≈ 55 minutes · Sans entracte
Dernière mise à jour: 1 décembre 2021
Bienvenue au théâtre. Bienvenue au concert. Bienvenue au musée. Bienvenue dans la maison vide de Karine-Pas-Sauvé. Il y aura des sons étranges, de la musique rock, des matières molles, nerveuses ou intangibles, mais surtout beaucoup de permissions offertes. De ces permissions d’être qui repoussent les murs encabanants des conventions et qui font pas de mal à personne en plus de faire du bien. La permission d’être informe, fragile ou dépouillé. De se salir. De faire du bruit au milieu du silence. Dans l’enfance, ces jeux-là sont naturels, et c’est surtout en grandissant qu’on les délaisse. Au profit de quoi? D’un scénario pris pour le réel et qu’on rejoue en boucle pour être sûr de s’y conformer? Il y a des débordements vitaux, des mises en jeu salutaires, des formes ouvertes comme des appels d’air qui nous émancipent de nos propres peurs et ont le pouvoir d’inventer un nouveau rapport à l’autre ou à soi-même. L’art peut faire ça. Et le psyquelette semble penser comme nous.
Installez-vous le plus confortablement possible dans votre peau et attachez votre tuque!
Entretien avec Karine Sauvé
Chansons pour le musée est une œuvre qui se décline en plusieurs médiums, dont un balado et un album. Peux-tu nous parler de ces diverses déclinaisons et de la motivation qui se cache derrière cet éventail autour d'un même projet?
Les motivations émergent souvent dans le silence pour moi. Dans la vie pleine, je lui fais de la place, je l’invite, question de m’entendre. Au printemps 2020, deux mois avant la sortie prévue de notre show, la pandémie a tassé les chars de mon boulevard, calmé le ronron incessant de la ville et m’a donné rendez-vous avec toutes sortes de nouveaux oiseaux. De les écouter attentivement, de tout proche jusqu’à loin, ça a étendu le paysage, ça a ouvert d’une coche mes oreilles. J’ai eu envie qu’on offre ça à Chansons pour le musée, qu’on en profite pour épaissir ses sons jusqu’à loin, qu’on en sculpte ardemment les textures avec l’électricité de nos synthés et que ma voix se niche dans le creux des oreilles, proche de l’auditeur, en intimité.
Ça a donné un balado en trois épisodes, super bien fignolé en studio, des savoirs nouveaux à injecter dans le spectacle à venir, une collaboration riche et continue avec mes remarquables complices Anne-Marie Guilmaine, Nicolas Letarte-Bersianik et David Paquet, puis une nouvelle collaboration fertile avec nul autre que Navet Confit, qui a réalisé le tout. Notre emballement nous a aussi amenés à enregistrer l’album Chansons pour le musée, question de laisser nos tounes se déployer et que vous puissiez danser et chanter avec nous dans votre salon.
En créant notre théâtre pour les oreilles, on a frayé notre chemin vers le concert théâtral électro déjanté qu’on peut vous offrir aujourd’hui.
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Au fil du temps et des refontes, est-ce qu’un élément nouveau de sens du spectacle s’est révélé à toi?
Oui, celui des permissions d’être.
En décembre 2020, quand on a présenté notre balado lors d’une séance d’écoute au Théâtre français du CNA et qu’ensuite on a discuté avec le public, je me suis rendue compte que ce show-là parlait beaucoup des permissions d’être qu’on peut se donner. Des permissions qui repoussent les murs encabanants des conventions et qui font pas de mal à personne en plus de faire du bien. La permission d’être informe, fragile ou dépouillé par moments, comme les musées que visite Karine-pas-Sauvé et qui lui permettent de ressentir puis de traverser des états inconfortables. La permission de chanter simplement dans un lieu public, comme quelqu’un qui siffle à vélo et qui nous fait sourire le temps qu’il passe; celle de se salir en enlaçant une grosse motte d’argile parce qu’on s’enthousiasme de savoir qu’elle va nous recevoir, qu’on va même lui laisser des traces.
Un spectateur faisait remarquer que, dans l’enfance, ces jeux-là sont naturels et que c’est surtout en grandissant qu’on les délaisse. Au profit de quoi? D’une gamme répétitive, d’un scénario pris pour le réel et qu’on se rejoue en boucle pour être bien certain d’y tenir le rôle qu’on s’est donné? Je crois qu’il y a des mises en jeu salutaires, des formes ouvertes qui ont le pouvoir d’inventer un nouveau rapport à l’autre ou à soi. Des jeux qui prennent racine dans la détente, pas loin de la craque du clown, de l’étrangeté qui déplace le regard, de la vulnérabilité offerte. Le psyquelette, avec les traitements qu’il propose, il semble penser ça lui aussi.
Psst! Avant ou après le spectacle, attrape tes écouteurs, trouve un endroit confortable et écoute Chansons pour le musée en balado.
Avec ses chansons new wave comme des vitamines pour l’âme, Karine Sauvé raconte sa quête pour se consoler d’un cocon familial envolé. Accompagnée par l’excellent bruiteur et magicien sonore Nicolas Letarte-Bersianik, elle chante ici à cœur ouvert. Elle joue avec les sons et se livre en nous rappelant les pouvoirs mystérieux et insoupçonnés de l’art. Trois épisodes à mettre dans tes oreilles.
La compagnie Mammifères te propose trois activités à faire on the spot, chez toi ou en classe! À la manière des Instructions de l’artiste Yoko Ono ou des Assignments de l’artiste Miranda July, ces jeux ne coûtent rien et se réalisent avec ce que tu as sous la main. L’art peut surgir n’importe où! Il n’attend que toi pour se révéler! Et si tu veux garder des traces ou partager le fruit de tes « œuvres domestiques », tu peux t’enregistrer ou prendre des photos.
Le psyquelette prescrit à Karine-Pas-Sauvée de s’infiltrer au musée, la nuit, afin de chanter pour une œuvre d’art dans laquelle elle se reconnaît. Il lui dit ça : Quand tu te reconnais, tu chantes. C’est comme un médicament, mais au lieu de l’avaler, faut le sortir de sa bouche…
À toi d’essayer ce remède pour le moins… excentrique!
Dans ta maison ou dans ta classe, choisis une œuvre d’art (tableau, dessin, sculpture, photographie…) qui reflète une ou plusieurs facettes de toi. Si tu ne trouves pas d’œuvre, ça peut aussi être un bibelot intriguant, ton livre préféré ou ce que tu trouves beau dans le frigo! Trouve ensuite trois mots qui décrivent en quoi tu te reconnais dans cette œuvre d’art ou cet objet. (Par exemple, si Karine-Pas-Sauvée jouait à ce jeu dans sa nouvelle maison, elle choisirait sûrement une fougère : échevelée, un brin fragile et amoureuse du soleil!) Sélectionne ton beat favori parmi ceux qui te sont proposés dans la bulle Chanter pour les choses de la section Autour de l’os sur notre site Internet et chante pour cette chose! Laisse venir les paroles et les sons en t’inspirant de tes trois mots-clés.
Si tu le sens, invite ton parent ou ton professeur à faire la même chose. Promis, ça va lui faire du bien!
Si tu veux garder une trace de ta chanson, n’hésite pas à t’enregistrer et à partager ton enregistrement à l’équipe de Mammifères.
Au Musée du Fragile, Karine-Pas-Sauvé se reconnaît dans la sculpture en céramique d’une femme complètement nue qui joue de la guitare électrique (branchée dans une souche d’arbre)! Cette œuvre existe pour de vrai. C’est une œuvre de Shary Boyle.
Karine-Pas-Sauvé se projette dans cette sculpture. Cette femme, c’est elle dans le futur : bien, concentrée, courageuse. Elle a l’air de dire oui, oui on a le droit d’être une femme et de faire du bruit au milieu du silence.
Imagine, toi aussi, les pensées d’une œuvre d’art!
Choisis une œuvre qui se trouve dans ta maison ou dans ta classe (tableau, dessin, sculpture, photographie…). Si tu ne trouves pas d’œuvre, ça peut aussi être un objet que tu chéris ou qui pique ta curiosité : une peluche punk à demi-dépoilée, la roche la plus précieuse de ta collection ou un ballon de soccer dégonflé. Quelque chose qui dégage une personnalité originale, dont tu peux déceler un certain caractère! (Par exemple, si Karine-Pas-Sauvée jouait à ce jeu dans sa nouvelle maison, elle choisirait peut-être le manteau de fourrure blanc hérité de sa grand-mère et qui semble recroquevillé en boule dans la garde-robe parce qu’il a glissé de son cintre!) Observe attentivement l’objet que tu as choisi et essaie d’imaginer les secrets qu’il te confierait s’il pouvait parler… ses peurs, ses souvenirs, ses désirs enfouis, à quoi il rêve la nuit, quel est son projet le plus ambitieux... Quelque chose de surprenant qu’il pourrait te révéler de sa voix étrange d’objet!
Écris cette confidence au « je », en prenant soin de ne jamais nommer l’objet dont il est question. Si tu as le goût, lis ton texte à voix haute, en modifiant ta voix et en cherchant l’émotion juste. Ce sera peut-être un bon début pour une histoire, une pièce de théâtre ou pour la création d’un nouveau personnage (qui n’aura plus rien à voir avec ton objet)!
Si tu veux garder une trace de ton texte lu, n’hésite pas à t’enregistrer et à partager ton enregistrement à l’équipe de Mammifères.
Quand Karine-Pas-Sauvée entre dans le Musée du Dépouillé, il n’y a ni sculpture, ni tableau. L’œuvre qu’elle rencontre se vit plutôt comme une expérience : des confettis s’échappent un à un d’une petite boîte au plafond et tombent doucement jusqu’au sol. C’était comme une fête au ralenti. Un cadeau tout simple, ordinaire pis grandiose, qui recommence, et qui recommence et qui recommence. Cette installation s’inspire du travail d’artistes dont les œuvres sont des actions toutes simples, des manières inédites de rencontrer l’autre (et soi-même aussi!) ou de porter attention aux objets du quotidien.
Et si tu tentais de transformer ton propre regard sur ton environnement?
Déniche-toi d’abord un bout de papier, un crayon et un genre de corde (ceinture de robe de chambre, foulard, corde à sauter, ruban, ficelle, lacet… peu importe!). Avec ces trois objets en main, promène-toi dans ta maison ou dans ta classe en observant toutes les choses qui s’y trouvent. Ton œil, comme un radar, veut capter une image intéressante! Ne réfléchis pas trop, sois plutôt à l’écoute de ta petite voix intérieure. C’est elle qui te soufflera : « Hum… on dirait que cette guenille séchée en boule veut imiter l’orange qui se trouve juste à côté! » Comme tu vois, ce qui est recherché n’est pas nécessairement « beau » dans le sens qu’on l’entend habituellement, mais plutôt intriguant et évocateur d’une émotion. (Par exemple, si Karine-Pas-Sauvé jouait à ce jeu dans sa nouvelle maison, elle remarquerait sûrement une veste de laine qui enlace amoureusement la chaise sur laquelle elle est déposée ou alors le carré de papier de toilette qui tremblote un peu au-dessus du calorifère chaud!)
Quand tu as trouvé, encercle l’objet ou les objets choisis avec ta corde et assieds-toi devant comme si tu t’asseyais devant une œuvre au musée. Imagine le titre que tu pourrais donner à cette nouvelle œuvre. Le titre peut révéler des indices de ce que tu as toi-même perçu ou imaginé à travers l’objet. Inscris ce titre et les matériaux de l’œuvre sur le bout de papier et dépose-le devant le cercle, comme le cartel accompagnant une œuvre dans une salle d’exposition. (Avec les objets qu’elle a choisis, Karine-Pas-Sauvé pourrait inscrire : « Roméo et Juliette juste avant l’aube. Bois, laine et acrylique. » Et « Chair de poule. Papier et air réchauffé. ») Tu peux refaire le jeu avec des objets différents et inviter ton parent ou ton professeur à visiter ton « musée domestique »!
Si tu veux garder une trace de tes œuvres, n’hésite pas à les photographier et à partager tes photos à l’équipe de Mammifères.
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Conception des jeux : Anne-Marie Guilmaine et Karine Sauvé
Rédaction des consignes : Anne-Marie Guilmaine
Théâtre de matière
Mammifères est une compagnie de recherche, de création et de diffusion d’œuvres contemporaines destinées au jeune public. Privilégiant une écriture scénique où la marionnette, l’installation, le chant et la performance s’unissent, elle offre des œuvres singulières qui se situent au croisement des arts visuels et du théâtre et qui questionnent particulièrement la forme de la rencontre avec le public.
Ayant une grande confiance en l’authentique curiosité et l’intelligence des enfants, Mammifères conçoit ses événements artistiques sur la scène, au musée ou ailleurs, comme un théâtre de matières qui en appelle aux sens, un art qui n’hésite pas à bousculer les conformismes de la vie et les préjugés pris pour des évidences.
Karine Sauvé crée la compagnie Mammifères en 2013. Artiste interdisciplinaire montréalaise, elle privilégie un théâtre d’images qui part de la matière, de la voix, des objets et du corps. Dans ses projets, elle travaille la marionnette au sens large, comme un croisement entre les arts visuels et le théâtre.
Belle bête de scène
Animal humain unique dans la faune artistique d’ici, Karine Sauvé est comédienne, marionnettiste et dirige Mammifères, une compagnie interdisciplinaire qui produit des spectacles éclatés destinés au jeune public, dont Les Grands-Mères mortes (prix de l’Association québécoise des critiques de théâtre) présenté au CNA en 2015. Diplômée en théâtre de marionnette de l’UQAM, elle collabore comme interprète ou conceptrice aux créations d’artistes de toutes disciplines (David Paquet, Nicolas Letarte, Nathalie Derome). Si l’on écrivait un lexique pour décrire sa pratique, il faudrait y mettre les mots: art contemporain, musique actuelle, matière organique, rires, voix, poésie, poils!
Fin raconteur
Enfant, David Paquet avait trois fidèles amis imaginaires pour qui il inventait des histoires. Ce goût de raconter l’a mené aux portes de l’École nationale de théâtre pour étudier l’écriture. En 2010, le public découvre sa plume singulière et son humour décapant avec Porc-épic (Prix du Gouverneur général du Canada, Prix Michel-Tremblay). Il écrit pour les ados 2 h 14 et Appels entrants illimités, et cosigne Les grands-mères mortes, jouée au CNA en 2015. Cette année-là, il ose les planches avec son propre stand-up poétique, Papiers mâchés. Histoires à plumes et à poils est sa première incursion dans l’écriture pour les plus jeunes.
Musicien pieuvre
Nicolas Letarte-Bersianik est un multi-multi-instrumentiste : deux fois « multi » puisqu’en plus d’être un as de la batterie, des synthétiseurs et de la guitare, il fabrique ses propres machines à sons et à bruitage, sans compter qu’il maîtrise comme personne la scie musicale acoustique et électrique.
Il compose de la musique pour le cinéma, la danse et le théâtre, notamment pour Ex Machina (Robert Lepage), et joue dans la célèbre fanfare Pourpour. Au CNA, on a pu le voir performer à la fois comme acteur et musicien-bidouilleur dans Les grands-mères mortes et Mini-chansons pour le musée de la compagnie Mammifères.
Alliance internationale des employés de scène et de théâtre