GRACES : Quand déesses rencontrent la prophète du corps libre

© Giovanni Chiarot - Zeroidee

Bien que les arts de la scène nous permettent de partager le talent, les idées et les visions des artistes, le vrai pouvoir de l’art n’est pas toujours visible sur la scène et il ne s’entend pas nécessairement dans les dialogues. Son pouvoir secret est de provoquer des réflexions. La chorégraphe italienne, Silvia Gribaudi, l’a compris. Ses pièces permettent d’ouvrir la discussion, bousculer des idées bien ancrées et ce, dans le bonheur. Avec son spectacle Graces, celle que l’on surnomme la Prophète du corps libre, aborde des sujets délicats tels que la perfection du corps et le poids de notre regard sur les autres. Nous avons eu la chance de poser quelques questions à Silvia alors qu’elle se préparait pour sa toute première visite au Centre national des Arts. Elle nous explique sa vision du courage, les surprises que lui a réservé la création de Graces et son souhait le plus cher pour la suite.

CNA : Vous avez mentionné dans une entrevue que vous pouviez emprunter deux voies en tant que chorégraphe : rester ancré à vos idées ou avoir le courage de laisser émerger l’inattendu. Vous souvenez-vous d’un moment de votre carrière où vous vous êtes sentie déchirée entre ces deux voies et où vous avez dû choisir ? Et quelle a été l’issue de ce choix difficile ?

SILVIA : « Rester ancré à ses idées ou avoir le courage de laisser émerger l’inattendu » est une citation de Pina Bausch que j’ai lue dans « Il teatro di Pina Bausch », elle l’a dit en parlant de son processus créatif. Depuis mon plus jeune âge, Pina Bausch a été pour moi une référence en matière d’art, un guide, même si je n’ai jamais eu l’occasion de la rencontrer en personne.

À un certain moment de ma carrière, j’ai dû abandonner l’idée que j’avais du concept de perfection et trouver le courage d’expérimenter et d’être ce que je désirais vraiment. Avoir le courage d’être audacieuse à l’aide d’un langage chorégraphique qui reflétait mes valeurs, et ce, au-delà de toutes conventions.

Interprète et chorégraphe, j’offre mon corps à la scène pour donner voix à des parties souvent cachées ! Je parle des parties grasses du corps, des muscles qui ne sont pas fermes et peuvent être socialement honteux, mais dans Graces, et encore plus en 2009 avec A corpo libero, ils deviennent les protagonistes de la beauté et de la vitalité de son corps.

CNA : Au cours de votre processus de création, est-ce que le spectacle Graces a pris vie ? Est-ce que sa création vous a mené dans une direction que vous ne vous attendiez pas ?

SILVIA : Graces est une surprise constante ! Les premières grandes surprises offertes par Graces furent les émotions provoquées. Je ne m'attendais pas à pouvoir donner autant de joie au public avec cette performance.

Et puis, qui s'attendait à ce que nous parvenions à faire voyager cette joie jusqu’au Canada ? Et vers plusieurs pays européens ! En effet, la vie est pleine de merveilleuses surprises !

CNA : En tant que chorégraphe, votre forme d'art propose une idée au public qui peut susciter des conversations. Graces, par exemple, aborde le thème des corps de toutes formes et de toutes tailles, un sujet brûlant en ce moment avec les réseaux sociaux saturés d'images retouchées et filtrées. Quel est le message que vous aimeriez que le public retienne après le spectacle, et comment voudriez-vous qu'il porte ce message ? Quel serait votre plus grand souhait pour l'héritage de Graces ?

SILVIA : J'aimerais que mon travail soit un outil qui encourage à s'arrêter et réfléchir sur l’impact de notre regard sur le corps des autres.

Le jugement peut détruire et empêcher l’émergence du potentiel de l’autre; dans mes œuvres, j'essaie de déstructurer notre regard critique posé sur les autres.

Nous devons l'accepter et le transformer.

Avec Graces, comme pour le reste de mon travail, je souhaite toucher le côté intuitif et ludique des gens, transmettre une énergie vitale qui peut inspirer les autres, tout en respectant leurs talents et capacités. Je souhaite que Graces conduise au développement d'idées chez l’autre, et ce, peu importe le domaine d’où il provient.

J’aimerais que le public reparte inspiré et que cette énergie lui donne des idées pour mieux vivre son quotidien, avec plus d'ouverture envers les « corps » qu'ils côtoient !


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