2020-07-27 12:30 2020-07-27 14:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Alexander Shelley : Atelier de direction d'orchestre

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Assistez à une classe de maître de direction d’orchestre avec le Directeur musical du CNA Alexander Shelley EN DIRECT ! Ce lundi 27 juillet à 12h30 (HAE), Alexander Shelley mènera une discussion approfondie au sujet de Schéhérazade de Rimsky-Korsakov avec les trois boursiers de direction orchestrale du Denis Wick Canadian Wind Orchestra de MusicFest Canada. Cet évènement sera diffusé en direct sur la page Facebook...

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lun 27 juillet 2020
Diffusion en direct

Répertoire

Nikolaï RIMSKI-KORSAKOV

Shéhérazade, op. 35

I. Largo e maestoso – Allegro non troppo (La mer et le bateau de Sindbad)
II. Lento – Andantino – Allegro molto – Vivace scherzando – Allegro molto ed animato (Le prince Kalender)
III. Andantino quasi allegretto (Le jeune prince et la princesse)
IV. Allegro molto – Vivo – Allegro non troppo maestoso – Tempo come I (La fête à Bagdad; La mer; Naufrage du bateau sur un rocher; Conclusion)

Le compositeur russe Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) est mondialement connu, de nos jours, principalement pour trois de ses œuvres orchestrales : le Capriccio espagnol, l’Ouverture de La Grande Pâque russe, et Shéhérazade. Toutes écrites entre 1887 et 1888, elles illustrent une orientation artistique prise à la fin du XIXe siècle, en réaction à l’influence des compositeurs d’Europe occidentale sur la musique russe. En 1860, Rimski-Korsakov s’est joint à un cercle de compositeurs essentiellement amateurs (il menait parallèlement une carrière d’officier de marine) appelé la Moguchaia kucha (le « puissant petit groupe », aussi connu sous le nom de Groupe des Cinq), qui cherchait à créer une musique distinctement « russe ». Ces compositeurs se faisaient un devoir d’intégrer dans leurs œuvres des idiomes folkloriques russes, y compris les mélodies traditionnelles, les harmonies et les thèmes de l’art populaire, ainsi que divers aspects de l’orientalisme. Ils ont également adopté le concept de musique à programme – des compositions basées sur des sujets et des récits extramusicaux – de préférence à l’approche formaliste utilisant des structures et des techniques austro-allemandes.

Shéhérazade, écrite en 1888, est une suite symphonique basée sur plusieurs récits tirés et adaptés des Mille et une nuits, un recueil de contes « de l’Orient » traduits et publiés par Antoine Galland au début du XVIIIe siècle. Bien qu’il se soit inspiré de ces contes pour composer sa suite, Rimski-Korsakov a d’abord donné aux mouvements des titres abstraits; ce n’est que plus tard qu’il les a définis explicitement, sur les conseils d’autres personnes, mais ces nouveaux titres sont restés inédits dans la partition. Comme il l’a expliqué :

Ma répugnance à rechercher un programme trop défini dans ma composition m’a conduit par la suite (dans la nouvelle édition) à supprimer même les allusions à ce programme qui figuraient dans les titres de chaque mouvement, comme « La mer », « Le bateau de Sindbad », « Le prince Kalender » et autres. En composant Shéhérazade, j’ai voulu que ces allusions n’orientent que subtilement l’imagination du public sur le chemin que ma propre fantaisie avait parcouru, et qu’elles laissent des conceptions plus minutieuses et plus particulières à la volonté et à l’humeur de chacun.

Rimski-Korsakov ait noté qu’il fallait « emporter l’impression qu’il s’agit indubitablement d’un récit oriental composé de féeries nombreuses et variées ». Shéhérazade est une splendide vitrine pour les interprètes de l’orchestre, dont beaucoup se voient confier de somptueux solos qui donnent vie à ce royaume fantastique.

La forme et la structure de Shéhérazade de Rimski-Korsakov épousent des méthodes orientales, ainsi que l’a souligné le musicologue Nasser Al-Taee, « où la forme cyclique, la répétition et le symbolisme jouent un rôle important dans l’établissement des différentes strates du récit ». La couche extérieure est celle du drame de Shéhérazade et de son époux, le sultan Schahriar. L’histoire raconte que depuis qu’il a découvert que sa première femme lui était infidèle, Schahriar a adopté la pratique macabre de coucher avec des vierges et de les assassiner le lendemain matin, pensant que cela le protégerait de toute nouvelle infidélité. Dans l’espoir de le détourner de cette horrible habitude et de prolonger sa propre vie, sa nouvelle épouse, Shéhérazade, cherche à l’apaiser grâce à son talent de conteuse, en le régalant et en le séduisant avec des récits imaginaires. En guise d’introduction, au début de la pièce, on peut entendre deux thèmes contrastés qui représentent respectivement les personnages du sultan Schahriar et de Shéhérazade : tout d’abord, un thème austère entonné avec force à l’unisson par les clarinettes, les bassons, les trombones et le tuba; ensuite, un passage délicat et de caractère improvisé pour violon solo, accompagné par la harpe. On peut entendre le retour de ces thèmes tout au long de la pièce alors que Shéhérazade répond aux exigences de son mari en brodant différents récits, lesquels forment la couche interne de l’œuvre.

Après l’introduction, Shéhérazade, reprenant le thème du sultan, commence à raconter l’histoire de Sindbad, un marin qui s’embarque dans une série d’aventures. Sur des arpèges qui évoquent le gonflement des vagues de la mer, le thème subit de nombreuses variations, comme si chacune d’elles était le récit d’une autre des escapades de Sindbad. À mi-parcours, Shéhérazade perturbe la progression du récit par une variation en filigrane de sa mélodie, qui déclenche alors une magnifique floraison de sonorités et de volumes orchestraux. Après avoir atteint un point culminant, le climat s’apaise, et le violoncelle solo médite sur des fragments du thème du sultan, désormais plus interrogatif et curieux que menaçant. Shéhérazade répond avec sa mélodie en filigrane, déclenchant une montée vers un nouveau sommet. Soudain, le calme revient et le thème du sultan, apparemment apaisé, passe de la flûte à la clarinette et aux cordes, après quoi le mouvement s’achève paisiblement. 

Shéhérazade raconte ensuite l’histoire d’un prince qui, pour trouver la sagesse, se déguise en Qalandar (derviche soufi) errant, un épisode évoqué par une mélodie plaintive pour basson solo sur un bourdon de contrebasse. Le hautbois, les cordes et les vents reprennent la mélodie tour à tour, en augmentant chaque fois progressivement le tempo dans le style caractéristique de la danse tourbillonnante des soufis. La danse s’apaise... puis, un déchaînement surgit des profondeurs; des fanfares féroces, une variante du thème du sultan, retentissent dans les cuivres, tandis que les cordes frémissent, comme terrifiées. Une cadence de clarinette solo interrompt la mélodie de danse tourbillonnante, mais les fanfares sultanesques reprennent, et la musique devient une marche étrange et grotesque. Après que le basson solo a repris la cadence de la clarinette, la mélodie se transforme en une danse vigoureuse exécutée par les cordes. Plus tard, des glissandos de harpe provoquent un brusque changement d’atmosphère vers un autre monde, la flûte solo, le cor, le violon et le cor en sourdine jouant des fragments nostalgiques de l’air de danse. Une dernière réminiscence du violoncelle solo active un crescendo orchestral qui s’accélère jusqu’à la fin.

Le troisième mouvement évoque l’histoire d’amour du jeune prince et de la princesse. Les violons entonnent d’abord une mélodie candide, évoquant peut-être la princesse qui exprime de tendres sentiments à l’égard de son amant, auxquels le prince répond par une affection réciproque (le chant est repris par les violoncelles). Entre les deux, des envolées rhapsodiques de la clarinette, puis de la flûte, ajoutent une touche « orientale » sensuelle aux riches sonorités orchestrales. Dans la section centrale, la mélodie devient une danse charmante, teintée des timbres musicaux de « l’Orient » – les sons scintillants et chatoyants du triangle, du tambourin et des cymbales. Après le retour des violons avec la mélodie principale, désormais richement embellie, Shéhérazade elle-même fait son entrée, avec un violon solo jouant son thème. Celui-ci est ensuite combiné au thème amoureux du mouvement, gagnant encore en volupté – peut-être rappelle-t-elle au sultan le moment où leur amour a pris naissance – avant de s’achever dans une chaleur heureuse.

Le motif de Schahriar revient, à présent furieux et véloce, au début du finale, nous arrachant à la rêverie précédente. Shéhérazade tente de l’apaiser, d’abord calmement, mais après un second accès de fureur, son thème est réaffirmé avec plus de force par des accords sur triple-cordes. Un épisode énergique s’ensuit, les flûtes introduisant une mélodie envoûtante, qui gagne en volume lorsque les violons se joignent à elles, puis les vents, pour finalement évoluer vers des fanfares rapides des cuivres. Bientôt, des éléments des autres mouvements et récits sont intégrés au mélange : le thème du prince Kalender, la danse enjouée du jeune prince et de la princesse (dont un fragment se transforme en appels de cuivres), et des motifs associés à Sindbad (une variation rythmique du thème du sultan). Finalement, la gaieté chaotique de la fête à Bagdad culmine dans un retour resplendissant du thème de « La mer » entonné par les trombones et le tuba, et dans le fracas du navire de Sindbad. Le drame s’apaise et Shéhérazade conclut le récit. Enfin, Schahriar est apaisé, avec son thème repris tout en douceur par les violoncelles et les contrebasses, après quoi le violon de Shéhérazade, s’élevant à des hauteurs éthérées, conclut sereinement la suite orchestrale.

Note de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais)

  • Directeur musical du CNA Alexander Shelley
  • Boursier de direction d'orchestre MusicFest Canada Richard Lee-Thai
  • Boursière de direction d'orchestre MusicFest Canada Sydney Chiu
  • Boursier de direction d'orchestre MusicFest Canada Luke Henderson