Brigitte Haentjens parle de son tout dernier ouvrage

© Mathieu Rivard

Brigitte Haentjens, Directrice artistique, Théâtre français du CNA

Q. Vous venez de publier un livre sur votre démarche artistique intitulé « Un regard qui te fracasse » Le titre évoque une certaine violence. Qu’est-ce que cela signifie?

R. Il s’agit du regard du public sur l’œuvre théâtrale… comment le regard des autres sur l’œuvre crée une sorte de fracas intérieur. La notion de fracas revient assez souvent dans le processus créatif. Il y a beaucoup de choses qui sont « violentes », pas dans le sens de l’agressivité, mais dans le sens de l’intensité.

Dans le travail artistique, on met en jeu un mélange de force et de fragilité – les deux – parce qu’il faut une audace suprême pour oser prendre la parole puis il faut être extrêmement ouvert et vulnérable pour que la sensibilité soit au maximum.

Q. Vous écrivez que « …la mise en scène me semble plus proche de la méditation, de l’écoute, que d’une quelconque maîtrise. » Que voulez vous dire?

R. On a toujours l’impression que le metteur en scène a une vision préétablie qu’il impose à ses concepteurs, ses interprètes. On imagine le metteur en scène qui donne des ordres.

Q. Ce n’est pas le cas?  

R. Il s’agit davantage de quelqu’un qui doit être prêt à ce qui surgit. Tout le travail préparatoire du metteur en scène permet que les choses puissent arriver. C’est un état que j’appelle méditatif mais qui est loin d’être passif. C’est un regard actif. Tout ton travail te prépare à être ouvert, à voir les choses surgir. Si tu n’es pas prêt, c’est un peu n’importe quoi… tu peux te faire imposer des choses. Être ouvert et reconnaître des choses qui appartiennent à l’œuvre demande beaucoup de préparation et d’écoute.

Q. Vous écrivez aussi que chaque création engendre une sorte de dépression, « comme si on se débarrassait d’un besoin qui nous aurait envahi et empoisonné. »

R. C’est un besoin irrépressible qui envahit complètement l’artiste. Et quand il a été assouvi il le laisse complètement vide. La création revêt les formes d’une d’obsession.

Q. Une autre citation du livre : « Mettre en scène, c’est soulever un grand corps mort et enfoui, le dresser à la verticale pour qu’il se mette en marche. »  Vous semblez décrire le monstre de Frankenstein.
R. (Rire) C’est vrai! Souvent on ne sait pas ce qui se lève ni qui va se mettre en marche.

Q. Et on craint que le monstre n’achève son créateur.

R. La plupart du temps, c’est ce qu’il fait! 

Q. Une de vos mises en scène cette saison – Richard III de William Shakespeare,  traduit par Jean-Marc Dalpé et interprété par Sébastien Ricard – mettra en vedette un monstre terrifiant, le duc de Gloucester. Comment l’imaginez-vous ce monstre?

R. Richard III, le duc de Gloucester est un personnage absolument fascinant. Il est monstrueux – c’est un psychopathe – quelqu’un qui n’a aucune empathie pour l’autre et qui déteste l’humain. Ce qui est remarquable, c’est cette ascension pour obtenir la Couronne. Après, dès le moment où il l’obtient, il commence sa descente aux enfers. Il veut le pouvoir mais pas pour en faire quelque chose. Il n’a pas de projet. Il veut gagner pour dominer et anéantir.

Q. Vous êtes en plein processus de création pour Richard III. Comment ça se passe?

R. Nous sommes dans le travail de conception, la définition de l’espace. C’est la période où tu es le plus angoissé. Tu n’es pas dans l’action et tu n’es pas dans la salle de répétition. Il n’y a rien qui bouge. C’est la phase terrifiante de la création!

Q. Vous avez récemment révélé en entrevue que Le parrain est l’un de vos films favoris. C’est vrai?

R. Oui. C’est une œuvre extraordinaire.

Q. Est-ce qu’on va voir Le parrain au Théâtre français la saison prochaine?

R. En fait Richard III, c’est le parrain!


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