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Dernière mise à jour: 15 mai 2023
Il y a de ces projets, de ces créations, de ces textes qui parlent entre les lignes, que l’on devine après coup comme étant infiniment personnels malgré leurs fables qui tendent au public des miroirs de nos sociétés et qui révèlent leur sens profond seulement après réflexion et comparaisons. Le partage n’est pas un de ceux-là, je pense. J’ai voulu me faire violence, ne pas me laisser de chance, ne pas me faire plaisir, pour découvrir quels diables j’abritais et apprendre à leur pardonner. Cette histoire n’est pas tout à fait la mienne, mais pas tout à fait inventée, non plus.
Le partage se veut un marqueur, un point de non-retour, un garde-fou de moi-même, une chanson que je me fredonne pour me rappeler tout ce que j’ai collecté comme prières et murmures au fil de mon parcours. Pour ne pas oublier. Pour ne pas glisser. Pour ne pas retomber.
Si j’ai tenté d’être empathique envers moi-même dans ce récit tendre et cruel, j’y suis parvenu seulement grâce à l’accompagnement de complices qui ont agi en amis, en parents, en confidents, en guides et ont mis tout leur talent magnifique au service de ma parole. Et pour cela, je leur suis reconnaissant.
Merci d’être avec moi. Comme disait l’un de mes maîtres à penser : Il n’y a rien de plus beau que d’être ensemble.
« Tout le monde pense connaître l’acteur. Oui, on l’a vu à la télé, au théâtre ou dans un film. Mais ce que tout le monde pense reconnaître, ce n’est pas lui. Plutôt un bricolage de morceaux de personnages qu’il a joués et qui peut-être coexistent en lui, loin à l’intérieur, sous la peau, la chair, les os, comme des poissons tropicaux empilés dans un aquarium sans eau et dont on perçoit les reflets dans une vitrine embuée, a-t-il pensé.
Peut-être que tout commence avec le film, l’acteur se dit. Le dernier qu’il a tourné et pour lequel il a enfin gagné un prix, obtenu la reconnaissance tant espérée. Ce film de vampire et d’apocalypse qu’il renie, car il raconte la soif de sang, les forces sombres qui brassent en lui ses besoins d’ordre et de chaos. Peut-être qu’il a confié son récit au mauvais cinéaste, ce jeune prodige qui l’a séduit par l’appât du gain, car le film n’est en rien ce qui lui avait été promis. Dans son histoire, l’acteur n’a jamais comparé sa mère à une dragonne aux vastes ailes qui crache du feu quand on s’approche de son fils, ni son père à un brontosaure au long cou dans lequel se blottir quand il est triste. Mais peut-être que le film révèle des choses sur lui qu’il ne pourra jamais s’avouer parce qu’elles seraient trop convenues, communes, humaines. Et qu’il le sent, qu’il devient de moins en moins humain. »
- Emmanuel Schwartz, Le partage (extrait)
Extrait d’un article paru dans Le Devoir (29 avril 2023)
par Marie Labrecque
Depuis le triplé Chroniques en 2009, Emmanuel Schwartz aura livré ses textes assez parcimonieusement. Le geste d’écriture ne relève pourtant pas d’une impulsion ponctuelle pour l’interprète très sollicité, mais plutôt d’une « lame de fond ». « Dans tous mes temps libres, qui n’ont pas été légion ces dernières années, je m’y consacre. C’est dur de dire si c’est un métier, un hobby, une passion… C’est quelque chose qui m’a toujours habité. »
[…] Dans Chroniques et Nathan, c’était orienté autour de personnages d’auteurs. Avec la trilogie Essais, dont Le partage est le deuxième volet, c’est l’identité créatrice au sens plus large : qu’est-ce que ça implique de choisir ce métier-là aujourd’hui, où ça nous place socialement ? Est-ce qu’il y a des responsabilités qui vont avec ça ou, au contraire, s’agit-il d’une permission d’être en marge ? »
Pour Le partage, dont il est à la fois l’auteur, le metteur en scène et le seul interprète, l’artiste travaille sur ce thème depuis quatre ans. « Et je pense avoir créé un environnement, une équipe qui m’a permis de sculpter un peu plus la dramaturgie et l’esthétique du spectacle. »
Reflet
Amorcée avec L’exhibition (2017), sa démarche « essayistique » poursuit un questionnement sur l’acte artistique. Un comédien écrivant sur un comédien. « Maintenant, je ne dis même pas que c’est de l’autofiction ; je dis que c’est de l’egofiction, dit Schwartz en souriant. Il y a une tonalité extrêmement narcissique dans cette quête. Et si on va un peu plus loin, au degré symbolique, c’est quelqu’un qui se mire dans son propre reflet et qui cherche à se comprendre.
Dans le cas du personnage du Partage, il cherche à se défaire de ce reflet qui n’est même pas lui et qui a été généré par un film qui ne lui ressemble pas. Il essaie d’éplucher les couches de ce reflet pour se retrouver et être un peu plus près de son identité première. »
Le solo créé à La Chapelle raconte donc une fiction où on retrouve des parts de Schwartz. L’auteur désire y offrir « des pistes de réflexion sur où j’en suis, et peut-être où on en est collectivement face à notre rapport au théâtre, au cinéma, au jeu. Notre rapport à ces avatars multiples qui coexistent avec nous ». Acteur en crise, vedette d’un film de vampires apocalyptique, le protagoniste est « une espèce de Narcisse obnubilé par son propre double », qu’il fuit mais voit partout.
Nous vous invitons à lire l’intégralité de cet article en cliquant ici.
Le spectacle a été créé le 1er mai 2023 à La Chapelle Scènes Contemporaines, à Montréal.
Julien Morissette s’est entretenu avec Emmanuel Schwartz après avoir assisté à une représentation du Partage. Nous vous invitons à écouter ce balado qui retrace les étapes de création du spectacle.
Extrait d’une critique parue sur le site de la revue de théâtre Jeu (4 mai 2023)
par Louise Vigeant
Emmanuel Schwartz nous entraîne dans une aventure multicouche où il incarne tout à la fois un acteur qui vient de recevoir un prix pour son interprétation dans un film de vampires (qu’il avoue ne pas aimer), le réalisateur de ce film (un petit « prodige »), le personnage dans le film que ce réalisateur prétend inspiré de l’acteur en question (ce que l’acteur n’admet pas), et plus encore. De mise en abyme en mise en abyme, on suit l’acteur dans sa reconquête de soi. Car le soir même de cette remise de prix, voici qu’il a recommencé à consommer. Pourquoi cet auto-sabotage ? […]
Le paraître et l’être
On osera l’adjectif ontologique pour décrire la démarche. N’est-on pas, en effet, ici, devant une quête « en rapport avec l’être par opposition au paraître » ? Cette autofiction est devenue essentielle pour celui qui a choisi un métier où ces deux notions sont toujours sur la corde raide.
L’acteur advient devant l’autre, le public lui est essentiel, car il n’existe que dans son regard, mais il est aussi celui qui retourne ce regard, qui interpelle le public, l’entraîne avec sensibilité dans une conquête de sens par le biais de la création.
En cela, Le partage n‘est pas que le récit d’une destruction, avec ce que cela comporte de perte de repères, et d’une reconstruction dans l’espoir de trouver un certain ordre dans le chaos, c’est aussi une réaffirmation dans le pouvoir du théâtre, comme lieu de rencontre.
« Penser, c’est chercher des clairières dans une forêt. »
J. Renard
La Clairière crée, produit et diffuse les spectacles d’avant-garde de son directeur artistique, son directeur technique et sa directrice administrative – Emmanuel Schwartz, Émile Lafortune et Margarita Herrera Dominguez, tous créateurs –, pour donner corps à la vision d’une famille d’artistes d’origines et de générations différentes qui s’appuient et rêvent ensemble d’un art théâtral pensé pour les salles traditionnelles et les lieux non théâtraux.
Interprète intense et polymorphe, Emmanuel Schwartz passe avec aisance du jeu, à l’écriture, à la mise en scène. Il est soutenu depuis plus d’une décennie par des institutions comme le Théâtre français du CNA, le Festival TransAmériques, La Chapelle Scènes Contemporaines et le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. L’artiste y a présenté, entre autres, ses créations Chroniques, Nathan et L’exhibition.
Il participe aux démarches de grands créateurs tels que Wajdi Mouawad, Denis Marleau, Dave Saint-Pierre, Mani Soleymanlou et la célèbre Needcompany de Jan Lauwers, en plus de faire sa marque au cinéma dans les réalisations de Xavier Dolan (Laurence Anyways), Denis Villeneuve (Next Floor), François Girard (Hochelaga, terre des âmes – prix du meilleur acteur de soutien aux Iris 2018) et plusieurs autres.
Il est sacré meilleur acteur dans une websérie aux Gémeaux 2020 et dans plusieurs festivals à travers le monde pour son rôle de l’écrivain public dans la série du même nom. En 2016, il est mis en nomination par l’Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT) pour son interprétation de Lucky dans En attendant Godot, mis en scène par François Girard au Théâtre du Nouveau Monde, prix qu’il remporte l’année suivante pour le Tartuffe mis en scène par Denis Marleau. En février 2022, on le voit sur les planches du Théâtre Prospéro, formant un duo électrisant avec la grande Céline Bonnier dans Quand nous nous serons suffisamment torturés, mis en scène par Christian Lapointe. À l’automne 2022, il retrouve son complice artistique Mani Soleymanlou dans la nouvelle mouture d’Un. Deux. Trois., réunissant sur scène une trentaine d’interprètes francophones de partout au Canada.
Il enseigne également à l’UQAM et à l’École de théâtre professionnel du Collège Lionel-Groulx, où il a créé Projet Pigeons, son premier long métrage réalisé dans un contexte pandémique avec la classe finissante et des complices artistes du milieu professionnel.
De 2005 à 2012, il codirige, avec Wajdi Mouawad, la compagnie AbéCarréCéCarré. En 2019, il fonde La Clairière, compagnie de création. En 2022, il est porte-parole de la 40e édition des Rendez-vous Québec Cinéma.
Texte, interprétation et mise en scène
Emmanuel Schwartz
Collaboration à la mise en scène et dramaturgie
Alice Ronfard
Conseiller à l’écriture
Daniel Canty
Scénographie
Camille Barrantes
Lumière
Étienne Boucher
Costumes
Marie-Audrey Jacques
Création vidéo
Transversal
Espace vidéo et mapping
VYV studio, Xavier Bégin-Leblanc, Laurent Schmitz et Nicolas Pfeiffer
Conception sonore
François Thibault
Composition
Cédric Dind-Lavoie
Assistance à la mise en scène et régie
Émile Lafortune
Direction technique
Jurjen Barel
Direction de production
Margarita Herrera Dominguez
Production
La Clairière, compagnie de création
Coproduction
La Chapelle Scènes Contemporaines et Théâtre français du CNA
Avec le soutien du
Conseil des arts du Canada, Conseil des arts et des lettres du Québec, Conseil des arts de Montréal
Alliance internationale des employés de scène et de théâtre