≈ 60 minutes · Sans entracte
Dernière mise à jour: 20 septembre 2023
L’année 2016 a été mauvaise pour moi. Je venais de sortir d’une dépression et j’envisageais de quitter l’industrie de l’opéra et le chant. Je me débattais depuis pas mal de temps pour prendre ma place dans l’industrie. Je m’efforçais de m’intégrer, de correspondre à ce que l’industrie considérait comme digne d’être engagé et d’atteindre au succès. Mais chaque fois que j’essayais de projeter cette image – cette persona – j’avais l’impression de perdre une partie de moi-même en cours de route. Je ne savais plus comment faire face, et encore moins comment survivre en tant qu’interprète queer et métisse, ce que j’étais et je suis. Je mettais littéralement un masque tous les jours et je ne savais pas qui j’allais trouver en dessous lorsque je rentrais chez moi le soir. J’ai pris conscience qu’il était temps de me poser des questions difficiles : Pourquoi donnais-je autant de pouvoir à un travail qui m’obligeait à changer la nature et le tissu même de mon identité? Et qu’est-ce que ça disait de moi, le fait que je tolérais les croyances archaïques de cette industrie? Je ne savais pas grand-chose, alors, mais je savais que je ne pouvais pas simplement laisser l’opéra derrière moi et m’en aller. L’opéra était et reste ma force vitale et mon don le plus précieux. J’allais devoir œuvrer au changement de l’intérieur. Je devais également revenir aux origines et redécouvrir pourquoi j’avais éprouvé un si grand amour pour cette vocation au départ. C’est alors que j’ai renoué avec la Reine de la nuit.
Au cours de ma carrière, j’ai interprété la Reine de la nuit dans quatorze présentations différentes de La Flûte enchantée, chacune considérant le célèbre personnage comme une femme maléfique et déchue, et un obstacle qu’il fallait éliminer pour que les deux jeunes amoureux connaissent une fin heureuse. La création de ma propre version du personnage de la Reine de la nuit, qui a servi d’inspiration à The Queen In Me début 2017, est devenue mon espace sécuritaire et mon terrain de jeu, tandis que la Reine elle-même s’est révélée pour moi une source de réconfort, une avocate et une incitation à déstabiliser le monde qui m’entoure. Elle m’a donné la plateforme dont j’avais besoin pour dire et chanter ma vérité, et en continuant à développer cette pièce solo, j’ai commencé non seulement à affirmer que c’en était assez, mais aussi à chanter d’une manière et à travers des œuvres que je n’avais jamais rêvées possibles.
La route a été longue. Nous devions créer cette œuvre en septembre 2020, mais la COVID-19 avait d’autres projets. Néanmoins, je me réjouis de ce que la première ait été retardée jusqu’en juin 2022. Si cette période cruciale m’a fait perdre beaucoup de choses, elle m’a aussi donné le temps de devenir moi-même, la vraie personne que j’avais retenue pendant toutes ces années dans l’industrie de l’opéra – une personne trans non binaire qui, durant cette période, s’est révélée à moi-même, à l’être aimé, à ma famille, à mes proches, dans ma vie personnelle et professionnelle. Grâce à leur soutien, j’ai pu dire au monde : « C’est moi. » Le parcours reste sinueux. Une grande partie de mon identité est liée à ma voix, une voix aiguë de soprano, caractérisée comme féminine à l’oreille, ce qui se répercute dans le monde extérieur en laissant croire que le reste de ma personne est également féminin. Et ce n’est pas grave. Pas toujours. Mais pour moi, ce n’est pas moi, car je suis en train d’apprendre et de désapprendre de mes expériences passées. Ma voix est une partie belle et aimable de qui je suis. Et ma voix peut aussi être trans, tout comme mon corps, mon esprit et mon cœur, avec ou sans interventions médicales. Je ne regrette pas une seconde d’avoir été assignée femme à la naissance et d’avoir été socialisée comme une fille et une jeune femme. Mes expériences de la féminité font de moi la personne que je suis aujourd’hui, me rendent entière – trans et en constante évolution – et me permettent de rêver et de vivre mon genre et mon ethnicité non seulement à travers un personnage féminin et féroce comme la Reine, mais aussi au-delà, à la fois sur scène et en dehors de la scène.
Travailler avec Andrea Donaldson dans son double rôle de conseillère dramaturgique et de metteure en scène, cofonder Amplified Opera avec Aria Umezawa, Asitha Tennekoon et Marion Newman, et construire ma communauté bien-aimée de collègues, m’a permis d’aller plus loin sur le plan artistique et d’honorer pleinement mon moi, alors que je poursuis ces parcours de guérison et d’apprentissage avec compassion et douceur. Ce que le masque de la Reine de la nuit m’offre à présent est bien plus que ce que j’aurais pu imaginer au départ. Elle est une célébration de mon moi passé, de la liberté et de la joie débridée que j’ai toujours voulu ressentir en tant que jeune interprète vivant dans la peur et devant taire son identité. Elle est ma championne et m’aide à redéfinir ce qu’être soprano veut dire dans l’industrie de l’opéra. Et elle est ma compagne et ma confidente alors que je continue à m’aventurer dans cette carrière qui consiste à faire de l’art, à créer un espace et à célébrer ma communauté. Aujourd’hui, je peux enfin dire que les pronoms non binaires et ma voix font définitivement partie de moi, accueillant les constants bouleversements de ma propre perception de ce qu’est et peut être le genre, et de ce que signifie être soprano.
Teiya Kasahara 笠原 貞野 (iel/ielle)
mai 2022
Andy Warhol avait compris le pouvoir et les pièges de la répétition d’une image : « Plus vous regardez la même chose, disait-il, plus vous vous sentez bien et plus vous vous sentez vide. » Il faisait allusion à la nature de la culture pop – observant que la compréhension culturelle est cimentée par la répétition, et notant l’attachement émotionnel que nous avons envers les histoires et les images qui nous sont familières. La nuance de l’art de Warhol réside dans la façon dont il met en évidence la tension entre le caractère emblématique que revêt une image à mesure qu’elle est vue, et l’évacuation du sens de l’image qui en découle par le fait même.
La Reine de la nuit est un personnage emblématique qui chante un air mythique répété depuis des siècles. Elle est grandiloquente, charismatique et, ce soir, elle en a « ras-le-bol ». Elle adore l’opéra et son public, mais elle a atteint ses limites : elle ne supporte plus de perpétuer le racisme, la misogynie et les divers abus sur scène et en dehors, pour elle-même et les autres personnages de femmes déchues. Ce soir, elle interrompt donc l’opéra.
Cette version de la Reine de la nuit est née de l’expérience de l’interprète soprano colorature Teiya Kasahara 笠原 貞野s en tant que personne queer trans non-binaire multiraciale qui a passé des années à essayer de s’adapter aux rôles rigides que son type de voix exigeait. Son identité et sa passion pour l’opéra se sont douloureusement confrontées, ce qui a motivé la création de cette pièce. En créant cette œuvre, Teiya a renoncé à son anonymat, se dressant ainsi devant toute une industrie. L’une des tensions au cœur de The Queen in Me est que la Reine (The Queen) – et en fait Teiya, qui l’a créée – aime la musique même qui l’empêche de s’exprimer de manière authentique et complète.
Les lanceurs d’alerte sont dangereux et vitaux. La COC a eu le courage d’inviter dans son espace une personne qui bouscule les codes culturels (ainsi que son entourage d’organisations partenaires) – des éléments perturbateurs qui s’élèvent contre les systèmes et les traditions de l’opéra, montrant la voie vers une nouvelle ère qui soulève la question de ce que nous pourrions gagner en jetant un regard encore plus critique sur les œuvres que nous consommons. En ces temps de décolonisation, de vérité et de réconciliation, la culture coloniale subit une douloureuse perte d’innocence. En affrontant les vérités et en comprenant comment le monde qui nous entoure influe sur nous, nous pouvons remettre en question les histoires qui nous réconfortent mais qui, en fin de compte, nous laissent vides.
Si Warhol a raison et que la répétition nous fait sentir bien et vides à la fois, alors nous pouvons présumer que la rupture avec la répétition nous met mal à l’aise et nous remplit. Ce qui rend The Queen In Me si essentiel, c’est la façon dont Teiya Kasahara démontre qu’en résistant à l’inertie qui nous contraint à raconter toujours les mêmes histoires de la même façon, et en nous mettant au défi de chercher un nouveau sens, nous pouvons retirer du processus un sentiment de fierté et la force de vivre pleinement notre moi profond.
Nous espérons que vous apprécierez le spectacle!
Andrea Donaldson et Aria Umezawa
Cometteures en scène
Le Théâtre anglais du CNA est heureux de présenter cette coproduction du Theatre Gargantua, de l’Amplified Opera, de la Compagnie d’opéra canadienne, et du Nightwood Theatre.
À l’approche du point culminant de l’un des plus célèbres airs du monde, la Reine de la nuit brise brusquement le quatrième mur pour parler haut et fort contre les restrictions monochromatiques qui maintiennent l’opéra ancré dans des normes archaïques. Mariant comédie, drame et opéra, ce spectacle vibrant de l’artiste interdisciplinaire Teiya Kasahara 笠原貞野 (iel) donne une voix à la Reine de la nuit, en explorant à quel point les conventions rigides concernant la race, le genre et la sexualité à l’opéra empêchent l’une des plus grandes formes d’art d’atteindre son potentiel kaléidoscopique.
La Bohème, Madama Butterfly, Manon Lescaut, and Turandot (de Puccini); Lucia di Lammermoor (de Donizetti); Macbeth et Rigoletto (de Verdi); Salome (de R. Strauss); Esclarmonde (de Massenet); et The Magic Flute (de Mozart)
Chanté en italien, français et allemand
Teiya Kasahara 笠原 貞野 (iel/ielle) – création/interprète
Interprète d’opéra et talent créateur de la scène théâtrale, l’artiste queer, trans et non binaire d’origine nippo-canadienne Teiya Kasahara 笠原貞野 vit à Tkarón:to, Territoire du Traité no 13. Teiya a récemment participé au court-métrage documentaire Opera Trans*formed de la CBC. Salué·e comme « artiste qui a des choses extraordinaires à dire » (The Globe and Mail), Teiya a passé plus de quinze ans à chanter des rôles d’opéra traditionnels et contemporains en Amérique du Nord et en Europe. L’interprète a récemment gagné la scène aux côtés de la Compagnie d’opéra canadienne (Pomegranate) et de l’Orchestre symphonique de Kingston (soprano soliste dans la Neuvième de Beethoven). Dans sa pratique, Teiya explore les intersections de l’identité à travers ses œuvres originales, notamment The Queen In Me (création mondiale en 2022), en nomination pour cinq prix Dora, et The Butterfly Project (Toronto Summer Music Festival 2023). En plus d’avoir cofondé le collectif Amplified Opera, Teiya est associé·e artistique de Confluence Concerts et collabore depuis longtemps avec le re:Naissance Opera. Cette saison, l’artiste se produira avec Beverly Glenn-Copeland, Jeremy Dutcher et la compagnie ChamberQueer à New York, et chantera la partie de soprano solo dans le Requiem de Verdi avec le Toronto Mendelssohn Choir. Pour plus de détails, consultez le site www.teiyakasahara.com (en anglais seulement).
Andrea Donaldson (elle/iel) – comise en scène
PRODUCTIONS RÉCENTES : The Queen In Me (Compagnie d’opéra canadienne/Amplified Opera/Nightwood Theatre/Theatre Gargantua), Théâtre de la Compagnie d’opéra canadienne, Greenwin Theatre, Festival international des arts de Belfast; Every Day She Rose, Grace, Lo (ou Dear Mr. Wells), Quiver (Nightwood Theatre); Betrayal (Soulpepper Theatre Company); Beautiful Man (Factory Theatre); A Beautiful View (Festival Players); Sequence, Soliciting Temptation, Within the Glass (Tarragon Theatre); Romeo & Juliet (Shakespeare in the Ruff); Mistatim (Red Sky Performance); Montparnasse (Theatre Passe Muraille). À VENIR : Mad Madge (Nightwood Theatre). AUTRES FAITS SAILLANTS : Directrice artistique du Nightwood Theatre de Toronto.
Aria Umezawa (elle) – comise en scène
Avec son style excentrique et irrévérencieux, le travail d’Aria Umezawa étonne et enchante, remettant en question les traditions établies de longue date de l’opéra et de la musique classique. Metteure en scène, productrice et écrivaine, elle est cofondatrice du collectif Amplified Opera, compagnie d’opéra indépendante et équitable, et elle a œuvré comme « perturbatrice en résidence » à la Compagnie d’opéra canadienne. Elle a été la directrice artistique d’Opera 5 de 2012 à 2017. Parmi ses engagements récents et à venir, mentionnons The Raven de Toshio Hosokawa avec Opera Philadelphia, A Midsummer Night’s Dream avec le Vancouver Opera, Madama Butterfly avec le New Orleans Opera, et une nouvelle production de L’incoronazione di Poppea à l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Montréal. Championne des pratiques sûres et équitables dans l’industrie de l’opéra et des arts de la scène, elle est très demandée comme présentatrice et éducatrice. En 2018, elle a mis au point l’atelier Safe to Run : Bystander Intervention Training for the Rehearsal Room avec Opera McGill et le San Francisco Opera Center, et l’a animé dans plusieurs compagnies d’opéra à travers l’Amérique du Nord.
Création et interprétation
Teiya Kasahara 笠原貞野
Mise en scène
Andrea Donaldson et Aria Umezawa
Aux côtés du pianiste David Eliakis
Décors et costumes
Joanna Yu
Êclairages
André du Toit
Projections
Laura Warren
Régie
Troy Taylor
Chef du Studio
Stephane Boyer
Assistant chef du studio
Leigh Utley Assistant
Chef projectionniste
David Milliard
Directeur production
Spike Lyne
Directeur technique
Brian Britton
Chef des costumes
Linda Dufresne
Technicien
George Hack
L’Alliance internationale des employés de la scène. La section locale 471 représente les techniciens de scène et les habilleuses.
Le Centre national des Arts est membre de l’Association professionnelle des théâtres canadiens et engage, en vertu de l’Accord sur le théâtre canadien, des artistes professionnels qui sont membres de la Canadian Actors' Equity Association.
Directeur administratif
David Abel
Directrice artistique
Nina Lee Aquino
Responsable des relations communautaires
Rose-Ingrid Benjamin
Coordonnatrice de l’apprentissage
Aimee Bouchard
Interprète-conseil en ASL
Carmelle Cachero
Stratège marketing
Bar Clement
Stratège communication
Sean Fitzpatrick
Productrice principale
Alexandra Lunney
Agente supérieure du Marketing
Bridget Mooney
Productrice associée, Projets artistiques et événements spéciaux
Judi Pearl
Chargée de compagnie
Samira Rose
Coordonnatrice administrative
Monika Seiler
Alliance internationale des employés de scène et de théâtre