avec l'Orchestre du CNA

2020-05-13 20:00 2020-05-14 22:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Wu Man joue le pipa

https://nac-cna.ca/fr/event/21700

Ce programme captivant propose une rare incursion dans le monde de deux des compositeurs vétérans encore vivants les plus accomplis, l’une russe et l’autre chinois. La musique de Sofia Goubaïboulina mêle le spirituel au dramatique dans des œuvres où l’imagination et l’expérimentation sonores sont à l’honneur. Son Fairytale Poem est une œuvre enchanteresse inspirée de l’histoire d’une petite...

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Salle Southam ,1 rue Elgin,Ottawa,Canada
13 - 14 mai 2020

≈ 2 heures · Avec entracte

Nos programmes sont passés au numérique.

Balayez le code QR à l’entrée de la salle pour lire les notes de programme avant le début du spectacle.

Répertoire

SOFIA GOUBAÏDOULINA

Fairytale Poem pour orchestre

La compositrice russe Sofia Gubaidulina est une figure de proue de la musique contemporaine. Née à Chistopol, une petite ville de la République socialiste soviétique autonome tatare, elle a célébré son 90e anniversaire en 2021, un événement qui a été souligné par nombre d’ensembles et d’organisations internationales ayant joué ses œuvres. Pendant des décennies, dans la seconde moitié du XXe siècle, elle a eu l’audace de défier les autorités culturelles soviétiques dans ses œuvres en explorant des idées et sujets spirituels et en se servant de techniques de composition modernes, comme l’accordage alternatif et le dodécaphonisme (sérialisme). Elle continue d’ailleurs à évoluer dans ce sens et à combiner ces aspects à des éléments de ses origines tatares, donnant ainsi naissance à un style de composition puissant et inimitable. 

Sofia Gubaidulina a composé Fairytale Poem pour orchestre en 1971. À l’origine, la partition était destinée à une émission de radio pour enfants inspirée du conte The Little Piece of Chalk, de l’écrivain tchèque Mazourek. La compositrice disait alors se faire une joie de transformer cette composition en œuvre indépendante pour orchestre. « J’aimais tellement ce conte. Il symbolisait si bien la destinée d’artiste que je m’y suis attachée de manière profondément personnelle. » Fairytale Poem pour orchestre a été présentée pour la première fois en 1992 par le NDR Radiophilharmonie d’Hanovre, sous la baguette de Bernhard Klee.

Sofia Gubaidulina décrit l’histoire qu’elle a transposée en musique et transportée dans le monde sonore en ces termes : 

« Le bâton de craie rêve de dessiner de magnifiques châteaux, des jardins luxuriants avec des pavillons et la mer. Pourtant, jour après jour, il ne trace au tableau noir que des mots, des nombres et des motifs géométriques ennuyeux. Et au fil des jours, il rapetisse, encore et encore, contrairement aux enfants qui eux grandissent. Petit à petit, le bâton de craie tombe dans le désespoir et perd l’espoir d’un jour être autorisé à dessiner le ciel ou la mer. Il finit par devenir si petit qu’il ne peut plus être utilisé à l’école et se fait jeter. Le bâton de craie se retrouve alors dans l’obscurité totale et se croit mort. Pourtant, cette noirceur funeste n’est en fait que la poche d’un petit garçon. Sous la lumière du jour, ce dernier sort le bâton de craie et dessine des châteaux, des jardins avec des pavillons et la mer. Le soleil illumine les pavés… et le bâton de craie est bien trop heureux pour remarquer qu’il se dissout petit à petit dans le dessin de ce monde merveilleux. »

Sur une « page blanche » de tons soutenus, la flûte, les violons et la clarinette solo apportent chacun lignes et couleurs dans une phrase elliptique qui s’élève fiévreusement avant que la tension ne retombe sur un long trille. Après une transition éthérée, une fugue entraînante émerge des cordes pincées (la craie prend vie) et atteint des sommets… avant de descendre en cascade chromatique. Les violons s’emparent alors de la mélodie elliptique pour la développer en redoublant d’intensité. Une série de brefs épisodes s’ensuit, où les différents instruments jouent diverses figures évoquant la soumission de la craie, forcée de tracer « des mots, des nombres et des motifs géométriques ennuyeux ». Chaque sursaut d’entrain se désintègre dans un univers sonore lancinant qui fait écho à l’abattement grandissant de la craie. Arrive ensuite un virage, où les motifs sinueux des flûtes s’entremêlent et s’élèvent pour se joindre à la poésie des accords du piano et des gammes de la harpe, ainsi que de la flûte solo et de la clarinette basse. Soudain, la musique déborde de vitalité; les violons entonnent la mélodie elliptique sur un fond pulsatif de riches harmonies, suivies de phrases erratiques, évoquant la craie et ses tracés extatiques. Sur des gammes ascendantes, le marimba emporte l’œuvre vers ses moments finaux : une simple mélodie au piano sur des cordes toutes douces, suivies de touches de vibraphone qui viennent clore la finale onirique. 

Tan Dun

Concerto pour pipa et orchestre à cordes

PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI

Symphonie no 4

I. Andante sostenuto – Moderato con anima
II. Andante in modo di canzona
III. Scherzo: Pizzicato ostinato
IV. Finale : Allegro con fuoco

Tchaïkovsky compose sa quatrième symphonie en 1877, durant une période charnière de sa vie. Il esquisse les mouvements en mai et en juin, mais son travail est interrompu par son mariage désastreux à Antonina Milioukova. Le compositeur, qui est homosexuel, souffre alors d’une dépression nerveuse. Il réussit ultimement à s’en sortir, sans doute grâce à l’aide de Nadejda von Meck, une veuve richissime et une admiratrice de la musique de Tchaïkovsky. Elle commence à lui verser une allocation annuelle, ce qui permet au compositeur de se consacrer entièrement à la musique, à l’abri des préoccupations financières. C’est grâce à cet arrangement que Tchaïkovsky termine sa Symphonie no 4 en janvier 1878.

L’œuvre suit un cheminement émotionnel, qui s’apparente au passage de l’ombre à la lumière ou au triomphe face au conflit, un peu comme la Symphonie no 5 de Beethoven. En effet, Tchaïkovsky écrit, dans une lettre adressée au compositeur Sergueï Taneïev, que sa quatrième symphonie est incontestablement inspirée de la Symphonie en do mineur de Beethoven. Elle s’ouvre par une fanfare funeste de cuivres (« une force du destin », comme Tchaïkovsky explique à sa mécène), qui devient un leitmotiv de l’œuvre. Dans le premier mouvement, en particulier, elle revient de manière spectaculaire à des moments charnières : tendez l’oreille pour entendre son intrusion brutale, au moment où la musique semble devenir plus optimiste et triompher de son angoisse. Le deuxième mouvement commence, résigné devant ce qui l’a précédé : une mélodie mélancolique initialement entonnée par le hautbois. Mais tout n’est pas perdu, puisqu’un nouveau thème optimiste dans la section du milieu se mue en une effusion orchestrale passionnée.

Le Scherzo, joué entièrement par les cordes, offre un répit ludique. Il encadre un Trio central, une danse élégante pour bois qui devient maladroitement rapide avant d’être interrompue de manière humoristique par les cuivres qui entonnent le thème du Scherzo comme une marche. La finale commence par un fracas produit par l’orchestre tout entier (y compris les cymbales et la grosse caisse!); s’en suit un sifflement coulant, puis une mélodie naïve, mais sombre, inspirée de la chanson traditionnelle russe Dans le champ, le bouleau se dressait. Alternant avec des retours au premier thème, la chanson folklorique est amplifiée dans des épisodes étendus, dont le deuxième adopte la forme de la fanfare menaçante du premier mouvement. Cette fois-ci, toutefois, elle ne constitue plus une menace, et la symphonie se dirige, sans entrave, vers sa fougueuse apothéose.

Notes de programme rédigées par Hannah Chan-Hartley, Ph. D.