«Suspense en clair-obscur»
La campagne était leur échappatoire, mais lors d’une nuit poisseuse qui n’en finit plus, tout se fissure. Le vernis craque, le passé suinte et la vérité menace d’éclater avec l’aube. Reprenant la pièce fondatrice de sa compagnie, Jérémie Niel orchestre un suspense en clair-obscur, où les chuchotements amplifiés suscitent de troublants échos.
Fuyant un passé qu’eux-mêmes cernent mal, Corinne et Richard ont troqué l’agitation de la ville pour un décor plus champêtre, à l’ombre des aulnes. La présence troublante d’une jeune inconnue, Rebecca, dans leur foyer, au milieu de la nuit, menace toutefois de faire basculer leur fragile équilibre.
À l’étage de la grande maison, les enfants dorment. Dans la cuisine, les adultes discutent, tergiversent, se confrontent et supplient à voix basse. Dans la pénombre qui les enveloppe se trouvent un châle, des seringues, une sacoche, des souliers, une roche – autant d’indices du drame brumeux qui se joue. Ils simulent, s’accrochant maladivement à leur fiction, à nos vies étroites et friables, faisant la sourde oreille aux grondements du monde.
Au sein de la compagnie Pétrus, qu’il a fondée et qu’il dirige, Jérémie Niel poursuit une rigoureuse démarche d’exploration formelle qui s’adresse à la sensorialité du spectateur. Sculptant la pénombre et déployant, dans une temporalité dilatée, de saisissants paysages sonores transpercés de silence, il fait de chaque pièce un univers hypnotique, nimbé d’une douce étrangeté, qui sonde les zones d’ambiguïté et d’incertitude de la psyché humaine.