Une étude sans précédent révèle des iniquités de genre importantes à la radio canadienne, à l’exception d’une légère amélioration sur les ondes de radio pop
Les femmes sont pratiquement invisibles au sein de certains formats radiophoniques au Canada, selon une étude approfondie menée par Dre Jada Watson dans le cadre de son programme de recherche SongData. Partageons les ondes : Étude de la représentativité sur les ondes de radio canadiennes (2013-2023) a été préparée en collaboration avec Eugénie Tessier et en partenariat avec le Centre national des Arts et Women in Music Canada.
Adoptant une approche intersectionnelle, Jada Watson s’est intéressées aux données radiophoniques afin d’étudier la représentativité parmi les 150 chansons les plus diffusées sur les radios commerciales canadiennes entre 2013 et 2023 ainsi que parmi l’ensemble des chansons mises en ondes en 2023. Les résultats montrent que les chansons interprétées par des femmes, en particulier des femmes racisées, sont sous-représentées dans tous les formats étudiés (country, rock alternatif, active rock, Top 40, adulte contemporain mainstream et adulte contemporain hot) ainsi que dans les deux portfolios des stations de langue française créées pour cette étude (formats adulte contemporain mainstream et hot).
Les stations de rock alternatif diffusent en moyenne une seule chanson interprétée par des femmes par heure, tandis que les chaînes d’active rock n’en programment qu’une seule par plage de quatre ou cinq heures. Les stations de country font à peine mieux : deux par heure. On observe une meilleure représentativité dans les trois genres pop, mais les chansons interprétées par des femmes n’y représentent là encore seulement qu’un tiers de la programmation.
Cette étude examine également la représentativité en s’appuyant sur les exigences relatives au contenu créé par des Canadien·nes. Les résultats montrent que les chansons interprétées par des femmes canadiennes ne sont pas mises en valeur au sein de la programmation radiophonique au Canada et sont moins mises en ondes que les chansons interprétées par des artistes féminines internationales. Les chansons interprétées par des femmes racisées sont de loin les plus touchées par ces iniquités alors qu’elles sont largement sous-programmées par l’ensembles des formats radio. Les artistes transgenres, non-binaires, genderqueer et bispirituel·les (rassemblé·es sous l’étiquette « artistes trans* » dans cette étude) sont pratiquement invisibles au sein de la programmation, à l’exception d’une poignée d’artistes internationaux·les qui reçoivent un faible soutien au sein de la programmation des formats Top 40 et adulte contemporain mainstream et hot.
« Les résultats de l’étude de SongData, qui se penchent sur la dernière décennie de programmation radiophonique, sont sans équivoque : les chansons interprétées par des femmes sont sous-programmées sur les ondes de radio canadiennes, et celles interprétées par des femmes racisées et des artistes trans* sont tout simplement inexistantes au sein de la programmation de certains formats. Ce constat est d’autant plus troublant en ce qui concerne les stations de radio country et rock, dont les genres musicaux sont profondément enracinés dans la culture musicale et les traditions des communautés noires. On observe dans les données une légère augmentation de la mise en ondes des chansons interprétées par des femmes en 2023 sur les ondes de radio canadiennes, mais rien qui ne puisse véritablement mener à renverser les iniquités systémiques au sein de l’industrie. Les conclusions sont les mêmes pour la programmation des deux portfolios des stations de langue française créés pour cette étude : les chansons interprétées par des artistes masculins blancs sont avantagées à tous les niveaux d’analyse. Les voix de femmes – en particulier celles des Canadiennes – tombent entre les craques du pipeline de programmation radiophonique. Il est temps de changer les choses. Il est temps de partager les ondes. »
– Jada Watson, Chercheuse principale de SongData et professeure adjointe en sciences humaines numériques à l’Université d’Ottawa
Historiquement, les chansons qui sont soutenues par la radio ont eu de plus grandes chances de rencontrer un succès commercial à grande échelle et conséquemment, les carrières des artistes sont depuis longtemps tributaires du soutien radiophonique.
« La radio joue un rôle essentiel dans l’industrie de la musique. Elle influence la popularité des artistes auprès du grand public et joue par conséquent un rôle déterminant sur leurs chances d’être inclus·es en tête d’affiche dans la programmation des festivals et des grandes salles de spectacle à travers le pays. Le fait que de telles iniquités de genre et qu’un tel manque de diversité persistent, près de 30 ans après Lilith Fair, est inquiétant. Les femmes et les artistes issu·es de la diversité apportent une contribution inestimable au monde de la musique et nous invitons les radiodiffuseurs canadiens à prendre part aux efforts visant à promouvoir l’équité des genres sur les ondes. »
– Heather Gibson, Productrice générale, Musique populaire et variétés, Centre national des Arts
Ce rapport révèle des iniquités considérables au sein de l’écosystème musical canadien, mais celles-ci ne seront surprendront certainement pas celles et ceux qui font carrière en musique.
« Trêve de paroles, il est temps d’agir concrètement en matière d’équité. Sans mesures proactives comme celles mises en place pour le contenu canadien, l’industrie continuera de favoriser les chansons composées et interprétées par des hommes. Cela continuera d’avoir un effet néfaste sur la carrière des femmes, notamment en ce qui concerne leur représentation dans la sélection des prix Juno, aux Canadian Country Music Awards, au Gala de l’ADISQ, tout comme dans les festivals et les tournées (et surtout en tête d’affiche), et ce, entre autres formes de reconnaissance dans le milieu. Des changements dans les systèmes de développement et de promotion des artistes doivent être opérer à plusieurs niveaux. C’est seulement en travaillant ensemble à opérer ces changements que nous pourrons trouver l’élan nécessaire pour enfin profiter d’un milieu plus divers, plus équitable et plus inclusif pour toutes et tous. »
– Robyn Stewart, Directrice générale, Women in Music Canada