I. Allegro moderato
II. Andante con moto
Une aura de mystère a longtemps entouré les origines et l’histoire de la symphonie « inachevée » en si mineur du compositeur viennois Franz Schubert (1797-1828). En 1822, Schubert avait achevé et entièrement orchestré les deux premiers mouvements. Il avait également écrit, en partition complète, les deux premières pages d’un scherzo, peut-être le troisième mouvement; leur existence suggère qu’il avait prévu une symphonie en quatre mouvements, mais il n’a finalement pas poursuivi le projet. En 1823, pour remercier la Société musicale de Graz de lui avoir décerné un diplôme honorifique, Schubert envoie à son ami Anselm Hüttenbrenner, membre éminent de la Société, les parties achevées de sa dernière partition orchestrale. Pour des raisons qui restent mystérieuses, Hüttenbrenner les garda cachées jusqu’en 1860, date à laquelle il les révéla au chef d’orchestre Johann von Herbeck. Abasourdi par cette découverte, Herbeck finit par créer les deux mouvements achevés de l’œuvre à Vienne, le 17 décembre 1865, 37 ans après la mort du compositeur. Ses efforts ont contribué à faire connaître Schubert sur la scène internationale, des exécutions de la symphonie « inachevée » ayant eu lieu peu après en Allemagne, en Angleterre, en France et en Amérique du Nord.
Bien que certains aient appuyé diverses tentatives de compléter l’œuvre, la Symphonie en si mineur est restée, dans sa forme en deux mouvements, l’un des chefs-d’œuvre orchestraux de Schubert. Il y fait éclore sa conception personnelle et subjective de la forme symphonique classique (telle qu’elle a été développée par Haydn, Mozart et Beethoven), poussant ainsi le genre vers de nouveaux sommets d’expression créative. Tout d’abord, le premier mouvement est en si mineur – une tonalité quasi absente jusqu’alors du répertoire symphonique. Schubert en exploite les possibilités harmoniques pour évoquer une impression inouïe de pathos, le premier des univers affectifs qu’il juxtapose dans le mouvement. L’allegro moderato commence par des phrases sombres, qui montent et descendent sur les violoncelles et les basses, après quoi les violons établissent et maintiennent une toile de fond énergique et nerveuse, tandis que le hautbois et la clarinette introduisent une mélodie empreinte de tristesse. Des accords accentués injectent soudainement de l’anxiété et un sentiment d’urgence, alors que la musique atteint un premier point culminant. Ensuite, les bassons et les cors amorcent un virage inattendu vers la tonalité lumineuse de sol majeur, avec une mélodie apaisante d’abord entonnée par les violoncelles sur un accompagnement syncopé. Cette mélodie est reprise par les violons, mais s’étiole bientôt pour marquer une pause; puis, comme sous le coup d’une soudaine affliction, les angoisses antérieures refont surface. Plus tard, l’apaisant second thème réapparaît, mais dès qu’il se résout, un puissant accord ramène immédiatement le matériau musical dans la tonalité de si mineur, et l’exposition est répétée.
À la troisième apparition de la sombre ouverture, on entre dans la section centrale du développement, où ce thème est transformé en des appels angoissés; on remarquera les contrastes extrêmes entre ces appels et les calmes énoncés de l’accompagnement syncopé de la mélodie jouée au violoncelle. Une exposition énergique du thème par le tutti orchestral déclenche un passage orageux, avec des cordes furieuses et des rythmes implacables. Peu à peu, la fureur s’apaise, ramenant à la reprise qui évite le sombre début et passe directement à la mélodie plaintive de la clarinette et du hautbois. La musique se poursuit comme précédemment, avec quelques variations. Alors qu’elle quitte la sphère de la mélodie consolatrice, le thème sombre qui avait été omis dans la reprise réapparaît et prend de l’ampleur jusqu’au point culminant final. Sa phrase d’ouverture est réitérée dans l’affliction, et quatre accords mettent un terme à ce mouvement symphonique des plus angoissés.
Le deuxième mouvement s’éloigne de l’angoisse du premier pour ouvrir la voie à une sérénité surnaturelle. Trois accords alternant aux cors et aux bassons sur une ligne de basse pincée descendante aboutissent à un thème d’une exquise tendresse, entonné par les violons dans la tonalité éthérée de mi majeur. Sa progression paisible s’interrompt brusquement pour laisser place à un passage énergique, avant de revenir tout aussi soudainement au calme. La section suivante présente une mélodie poignante, qui commence à la clarinette et se poursuit au hautbois, accompagnée par des violons et des altos doucement pulsés; les harmonies subtilement changeantes sont une marque de fabrique schubertienne. Bientôt, cependant, l’atmosphère délicate est déchirée par une explosion de l’orchestre entier, la mélodie obsédante de la clarinette formant à présent une puissante ligne de basse. Le thème est ensuite contemplé calmement par les violons et les violoncelles en contrepoint, pour finalement se dissoudre dans une seule phrase répétée, qui renoue avec l’atmosphère du début.
Les thèmes sont repris une fois de plus, mais avec des variations; par exemple, le deuxième thème commence au hautbois, auquel répond la clarinette, et au moment où l’orchestre s’enflamme, la mélodie apparaît dans les violons. Les bois et les cors ralentissent ensuite la musique. De ce calme émergent les violons, à deux reprises, avec des notes soutenues auxquelles les bois répondent par la première phrase de la tendre mélodie, effectuant un changement harmonique inattendu (vers la tonalité éloignée de la bémol) dans un premier temps, puis revenant au mi majeur, sur lequel le mouvement s’achève en douceur. En terminant dans cet univers sonore raréfié, on peut penser que Schubert s’est senti incapable d’ajouter quoi que ce soit à la symphonie. Jusqu’à un certain point, ce qu’il nous a laissé paraît complet en soi – les deux mouvements offrant un équilibre entre pathos lyrique et sérénité poignante qui frôle la perfection.
Note de programme par Hannah Chan-Hartley, Ph. D. (traduit de l’anglais)
L’Orchestre du Centre national des Arts (CNA) du Canada est reconnu pour la passion et la clarté de son jeu, ses programmes d’apprentissage et de médiation culturelle visionnaires et son soutien indéfectible à la créativité canadienne. Situé à Ottawa, la capitale nationale, il est devenu depuis sa fondation en 1969 l’un des ensembles les plus encensés et les plus dynamiques du pays. Sous la gouverne du directeur musical Alexander Shelley, l’Orchestre du CNA reflète le tissu social et les valeurs du Canada, nouant des liens avec des communautés de tout le pays grâce à sa programmation inclusive, ses récits puissants et ses partenariats innovants.
Alexander Shelley a façonné la vision artistique de l’Orchestre depuis qu’il en a pris les rênes en 2015, poursuivant sur la lancée de son prédécesseur, Pinchas Zukerman, qui a dirigé l’ensemble pendant 16 saisons. Le maestro Shelley jouit par ailleurs d’une belle renommée qui s’étend bien au-delà des murs du CNA, étant également premier chef d’orchestre associé de l’Orchestre philharmonique royal au Royaume-Uni ainsi que directeur artistique et musical d’Artis—Naples et de l’Orchestre philharmonique de Naples aux États-Unis. Au CNA, Alexander Shelley est épaulé dans son rôle de leader par le premier chef invité John Storgårds, un maestro et violoniste de renommée internationale qui a dirigé certains des plus grands ensembles du monde, et par le premier chef des concerts jeunesse Daniel Bartholomew-Poyser, connu pour ses programmes communautaires audacieux et mobilisateurs. En 2024, l’Orchestre a ouvert un nouveau chapitre avec la nomination d’Henry Kennedy au nouveau poste de chef d’orchestre en résidence.
Au fil des ans, l’Orchestre a noué de nombreux partenariats avec des artistes de renom comme James Ehnes, Angela Hewitt, Renée Fleming, Hilary Hahn, Jeremy Dutcher, Jan Lisiecki, Ray Chen et Yeol Eum Son, assoyant ainsi sa réputation d’incontournable pour les talents du monde entier. L’ensemble se distingue à l’échelle internationale par son approche accessible, inclusive et collaborative, misant sur le langage universel de la musique pour communiquer des émotions profondes et nous faire vivre des expériences communes qui nous rapprochent.
Depuis sa fondation en 1969, l’Orchestre du CNA fait la part belle aux tournées nationales et internationales. Il a joué dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada et a reçu de nombreuses invitations pour se produire à l’étranger. Avec ces tournées, l’ensemble braque les projecteurs sur les artistes et les compositeurs et compositrices du Canada, faisant retentir leur musique sur les scènes de l’Amérique du Nord, du Royaume-Uni, de l’Europe et de l’Asie.
L’Orchestre du CNA possède une riche discographie qui comprend notamment plus de 80 œuvres de commande, dont :
Par ses initiatives d’éducation et de médiation culturelle, l’Orchestre du CNA cherche à créer des programmes inclusifs et accessibles pour les publics de la région de la capitale nationale et de tout le Canada. Pour ce faire, il propose des spectacles pour toute la famille, le programme Cercle musical, dont les ateliers sont conçus pour les personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme, et des concerts adaptés aux sensibilités sensorielles. L’Orchestre propose en outre une programmation riche pour les élèves, les pédagogues et les publics curieux de tous les âges, dont des matinées scolaires, des répétitions publiques, des ateliers de musique et des ressources en ligne, veillant ainsi à ce que l’éducation artistique et le contact avec la musique demeurent une priorité pour les jeunes publics et pour toute la communauté. Enfin, le Programme de mentorat annuel de l’Orchestre rassemble 50 instrumentistes en début de carrière provenant des quatre coins du monde pour une expérience de perfectionnement de trois semaines aux côtés d’un orchestre de calibre mondial. Avec ces initiatives, l’Orchestre du CNA continue de créer des liens puissants avec divers publics, faisant de la musique une expérience commune et inclusive.
Décrit comme « un communicateur né, sur scène comme dans la vie » (The Telegraph), Alexander Shelley se produit sur six continents avec les plus grands ensembles et solistes de la planète.
Reconnu pour sa technique de direction « impeccable » (Yorkshire Post) et pour « la précision, la distinction et la beauté de sa gestique […] quelque chose que l’on n’a plus vraiment vu depuis Lorin Maazel » (Le Devoir), le maestro est aussi célébré pour la clarté et l’intégrité de ses interprétations et pour la créativité et l’audace de sa programmation. Il a à ce jour dirigé plus de 40 premières mondiales d’envergure, des cycles acclamés des symphonies de Beethoven, de Schumann et de Brahms, des opéras, des ballets et des productions multimédias novatrices.
Il est depuis 2015 directeur musical de l’Orchestre du Centre national des Arts du Canada et premier chef associé de l’Orchestre philharmonique royal de Londres. En avril 2023, il a été nommé directeur artistique et musical d’Artis—Naples en Floride, prenant ainsi les rênes artistiques de l’Orchestre philharmonique de Naples et de tous les volets de cette organisation multidisciplinaire. La saison 2024-2025 est sa première à ce poste. Alexander Shelley ajoute également à ses autres fonctions de chef d’orchestre une nomination au poste de directeur artistique et musical de l’Orchestre symphonique du Pacifique (dans le comté d’Orange, à Los Angeles). Il sera directeur musical désigné à compter de septembre 2025 avant d’entamer son premier mandat de cinq ans à la saison 2026-2027.
Alexander Shelley se produira également cette saison avec l’Orchestre symphonique de la Ville de Birmingham, l’Orchestre symphonique du Colorado, l’Orchestre philharmonique de Varsovie, l’Orchestre symphonique de Seattle, le Chicago Civic Orchestra et l’Orchestre symphonique national d’Irlande. Il est régulièrement invité par les plus grands orchestres d’Europe, d’Amérique, d’Asie et d’Australasie, dont l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, le Konzerthausorchester Berlin, l’Orchestre de la Suisse Romande, les orchestres philharmoniques d’Helsinki, de Hong Kong, du Luxembourg, de Malaisie, d’Oslo, de Rotterdam et de Stockholm et les orchestres symphoniques de Sao Paulo, de Houston, de Seattle, de Baltimore, d’Indianapolis, de Montréal, de Toronto, de Munich, de Singapour, de Melbourne, de Sydney et de Nouvelle-Zélande.
Alexander Shelley a succédé à Pinchas Zukerman à titre de directeur musical de l’Orchestre du Centre national des Arts du Canada en septembre 2015, devenant le plus jeune chef à occuper ce poste dans l’histoire de l’ensemble. Ce dernier a depuis été qualifié de « transformé », « passionné », « ambitieux » et « déchaîné » (Ottawa Citizen) et classé parmi les plus audacieux en Amérique du Nord pour sa programmation (Maclean’s). Le maestro a mené ses troupes dans des tournées d’envergure au Canada, en Europe et au Carnegie Hall, où il a dirigé la première de la Symphonie no. 13 de Philip Glass.
À la tête de l’Orchestre du CNA, Alexander Shelley a commandé des œuvres révolutionnaires, dont Réflexions sur la vie et RENCONTR3S, et fait paraître plusieurs albums finalistes aux prix Juno. En réaction à la pandémie et aux questions de justice sociale qui dominent notre époque, il a lancé les séries vidéo L’OCNA en direct et INCONDITIONNEL.
En août 2017 se concluait le mandat du maestro Shelley à la direction de l’Orchestre symphonique de Nuremberg, période décrite comme un âge d’or par la critique et le public.
Sur la scène lyrique, Alexander Shelley a dirigé La veuve joyeuse et le Roméo et Juliette de Gounod (Opéral royal danois), La bohème (Opera Lyra / Centre national des Arts), Louis Riel (Compagnie d’opéra canadienne / Centre national des Arts), Iolanta (Deutsche Kammerphilharmonie de Brême), Così fan tutte (Opéra Orchestre National Montpellier), Les noces de Figaro (Opera North), Tosca (Innsbruck) ainsi que Les noces de Figaro et Don Giovanni en version semi-scénique au CNA.
Lauréat du prix ECHO et du Deutsche Grunderpreis, le chef s’est vu décerner en avril 2023 la Croix fédérale du Mérite par le président allemand Frank-Walter Steinmeier en reconnaissance de ses services à la musique et à la culture.
À titre de fondateur et directeur artistique de la Schumann Camerata et de sa série avant-gardiste 440Hz à Düsseldorf et de directeur artistique du projet Zukunftslabor de la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême, ainsi que par ses nombreuses tournées à la tête de l’Orchestre national des jeunes d’Allemagne, il cherche constamment à inspirer les futures générations d’instrumentistes et d’adeptes de musique classique.
Alexander Shelley fait régulièrement des présentations instructives et passionnées sur ses programmes avant et après les concerts. Il participe aussi à de nombreuses entrevues et produit des balados sur le rôle de la musique classique dans la société. Seulement à Nuremberg, il a accueilli en neuf ans plus d’un demi-million de personnes aux concerts annuels du Klassik Open Air, le plus grand événement de musique classique d’Europe.
Né à Londres en octobre 1979 et fils de célèbres pianistes concertistes, Alexander Shelley a étudié le violoncelle et la direction d’orchestre en Allemagne. Il s’est d’abord signalé en remportant à l’unanimité le premier prix au Concours de direction d’orchestre de Leeds en 2005. La critique l’a décrit comme « le jeune chef d’orchestre le plus passionnant et le plus doué à avoir récolté ce prix hautement prestigieux ».
Le poste de directeur musical bénéficie du soutien d’Elinor Gill Ratcliffe, C.M., O.N.L., LL.D. (hc).
Florence B. Price (1887–1953)
Florence Price était une compositrice, pianiste, organiste et pédagogue américaine. Elle a produit un catalogue de plus de 300 pièces, dont des œuvres pour orchestre, pour différentes combinaisons d’ensembles de chambre, pour chœur, pour voix et piano, pour orgue, et pour piano seul. Ses compositions mêlent souvent les traditions musicales américano-européennes avec des éléments tirés de son héritage afro-américain, dont des mélodies qui font écho à celles de spirituals.
De son vivant, Price est devenue la première femme afro-américaine à être reconnue comme compositrice de musique symphonique. Toutefois, en dépit de ses succès d’estime, elle a peiné à faire exécuter régulièrement ses œuvres, et elle ne cachait pas le fait qu’être une femme et une Noire constituaient des obstacles majeurs. Une grande partie de son catalogue est plus ou moins tombée dans l’oubli après sa mort, mais depuis quelques années, de nouvelles recherches sur sa vie et son œuvre et un regain d’intérêt pour ses compositions dans la programmation des concerts ont commencé à éclairer sous un jour nouveau ses apports à la musique américaine.
Florence Price (née Smith) est née à Little Rock, dans l’Arkansas, le 9 avril 1887, dans une période où la suprématie blanche avait été rétablie dans les États du Sud. Sa mère fut sa première professeure de musique et cultiva son talent avec soin. Price poursuivit par la suite des études de composition au New England Conservatory de Boston, l’une des rares institutions qui acceptaient des Afro-américains à l’époque. Après avoir obtenu ses diplômes en orgue et en piano, elle retourna dans le Sud pour enseigner et composer. En 1928, pour échapper à la discrimination raciale croissante qui sévissait à Little Rock, Price et sa famille ont déménagé à Chicago. C’est dans la ville des vents que sa créativité s’est épanouie : elle a décroché des prix et des contrats d’édition pour ses pièces pour piano, écrit des chansons populaires pour les radios commerciales, et arrangé des spirituals en vue de concerts. En 1931, elle a commencé à écrire des symphonies. Sa Symphonie en mi mineur a remporté le prix de la fondation Wanamaker en 1932, et elle a subséquemment été exécutée par l’Orchestre symphonique de Chicago, sous la direction de Frederick Stock, devenant ainsi la première œuvre d’une compositrice noire jouée par un orchestre américain de premier plan.
Le succès de sa Symphonie en mi mineur a consolidé la renommée de Price, et ses œuvres pour orchestre ont par la suite été jouées par des ensembles comme l’Orchestre symphonique de Chicago, l’Orchestre symphonique de Detroit, l’American Symphony Orchestra, et l’Orchestre symphonique de Pittsburgh. Des chanteuses aussi célèbres que Marion Anderson et Leontyne Price ont interprété ses mélodies, et ses pièces pour orgue et pour piano, instruments qu’elle enseignait également, ont été jouées régulièrement. Price est demeurée active comme compositrice et enseignante jusqu’à sa mort, à Chicago, le 9 juin 1953.
Rédigée par Hannah Chan-Hartley, Ph. D.
Franz Schubert (1797–1828)
Au cours de son existence terriblement brève, le compositeur autrichien Franz Peter Schubert a été d’une fécondité peu commune, et son apport s’est révélé particulièrement marquant dans les domaines de la musique vocale (surtout le lied allemand), de la musique pour piano, de la musique de chambre et de la musique pour orchestre. Pour sa musique instrumentale plus précisément, il a pris appui sur les techniques mises au point par Haydn, Mozart et, plus tard, Beethoven, tout en les façonnant de manière à véhiculer des expressions émotionnelles d’une profondeur inédite. Son style de composition si particulier se distingue notamment par les changements inattendus de tonalité, les juxtapositions harmoniques novatrices, les structures formelles relâchées et l’ampleur lyrique des mélodies.
Né à Vienne le 31 janvier 1797, Schubert reçoit ses premières leçons de piano, de violon, de chant et d’orgue dans son enfance. Ses dons pour la composition sont déjà manifestes dans les premières de ses œuvres qui soient parvenues jusqu’à nous – dont des quatuors à cordes et sa première symphonie – écrites à treize ans. Conscient, toutefois, de la précarité d’une carrière de compositeur indépendant, il obtient son brevet d’enseignant et décroche un poste à l’école de son père. Malgré les exigences de ce travail à temps plein, il continue de composer à un rythme vertigineux : dès 1816, alors qu’il n’a pas encore vingt ans, il a déjà écrit plus de 300 lieder, cinq symphonies, quatre singspiele (un type d’opéra-comique allemand), sept quatuors à cordes, et de nombreuses pièces de moindre ampleur. Toutefois, la reconnaissance du public consécutive à l’exécution et à l’édition de ses œuvres devra attendre après 1817.
Dès 1822, Schubert prend son envol comme compositeur professionnel. Son extraordinaire production, accomplie grâce à un horaire de travail exigeant, n’a d’égale que l’intensité avec laquelle il s’adonne à une vie sociale hédoniste et probablement libertine. Au début de 1823 apparaissent les premiers symptômes de la syphilis, dont les manifestations physiques l’amèneront à toujours plus de réclusion. Son œuvre musicale n’en souffrira pas, cependant, et au cours des quatre années suivantes, qui seront les dernières de sa vie, il compose plusieurs de ses principaux chefs-d’œuvre, dont le Quatuor à cordes en ré mineur (« La jeune fille et la mort »), la Neuvième symphonie (« La Grande »), la Sonate pour piano en ré majeur, et le cycle de lieder Die Winterreise. Schubert meurt à Vienne le 19 novembre 1828. La majeure partie de son vaste catalogue de compositions n’apparaîtra au grand jour qu’après sa mort.
Lien(s) vers le portrait du compositeur :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Franz_Schubert_by_Wilhelm_August_Rieder_1875.jpg
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Schub-CC.jpg
Igor Stravinsky (1882–1971)
Le compositeur russe Igor Stravinsky est l’une des figures marquantes de la musique du XXe siècle, et son œuvre compte encore parmi les plus jouées de nos jours. Son catalogue embrasse, entre autres, le ballet et l’opéra, les pièces pour orchestre, les mélodies, les œuvres chorales, et les compositions pour formations de chambre et instruments seuls. Dans l’ensemble, l’œuvre de Stravinsky présente une grande diversité de styles, témoignant de son intérêt pour un certain nombre d’évolutions musicales majeures de la période, qu’il a absorbées : du nationalisme russe haut en couleur de ses premiers ballets, il passe successivement à un style agressivement avant-gardiste pendant la Première Guerre mondiale, puis à un néoclassicisme épuré entre les années 1920 et 1950, jusqu’au dodécaphonisme sériel de ses dernières compositions.
Stravinsky naît le 17 juin 1882 à Oranienbaum (aujourd’hui Lomonosov), près de Saint-Pétersbourg. Troisième fils de Feodor, l’un des barytons-basse les plus en vue de Russie, le jeune Igor grandit entouré de musiciens et de compositeurs qui fréquentent l’appartement de ses parents, où il a aussi accès à la vaste collection de partitions musicales de son père. Il fait son entrée à l’Université de Saint-Pétersbourg comme étudiant en droit, bien qu’il aspire plutôt à étudier la musique. Il y viendra à son rythme, prenant d’abord des leçons auprès d’élèves de Rimski-Korsakov, puis du maître lui-même. En 1910, Stravinsky est catapulté vers la gloire avec la création, à l’Opéra de Paris, de son ballet L’oiseau de feu, qui marque la première de ses nombreuses collaborations avec l’impresario Serge Diaghilev et ses Ballets Russes. Petrouchka suivra en 1911 et, en 1913, Le sacre du printemps – une partition saisissante, agressive et dissonante, qui deviendra l’une des œuvres phares du modernisme musical du début du XXe siècle.
Après avoir fait l’essai de plusieurs techniques d’avant-garde, Stravinsky amorce une longue période au cours de laquelle il composera dans un style « néoclassique ». Dans ces compositions, il insuffle un nouvel élan à des formes et des procédés du XVIIIe siècle, en y intégrant ses propres méthodes d’écriture harmonique et rythmique. Cette mutation artistique coïncide avec son départ de sa Russie natale pour la France en 1920, et se poursuivra quand il immigrera aux États-Unis en 1941. Vers la fin des années 1950, Stravinsky se tourne vers la technique du sérialisme, qui formera la base de ses dernières compositions. Au fil de ces décennies, il ne perd pas de vue les concerts, se produisant comme pianiste et chef d’orchestre dans ses propres œuvres. Stravinsky s’éteint à New York le 6 avril 1971. Il est enterré dans l’île-cimetière de San Michele, à Venise, tout près de la tombe de Serge Diaghilev.
Lien(s) vers le portrait du compositeur :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Igor_Stravinsky_LOC_32392u.jpg
https://loc.getarchive.net/media/igor-stravinsky
Alliance internationale des employés de scène et de théâtre