Devoir et pour son nombre croissant d’adeptes, elle est tout simplement « un phénomène ».
Si elle est reconnue pour son répertoire diversifié et son soutien aux compositrices et compositeurs contemporains, Emily D’Angelo entretient une relation spéciale avec la musique de Mozart. Son talent inné pour incarner des personnages mozartiens était évident dès ses débuts sur scène en 2016, sous les traits de Cherubino dans Les Noces de Figaro au Festival des Deux Mondes de Spolète. Elle a subséquemment approfondi son interprétation, comme en témoignent ses premières triomphales au Metropolitan Opera de New York, à la Scala de Milan et à la Royal Opera House.
Emily D’Angelo est née à Toronto en 1994 dans une famille musicale. Elle a obtenu son baccalauréat en musique de l’Université de Toronto, après quoi elle s’est jointe à l’Ensemble Studio de la Compagnie d’opéra canadienne. À l’été 2014 et 2015, elle a été boursière au Ravinia Steans Music Institute, où elle a affiné ses dons d’interprète de programmes de récital et de concert et sa passion pour ce répertoire. Devenue en 2017 membre du programme Lindemann de perfectionnement pour les jeunes artistes du Metropolitan Opera, elle s’est produite sur la scène du Met pour la première fois en 2018. La même année, elle s’est fait connaître sur la scène internationale en remportant les quatre grands prix du concours Operalia, une première en 26 ans d’histoire de l’événement.
Hors de l’opéra, ses réalisations comprennent des prestations avec l’Orchestre philharmonique de Los Angeles et l’Orchestre symphonique de Toronto, la création mondiale d’un cycle de mélodies composé par Ana Sokolović et des interprétations de nouvelles œuvres, notamment celles d’Unsuk Chin et de Matthew Aucoin. Emily D’Angelo a signé un contrat d’exclusivité avec Deutsche Grammophon en mai 2021, et son premier album, enargeia, a été lancé plus tard la même année.
Depuis plus d’un siècle, l’Orchestre symphonique de Toronto (TSO) joue un rôle fondamental dans l’évolution et la célébration de la culture canadienne. Aujourd’hui dans sa 101e année d’existence, l’ensemble entretient plus que jamais son attachement à l’excellence musicale et sa capacité à tisser des liens. Prenant appui sur une histoire riche de concerts et d’enregistrements acclamés, de tournées canadiennes et internationales, et de partenariats communautaires marquants, le TSO se consacre à la mobilisation et à l’enrichissement des communautés locales et nationales en proposant des expériences musicales dynamiques. Son directeur musical, Gustavo Gimeno, apporte toute l’étendue de sa vision artistique, de sa curiosité intellectuelle et de sa hardiesse à la programmation de cet orchestre de 93 interprètes se produisant à Toronto – l’une des villes les plus diversifiées du monde. En tant que groupe composé d’artistes et de spécialistes de l’enseignement et de la promotion de la musique, partageant la conviction que celle-ci a le pouvoir de guérir, d’inspirer et de rapprocher les gens de tous les horizons, le TSO s’adresse aux publics de tous âges à l’aide d’un éventail d’initiatives en matière d’éducation, d’accès communautaire, de santé et de bien-être. La saison 2023-2024 marque le 50e anniversaire de l’Orchestre symphonique des jeunes de Toronto, affilié au TSO, un programme de formation gratuit visant à cultiver la prochaine génération d’artistes du Canada.
Joignez-vous à l’orchestre pour un concert au Roy Thomson Hall, ou faites l’expérience du TSO près de chez vous. Consultez le site TSO.CA ou Newsroom.TSO.CA (liens en anglais seulement).