Compte à rebours du Sacre du printemps – 4e de 5 parties

Radicalement anti-ballet Vaslav Nijinsky passera à l'histoire comme le premier chorégraphe moderniste et un des plus grands danseurs du XXe siècle. Alors qu'il est dans la vingtaine, il crée une série de ballets qui, selon un article de Joan Acocella dans The New Yorker : « … remettaient en question la danse académique, tout comme Picasso, à peu près à la même époque, remettait en question la peinture. » Avec Le Sacre du printemps, sa troisième chorégraphie, il va même encore plus loin. « Les spectateurs assistèrent sur scène aux rites printaniers d'une tribu slave primitive demandant à ses dieux de faire renaître la terre – les prières du peuple finissent par être exaucées, au prix d'un sacrifice humain. À la fin du ballet, une jeune fille danse jusqu'à la mort. La chorégraphie était radicalement contraire à toutes les règles du ballet. Les danseurs étaient voûtés, recroquevillés sur eux-mêmes. Ils frémissaient; ils piétinaient. Selon les termes de Bronislava, la sœur de Nijinski, ils avaient une allure quasiment bestiale. »

Vision barbare Ismene Brown (theartsdesk.com) écrit : « Nijinski voulait créer une vision barbare libérée de l'esthétique civilisée, montrant une foule païenne exécutant des mouvements frénétiques, les pieds pointés en dedans, sans aucun lien reconnaissable avec le ballet ou même avec la danse folklorique. »

Lisez l'article complet d'Ismene Brown sur l'impact qu'a eu Le Sacre sur le monde de la danse : http://www.theartsdesk.com/dance/still-shocking-rite-spring-100-years (En anglais seulement).

Danse sacrale La séquence de la Danse sacrale est réputée particulièrement saisissante. « Marquant chaque note et chaque phrase de cette musique ahurissante, explique Tom Service, “ l'élue” est emportée par un tourbillon rythmique inexorable auquel il n'existe qu'une seule issue : la terrible dissonance qui met fin à l'œuvre et le dernier accord qui la tue. »

Regardez Beatriz Rodriguez danser le rôle de l'élue dans la reconstitution de la chorégraphie originale de Nijinski par le Joffrey Ballet, en 1987: https://www.youtube.com/watch?v=C_7ndqgwxcM.

Monteux imperturbable Nijinski, debout dans les coulisses, criait les indications aux danseurs qui n'entendaient plus l'orchestre en raison du chahut qui régnait dans la salle. Le chef d'orchestre Pierre Monteux se souvient que les spectateurs « prenaient ce qu'ils avaient sous la main pour bombarder l'orchestre de toutes sortes de projectiles ». Stravinsky était vraiment impressionné de voir que Monteux était resté « aussi imperturbable qu’un crocodile » pendant toute cette épreuve.

Participation de l’auditoire Les comptes-rendus de cette soirée sont aussi nombreux que les causes possibles du scandale. Le chahut a probablement donné lieu à de la violence, des altercations, des insultes et – selon certaines sources – à des coups. Dans un livre couronné de prix, publié en 1989 et intitulé Le Sacre du printemps. La Grande Guerre et la naissance de la modernité, Modris Eksteins affirme que la débâcle était peut-être moins liée à la musique et à la chorégraphie qu'à l'auditoire lui-même : « Où nous mène toute cette confusion? N'avons-nous pas suffisamment de preuves pour penser que le chahut fut causé plutôt par des factions opposées de l'auditoire, leurs attentes, leurs préjugés, leurs idées préconçues sur l'art, plutôt que par l'œuvre elle-même? Certes, l'œuvre exploitait les tensions, mais elle ne les provoquait pas vraiment. Les descriptions historiques et les comptes-rendus des critiques se préoccupent plus du scandale que de la musique et du ballet, de l'événement plutôt que de l'art… Les spectateurs qui étaient présents ce soir-là ont tous participé […] à la naissance de l'art moderne. »

Visionnez un extrait du film Coco Chanel et Igor Stravinsky décrivant la réaction de l’auditoire à la première du Sacre du printemps à l'adresse : http://www.youtube.com/watch?v=As64A0vo7MM> (En français seulement).

Contexte social Paul-John Ramos (classicalmusic.net) écrit : « Les auditoires ont peut-être été surpris par la passion et la violence débridées du Sacre, mais c'était tout à fait dans le ton de l'époque : l'Europe était aux prises avec une flambée de nationalismes qui allaient la conduire tout droit à la Première Guerre mondiale; le continent était affligé par une dépression à grande échelle; et, dans toute cette turbulence, l'intelligentsia remettait vivement en question les valeurs fondamentales de la société occidentale. Lorsqu'on replace Le Sacre dans le contexte social où il a vu le jour, on comprend mieux la fureur et l'angoisse que véhicule la musique de Stravinski. »

Pour en savoir plus sur le point de vue de Ramos au sujet de la célèbre partition de Stravinski : http://www.classical.net/music/comp.lst/works/stravinsky/lesacre90.php (En anglais seulement).

 


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