présenté par Audi

Shelley dirige Strauss

et Felix Klieser joue Mozart

2023-11-22 20:00 2023-11-23 22:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Shelley dirige Strauss

https://nac-cna.ca/fr/event/33723

Événement en personne

Les poèmes symphoniques de Richard Strauss (une œuvre d’un seul mouvement racontant une histoire) parlent de récits épiques et posent des questions existentielles. La compositrice et le compositeur contemporains canadiens Kelly-Marie Murphy et Kevin Lau y répondent par de nouveaux morceaux qui accompagnent les deux poèmes symphoniques les plus connus de Strauss. Pour en arriver à jouer en concert une œuvre comme le...

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Salle Southam ,1 rue Elgin,Ottawa,Canada
22 - 23 nov 2023
22 - 23 nov 2023

Dernière mise à jour: 14 novembre 2023

Programme

KELLY-MARIE MURPHY Dark Nights, Bright Stars, Vast Universe* (« Nuits noires, étoiles brillantes, vaste univers ») (9 min)

RICHARD STRAUSS Don Juan, op. 20 (18 min)

WOLFGANG AMADEUS MOZART Concerto pour cor no 4 en mi bémol majeur, K. 495 (16 min)
I. Allegro moderato
II. Romanza : Andante
III. Rondo : Allegro vivace

ENTRACTE 

KEVIN LAU The Infinite Reaches* (« Les limites de l’infini ») (10 min)

RICHARD STRAUSS Tod und Verklärung (Mort et transfiguration), op. 24 (24 min)

* Première mondiale, commande de l’OCNA

Répertoire

Kelly-Marie Murphy

Dark Nights, Bright Stars, Vast Universe (commande de l’OCNA)

Kelly-Marie Murphy est bien connue sur la scène musicale canadienne : « imaginatives et évocatrices » (The National Post), ses compositions « à couper le souffle » (Kitchener-Waterloo Record) sont semblables à « un assaut puissant pour les sens » (The Globe and Mail) et à du « Bartók survitaminé » (Birmingham News). Elle a écrit de nombreuses œuvres mémorables pour certains des plus grands interprètes et ensembles au pays, notamment les orchestres symphoniques de Toronto, Winnipeg et Vancouver, le Gryphon Trio, James Campbell, Shauna Rolston, Judy Loman ainsi que les quatuors à cordes Cecilia et Afiara. 

Née sur une base de l’OTAN en 1964 en Sardaigne (Italie), Kelly-Marie Murphy a passé sa jeunesse aux quatre coins du Canada sur différentes bases des Forces armées canadiennes. Elle a commencé à étudier la composition à l’Université de Calgary auprès de William Jordan et Allan Bell; elle est titulaire d’un doctorat dans ce domaine dirigé par Philip Wilby (Université de Leeds, R.-U.). Après avoir vécu de nombreuses années dans la région de Washington, D.C., où elle a été fichée par le Service de l’immigration et de la naturalisation des États-Unis comme « étrangère ayant des habiletés extraordinaires », elle poursuit maintenant, en toute discrétion, sa carrière de compositrice indépendante à Ottawa.

Commandée par l’Orchestre du CNA et composé en 2023, Dark Nights, Bright Stars, Vast Universe (« Nuits noires, étoiles brillantes, vaste univers ») constitue une répartie à Don Juan, œuvre orchestrale de Richard Strauss. Dans la notice qui accompagne sa pièce, la compositrice fait la révélation suivante : « en réfléchissant à la manière de répondre à ce poème sonore emblématique, j’ai décidé d’examiner ce qui se passait dans le monde à l’époque où Strauss composait. L’un des événements importants, il me semble, a été le tableau de Vincent Van Gogh intitulé La nuit étoilée, datant de 1889. L’autre a été la découverte de la nébuleuse de la Tête de cheval par Williamina Fleming en 1888. Madame Fleming faisait partie des “calculatrices humaines de Harvard”, groupe de femmes qui s’employaient à étudier les spectres lumineux des astres et à répertorier les étoiles pour les astronomes de l’observatoire de Harvard. Sa vie extraordinaire est devenue le sujet de mon propre poème symphonique. »

Comme l’explique la compositrice, Dark Nights, Bright Stars, Vast Universe (« Nuits noires, étoiles brillantes, vaste univers ») s’articule autour de certains thèmes principaux : « le questionnement, la recherche et la curiosité, la persévérance et la détermination, ainsi que la beauté du ciel étoilé. Le morceau ouvre sur un thème de questionnement, à la harpe, auquel répondent les bois solistes. Au fur et à mesure que le questionnement et la recherche s’intensifient, les thèmes générateurs de la persévérance et de la détermination s’invitent; l’effet est rapide, implacable et parfois turbulent. Ensuite, le doute s’insinue l’espace d’un instant avec des solos de trompette et de hautbois. Peu à peu, la confiance et la force reviennent et un choral aux cuivres installe une calme concentration. Le thème principal de la persévérance revient, menant finalement au succès et à la découverte. Tout au long de la pièce, nous sommes conscients des étoiles : elles brillent, elles interpellent, elles nous montrent le chemin. »

La biographie et la note de programme ont été fournies par la compositrice (traduit de l’anglais)

RICHARD STRAUSS

Don Juan, op. 20

En 1888, Richard Strauss (1864-1949) prit la résolution que son cheminement artistique devait être, désormais, de « créer de nouvelles formes pour chaque nouveau sujet ». C’est alors qu’il se lança dans la composition de « poèmes symphoniques ». Développé par Franz Liszt, le poème symphonique est une œuvre en un seul mouvement qui illustre ou évoque un récit, un poème ou un tableau. Il s’agit d’une façon inédite de structurer la musique orchestrale par rapport aux formes abstraites traditionnelles de la symphonie en quatre mouvements.

Cette année-là, Strauss composa ses premiers poèmes symphoniques rapidement, l’un après l’autre, en commençant par Macbeth, suivi huit mois plus tard par Don Juan, puis en 1889, de Tod und Verklärung (Mort et Transfiguration). Il dirigea la première de Don Juan à Weimar, où il était maître de chapelle du grand-duc de Saxe-Weimar-Eisenach. L’œuvre fut un triomphe et établit rapidement la réputation internationale de Strauss comme jeune compositeur au modernisme audacieux. En l’espace d’une décennie, Don Juan et Tod und Verklärung intégrèrent définitivement le répertoire musical allemand.

L’attrait de Don Juan réside évidemment dans la capacité de Strauss de rassembler les effectifs orchestraux pour servir à raconter, en musique, des histoires vivantes – en l’occurrence, les aventures romantiques du légendaire libertin espagnol. Pour transmettre le caractère de Don Juan à travers le timbre, la texture et la sonorité de l’orchestre, Strauss exige beaucoup des interprètes sur les plans technique et artistique.

Le Don Juan de Strauss repose sur la version de la pièce allemande inachevée de Nikolaus Lenau, écrite en vers et publiée à titre posthume en 1851. Contrairement au séducteur impudent en quête de conquêtes romantiques de l’opéra Don Giovanni de Mozart et Da Ponte, le Don Juan de Lenau est plutôt rêveur et animé par le désir de trouver la femme idéale. Mais, comme le décrit Lenau, « parce qu’il ne la trouve pas, même s’il passe de l’une à l’autre, le dégoût finit par l’envahir ; et ce dégoût, c’est le diable qui le rattrape ». Ainsi, il n’y a pas de châtiment divin pour le Don Juan de Strauss et Lenau. Au contraire, en réalisant l’inutilité de ses efforts (« Mon ennemi mortel est en mon pouvoir, et cela aussi m’ennuie, comme la vie elle-même »), il se laisse tuer en duel — une fin d’un nihilisme provocateur qui sied bien à une approche moderniste.

Le poème symphonique s’ouvre sur une envolée de cordes qui traduit immédiatement les différents traits de caractère de Don Juan : son désir romantique, sa vigueur sexuelle et son optimisme téméraire dans la recherche de la femme parfaite. Cette débauche d’énergie mène bientôt à une laborieuse mélodie aux violons : c’est Don Juan, le héros, qui fait preuve d’une insolente assurance. Quelqu’un attire bientôt son regard – les premiers violons jouent une petite phrase semblable à un clin d’œil ou à un sourire coquin. Puis, des motifs sautillants – peut-être les ricanements d’un jeu de poursuite – se précipitent sur un accord tenu. Avec des éclats de glockenspiel et de harpe, l’atmosphère se remplit de suspense romantique alors qu’un solo de violon évoque un regard longuement posé sur la nouvelle bien-aimée. Puis, la musique émerge en une glorieuse et ample mélodie. Elle monte en vagues jusqu’à un climax brûlant qui fait vite place à des accords syncopés et inquiétants, en mode mineur, joués par les bois et les cuivres – Don Juan semble soudainement désenchanté par la femme qui se trouve devant lui. Des allusions à l’ornementation du début suggèrent qu’il tourne rapidement le dos à sa désillusion et, avec le retour du thème endiablé, reprend sans tarder sa quête.

Dans la section de développement apparaît une mélodie mélancolique, entonnée avec ferveur par les altos et les violoncelles : Don Juan a-t-il trouvé quelqu’un d’autre? La flûte solo répond par des soupirs plaintifs, et la mélodie est répétée avec davantage d’ardeur. Bientôt, le cœur de la jeune femme lui appartient. S’ensuit un épisode romantique avec son nouvel amour – une belle mélodie étendue, jouée sur fond de murmure par le hautbois, évoque une tendre scène nocturne. Après cet instant de profonde satisfaction, nous sommes soudainement précipités dans un air héroïque et audacieux, formulé par quatre cors à l’unisson – Don Juan semble avoir triomphé. Un épisode enjoué s’ensuit. La tension et l’élan montent, mais finissent par s’effondrer dans une spirale de désillusion et une plongée profonde dans le désespoir.

Telle une rafale de réminiscences, divers thèmes du début de l’œuvre sont repris avec plus d’éclat qu’auparavant, ce qui conduit à une nouvelle proclamation, par les cors, de l’air héroïque que les violons reprennent avec ferveur. L’apogée est massif et le thème de l’effort de Don Juan réapparaît, se poursuit, mais s’arrête bientôt complètement; il y a un silence, puis un accord est joué doucement par deux trompettes qui portent le coup fatal. Dans un dernier frémissement des cordes, la vie passionnée de Don Juan s’achève.

Note de programme par Hannah Chan-Hartley, PhD (traduit de l’anglais)

WOLFGANG AMADEUS MOZART

Concerto pour cor no 4 en mi bémol majeur, K. 495

I. Allegro moderato
II. Romanza : Andante
III. Rondo : Allegro vivace

Parmi les nombreux concertos que Mozart (1756-1791) a écrits pour divers instruments solistes, il en a composé quatre pour cor, les trois premiers dans les années 1780 et, le quatrième, publié sous le numéro 1, en 1791. À cette époque, il était compositeur et interprète indépendant à Vienne. Mozart avait l’esprit pratique. Comme à cette époque le cor commençait à s’imposer comme instrument soliste avec l’essor des concerts publics mettant en vedette des professionnels virtuoses, Mozart sut profiter de l’occasion.

Le développement du répertoire pour cor s’est fait parallèlement aux progrès de la facture et de la technique de jeu de l’instrument. Sur un cor du XVIIIe siècle, l’interprète ne pouvait généralement produire, avec ses lèvres, que des notes de la série des harmoniques naturelles. Afin d’élargir l’étendue du registre de l’instrument, surtout dans le grave, et pour produire des notes chromatiques, des interprètes entreprenants ont inventé la technique dite « de la couverture » (hand-stopping) qui consiste à insérer la main dans le pavillon du cor pour modifier la hauteur des sons. Cette technique requiert une grande habileté, notamment pour uniformiser le timbre entre notes ouvertes et fermées (partiellement ou complètement) afin de créer un chant lisse. C’est d’ailleurs devenu une caractéristique du cor solo, et le concerto est devenu la forme musicale par laquelle les cornistes pouvaient afficher leur habileté technique et leur talent artistique. L’un des plus grands virtuoses du cor était à l’époque Joseph Leutgeb (1732-1811). Il donna de nombreux concerts, notamment dans le cadre de la célèbre série parisienne du Concert spirituel, où un critique l’avait encensé pour son aptitude à « chanter un adagio aussi parfaitement que la voix la plus moelleuse, la plus intéressante et la plus juste ». Mozart, qui connaissait Leutgeb depuis longtemps, écrivit ses quatre concertos pour lui. Bien que les cornistes d’aujourd’hui jouent généralement sur des instruments à pistons qui leur permettent de produire une gamme chromatique sur toute l’étendue du cor, les concertos de Mozart demeurent des œuvres majeures du répertoire où ils peuvent démontrer leur musicalité et leur maîtrise de l’intonation, en même temps que la noblesse et la grâce de l’instrument.

Composé en 1786, le concerto K. 495 demeure aujourd’hui le plus connu du groupe. Le premier mouvement débute sur une exposition orchestrale riche en thèmes et en effets. On entend d’abord un air robuste, enrichi par des accords de trois sons aux violons et suivi d’intervalles plongeants et de courses vigoureuses. Ensuite, une mélodie gracieuse mène à un « crescendo de Mannheim » (un crescendo de tout l’orchestre) qui culmine avec d’autres intervalles tombants. Le tout se termine par un « post-scriptum » lyrique. Lorsque le cor solo entre, il introduit un thème entièrement nouveau (chose courante dans les concertos de Mozart datant de cette époque). Ce motif met en valeur la sonorité et la courbe du chant, puis le développe. Plus tard, les violons rappellent la mélodie gracieuse, commentée par le cor, puis suivie du crescendo de Mannheim ; mais ici, son zénith est retardé pour ne pas masquer le cor.

La section centrale du développement présente un matériau musical qui met en valeur l’art du corniste, en particulier des phrases descendantes, des lignes chromatiques poignantes, d’amples sauts et des trilles délicats. Dans la réexposition des thèmes, le cor se voit confier de nouvelles images et une plus grande importance dans le dialogue sur le deuxième thème. Après la cadence jouée par le soliste, le cor se joint à la reprise du post-scriptum, puis le mouvement s’achève résolument.

La Romanza offre un beau discours qui met en valeur le soliste dans de longues mélodies chantantes et des tournures de phrases exquises. Chaleur, subtilité et tendresse caractérisent l’atmosphère de l’ensemble du mouvement.

Parmi les mouvements les plus célèbres du répertoire pour cor, le Rondo final présente un air joyeux qui évoque le cor de chasse. D’abord énoncé par un solo de cor, repris par l’orchestre, le thème revient tout au long du mouvement, en alternance avec des épisodes contrastés. Le premier épisode renvoie à divers motifs de cor de chasse : arpèges semblables à ceux d’une fanfare, phrases vives. Dans le second épisode, qui passe au mode mineur, le cor solo et les cordes entament un dialogue animé. Le troisième épisode rappelle le premier, mais avec un nouveau traitement harmonique. Juste avant un dernier retour de la mélodie survient une surprise pleine d’humour, après quoi le cor et l’orchestre s’élancent vers une finale jubilatoire.

Note de programme par Hannah Chan-Hartley, PhD (traduit de l’anglais)

Kevin Lau

The Infinite Reaches (Commande de l’OCNA)

Kevin Lau (né en 1982) est l’un des jeunes compositeurs canadiens les plus polyvalents et les plus prisés. Des artistes et des ensembles parmi les plus éminents lui ont commandé des œuvres, lesquelles ont été jouées aux États-Unis, en France, au Danemark, en Allemagne, en Autriche et en République tchèque. Compositeur prolifique de musique d’orchestre, de musique de chambre, de ballet, d’opéra et de film, Kevin Lau a été affilié à l’Orchestre symphonique de Toronto de 2012 à 2015; à ce jour, il a produit sept œuvres pour cette formation. Par la suite, il a collaboré avec le chorégraphe Guillaume Côté sur deux ballets : le ballet intégral Le Petit Prince pour le Ballet national du Canada, et Dark Angels, ballet d’une durée de 30 minutes pour l’Orchestre du Centre national des Arts. Kevin Lau a aussi été compositeur en résidence auprès de l’Orchestre de chambre du Manitoba de 2021 à 2023.

La production de Kevin Lau s’inspire souvent d’éléments fantastiques et surréalistes dont la cohérence relève de la recherche du compositeur de liens profonds qui subsistent sous la surface de la diversité. Il s’agit de liens qui servent de métaphore à la réconciliation entre des différences apparemment fondamentales.

Alors que l’œuvre de Kelly-Marie Murphy s’inscrit en réponse au Don Juan de Strauss, la commande de l’Orchestre du CNA à Kevin Lau s’inspire du poème symphonique Mort et transfiguration du compositeur allemand. « Cette œuvre m’a attiré d’emblée; son récit musical saisissant, transcendant résonne puissamment avec mes propres sensibilités créatrices. En même temps, la question existentielle au cœur de l’œuvre, à savoir ce qui se trouve au-delà de la mort, avait commencé à s’insinuer dans mes propres réflexions, et ce, de plus en plus fréquemment ». 

Il précise sa pensée ainsi :

« De nombreux mois allaient cependant s’écouler avant que je puisse transformer ces réflexions en un impératif musical cohérent. Finalement, après plus d’un épisode de paralysie créative, j’ai découvert ma « porte d’entrée » grâce à un mythe ancien : celui de Charon, passeur d’âmes des défunts sur le fleuve Styx jusqu’au royaume d’Hadès. Cette image a allumé l’étincelle de départ pour ma musique : elle ouvre sur un ostinato en 9/8 qui commence dans les profondeurs de l’orchestre, puis remonte graduellement jusqu’aux registres les plus élevés. Cette association musicodramatique m’a permis de me réfugier dans la métaphore : en décrivant un voyage mythique sur les rives du monde souterrain, je me suis senti libre d’explorer le terrain émotionnel et psychologique de Mort et Transfiguration, sans suivre explicitement les traces de Strauss. (Cela dit, j’ai inclus une référence au thème emblématique de la Transfiguration du compositeur, cité une fois dans sa forme originale avant d’être inversé, de sorte que ses trois premières notes sont suivies d’une plongée vertigineuse d’une octave, image miroir et désespérée de la transcendance.)

« Mais la transcendance y est investie tout de même, bien que son apparition soit soudaine plutôt que « méritée ». Après une série de paroxysmes, où des rafales cycloniques de cuivres sont entraînées dans une frénésie apocalyptique, les nuages orageux se dissipent, découvrant brièvement un lieu pastoral et divin. Les notes répétées du début se transforment en une mélodie lumineuse qui, je l’espère, donnera l’impression d’avoir toujours existé. Un moment de discorde vient perturber cette vision du paradis et, bientôt, un solo de violoncelle aux allures de chant funèbre rappelle l’orchestre dans ses registres les plus profonds, avec un infime soupçon d’accord majeur terré sous le grondement de la grosse caisse.

« Le titre, The Infinite Reaches (« Les limites de l’infini »), se réfère à la description d’Alexander Ritter de la « transfiguration recherchée par l’homme », selon laquelle le protagoniste du récit de Strauss est étreint par les « limites infinies du ciel ». J’ai supprimé le mot « ciel », non pas parce que j’exclus mes propres intuitions spirituelles, mais parce que j’ai senti que l’ambiguïté était cruciale à cette œuvre : son titre doit rappeler à la fois la lumière éternelle et le vide de l’abîme. »

La biographie et la note de programme sont fournies par le compositeur (traduit de l’anglais)

RICHARD STRAUSS

Tod und Verklärung (Mort et transfiguration), op. 24

Richard Strauss n’avait que 24 ans lorsqu’il acheva Don Juan. Le compositeur lui-même dirigea la première exécution de son poème symphonique, lequel est à l’origine de sa renommée. Une autre réussite l’attendait moins d’un an plus tard avec Tod und Verklärung (Mort et transfiguration). Au cours de l’été 1888, Strauss était répétiteur au Festival de Bayreuth, où était présenté l’opéra Tristan und Isolde de Richard Wagner. Alors qu’il écoutait l’œuvre, il fut fasciné par la fin de l’opéra, dans laquelle Isolde est « transfigurée » dans la mort pour s’unir mystiquement à son amant, Tristan. Cela incita Strauss à explorer l’idée de mort et de transfiguration dans son propre poème symphonique, qui décrit « un artiste mourant, obsédé par un idéal artistique. À sa mort, il est transfiguré et peut contempler son idéal dans l’éternité ».

Tout comme son sujet, Mort et transfiguration doit son univers sonore en partie à Tristan und Isolde. L’ambiguïté tonale qui souligne la nostalgie qu’éprouvent les deux amants de Wagner est également utilisée dans l’œuvre de Strauss, bien qu’à des fins dramatiques différentes. Au fur et à mesure que l’œuvre progresse, deux motifs principaux s’affrontent, l’un représentant la mort et l’autre la transfiguration, ce qui illustre le combat de l’artiste agonisant, les harmonies ne se résolvant fermement qu’à la toute fin de l’œuvre.

Lorsqu’il a achevé la partition de Mort et transfiguration, en 1889, Strauss a demandé à son ami et associé Alexander Ritter de composer un poème explicatif qui développerait la trame de son récit et serait distribué lors de la première représentation et publié avec la partition. Le texte de Ritter apparaît ci-dessous entre guillemets, entrecoupé de commentaires qui guideront le public au fil du déroulement de chacune des quatre parties de l’œuvre.

I. Largo. « Dans une petite pièce vide, faiblement éclairée par un bout de chandelle, un malade est allongé sur son lit. Épuisé par une lutte violente contre la mort, il s’endort. Dans le calme de la pièce, comme un présage de mort imminente, on n’entend que le tic-tac silencieux d’une horloge. Un sourire mélancolique éclaire le visage pâle de l’invalide : rêve-t-il d’une enfance dorée alors qu’il languit à la frontière de la vie ? »

En sourdine, violons et altos introduisent une pulsation que beaucoup ont interprétée comme le motif de la mort, rappelant le tic-tac de l’horloge ou une respiration laborieuse, voire les battements irréguliers d’un cœur défaillant. Plus tard, une mélodie aux accents mélancoliques apparaît, sur fond d’ondulations de harpe, passant de la flûte au hautbois, au violon en sourdine et de nouveau aux bois.

II. Allegro molto agitato. « Mais la mort lui accorde peu de temps pour dormir et rêver. Elle secoue brutalement sa proie. Et la lutte recommence. La volonté de vivre ; la puissance de la mort! Quel combat terrifiant! Ni l’une ni l’autre ne l’emporte. Et le silence règne à nouveau. »

Un grand coup de timbale résonne avec les instruments graves et signale le début de la lutte. Le motif syncopé, désormais accéléré, se transmet entre les instruments et débouche sur un thème profondément agité. La masse sonore de l’orchestre comporte des fragments chromatiques tourbillonnants, ponctués par des coups de timbales plus inquiétants. Au moment du terrifiant climax, nous entendons les cuivres énoncer pour la première fois le début du thème de la transfiguration – un thème ascendant caractérisé par un gigantesque bond vers le haut. Mais la mort n’est pas encore là (la résolution n’est pas atteinte), et la musique retrouve un calme éthéré.

III. Meno mosso, ma sempre alla breve. « Épuisé par la bataille, sans sommeil, comme dans un délire, le malade voit maintenant sa vie défiler devant lui, étape par étape, scène par scène. D’abord l’aube rose de l’enfance, radieuse, innocente; puis les jeux agressifs du garçon, jaugeant sa force, la construisant, se préparant pour les batailles de l’âge adulte, pour combattre avec une passion brûlante afin d’atteindre les buts les plus élevés : transfigurer tout ce qui semble le plus noble, en lui donnant une forme encore plus exaltée – cela seul fut le plus grand objectif de toute son existence. Froidement, avec mépris, le monde a sans cesse dressé des obstacles sur son chemin. Alors qu’il se croyait près du but, une voix lui criait : “Halte!” Mais une voix intérieure l’incitait encore à aller de l’avant, lui criant : “Fais de chaque obstacle un nouvel échelon dans ton ascension”. Sans se décourager, il poursuivit sa quête exaltée. Aujourd’hui encore, dans son agonie, il cherche le but inatteignable de ses efforts incessants, il le cherche, mais hélas, toujours en vain. Bien qu’il soit de plus en plus proche, de plus en plus clair, de plus en plus grand, il ne peut jamais le saisir entièrement ou le parfaire dans son âme. Le dernier coup de marteau de la mort retentit, brise son cadre terrestre et couvre ses yeux d’une nuit éternelle. »

Ce segment commence calmement avec des instruments solistes qui échangent des parties de la mélodie mélancolique du début : l’homme qui réfléchit sur sa vie. Ils en viennent à construire une section en forme de marche qui évoque son passage à l’âge adulte. Alors que l’orchestre s’élance vers l’avant, le motif syncopé de la mort, aux trombones et aux timbales, perturbe la texture, toujours plus intensément. Les vagues d’attaque culminent dans des présentations de plus en plus grandioses du thème de la transfiguration, signalant la fin prochaine. Après une dernière explosion, la fureur orageuse de l’orchestre se dissipe progressivement et, au son du gong, sonne le glas.

IV. Moderato. « Mais, du royaume infini de l’espace céleste, une puissante résonance lui parvient, porteuse de ce qu’il a désiré et cherché en vain ici-bas : la rédemption, la transfiguration. »

La section finale du poème symphonique s’appuie sur le thème de la transfiguration, transformé lui-même en une gigantesque apothéose. Dans les derniers instants, les violons chantent une dernière fois le thème, dont l’arc bondissant se résout enfin sur un accord serein.

Note de programme par Hannah Chan-Hartley, PhD (traduit de l’anglais)

Artistes

  • Chef d'orchestre Alexander Shelley
  • Cor Felix Klieser
  • Compositrice Kelly-Marie Murphy
  • Compositeur Kevin Lau
  • Avec Orchestre du CNA
  • Régisseuse Laurie Champagne

Crédits

Orchestre du CNA

Premiers violons
Yosuke Kawasaki (violon solo)
Jessica Linnebach (violon solo associée)
Noémi Racine Gaudreault (assistante violon solo)
Jeremy Mastrangelo
Marjolaine Lambert
Emily Westell
Manuela Milani
*Martine Dubé
*Annie Guénette
*Heather Schnarr
*Oleg Chelpanov
*Lauren Deroller
*Renée London
*Andréa Armijo Fortin

Seconds violons
*John Marcus (solo invité)
Emily Kruspe
Frédéric Moisan
Carissa Klopoushak
Leah Roseman
Winston Webber
Mark Friedman
Zhengdong Liang
Karoly Sziladi
Edvard Skerjanc 
*Karoly Sziladi, Jr.
*Sara Mastrangelo
*Sarah Williams

Altos
Jethro Marks (solo)
David Marks (solo associé)
David Goldblatt (assistant solo)
Paul Casey
David Thies-Thompson
Tovin Allers
*Mary-Kathryn Stevens
*Pamela Fay

Violoncelles
Rachel Mercer (solo)
**Julia MacLaine (assistante solo)
Leah Wyber
Timothy McCoy
Marc-André Riberdy
*Karen Kang
*Desiree Abbey
*Daniel Parker
*Sonya Matoussova

Contrebasses
*Sam Loeck (solo invité)
Max Cardilli (assistant solo)
Vincent Gendron
Marjolaine Fournier
*Paul Mach
*David Fay

Flûtes 
Joanna G'froerer (solo)
Stephanie Morin
*Christian Paquette

Hautbois 
Charles Hamann (solo)
Anna Petersen
*Melissa Scott

Cor anglais
Anna Petersen

Clarinettes 
Kimball Sykes (solo)
Sean Rice
*Shauna Barker

Bassons
Darren Hicks (solo)
Vincent Parizeau
*Thalia Navas

Cors
*Louis-Philippe Marsolais (solo invité)
Julie Fauteux (solo associée)
Lawrence Vine
Lauren Anker
Louis-Pierre Bergeron
*Olivier Brisson

Trompettes
Karen Donnelly (solo)
Steven van Gulik
*Stéphane Beaulac
*Michael Fedyshyn

Trombones
*Steve Dyer (solo invité)
Colin Traquair

Trombone basse
Zachary Bond

Tuba 
Chris Lee (solo)

Timbales
*Andrei Malashenko (solo invité)

Percussion
Jonathan Wade
*Dan Morphy
*Louis Pino

Harpe
*Angela Schwarzkopf
*Alanna Ellison

Musicothécaire principale
Nancy Elbeck

Musicothécaire adjoint
Corey Rempel

Chef du personnel
Meiko Lydall

Coordinatrice du personnel de 
l’Orchestre

Laurie Shannon

*Musiciens surnuméraires
**En congé

Alliance internationale des employés de scène et de théâtre