Lévriers
Jouer aux échecs
« Le succès c’est pas quelque chose que tu peux acheter dans un supermarché… »
Jacqueline, dans Lévriers
Queen de la danse, Roi du hip-hop, Prince des finances : les nobles de notre époque revêtent la couronne rutilante du succès à tout prix. Courageusement, les interprètes de Lévriers retournent le miroir du côté mat pour y observer leurs fêlures et rêves déçus, en mode témoignage et scène ouverte.
Sophie Gee signe ici une œuvre poignante qui fouille le dépotoir de nos échecs ordinaires pour en ressortir des perles d’humanité
En passant…
On parle du vent de fraîcheur qu’est Lévriers, juste ici, dans Le Devoir.
Crédits
Texte : Collectif, en collaboration avec Pénélope Bourque et Mercedeh Baroque / Mise en scène : Sophie Gee / Avec Sophie Gee, Jacqueline van de Geer, Corinne Crane, Steven Korolnek, Ghislain Shema Ndayisaba et Lucas Charlie Rose / Coproduction : Nervous Hunter et MAI (Montréal, arts interculturels)
Les trois ingrédients du théâtre
Imaginez si le texte, les costumes, le décor, le son, les éclairages et le jeu des acteurs étaient des morceaux épars devant vous, comme autant d’ingrédients. Ça ne tiendrait pas debout. Un ou une metteur.se en scène, c’est la personne qui travaille à faire sens, qui assemble, ajuste et relie.
Dans Lévriers, c’est particulier; on dirait que la pièce se crée sous nos yeux… Sophie Gee, la metteuse en scène et l’idéatrice du spectacle joue aux côtés des acteurs et des actrices. On a donc, en simultané, un aperçu du travail de mise en scène.
Sophie Gee nous raconte ici l’histoire de sa relation avec le théâtre.
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Comment le théâtre est entré dans ta vie et à quel moment as-tu choisi d'en faire ton métier?
Mes parents sont des immigrants qui font du col bleu et nous n’allions pas au théâtre, mais j’ai toujours apprécié quand les spectacles pour enfants visitaient ma classe au primaire. Au secondaire, j’étais dans un club où on voyait des spectacles ensemble et nous faisions des tours en coulisse avant chaque spectacle. Ça m’a introduit à la magie du théâtre. Et je me rappelle d’une production de Macbeth au Citadel Theatre à Edmonton où les comédiens incarnaient une tempête avec leur corps en synchronicité et c’est un souvenir fort pour moi.
Mais le théâtre est resté un passe-temps pendant que je grandissais. J’étais spectatrice. À cette époque, je voulais devenir écrivaine. À l’université, j’ai changé et j’ai étudié le cinéma, et après, j’ai travaillé dans ce domaine pendant longtemps. Mais j’ai continué à voir du théâtre et j’ai pris des cours. J’ai commencé à jouer et à faire des mises en scène. Finalement, j’ai décidé de retourner à l’école et heureusement j’ai été acceptée dans le programme de mise en scène à l’École nationale de théâtre!
Quels sont les trois ingrédients de ton théâtre idéal?
Oh les trois ingrédients pour le théâtre! J’adore cette question! Pour moi c’est :
Communauté
Rêve
Vulnérabilité (ou quelque chose qu'on ne veut pas montrer aux autres – de la vulnérabilité, de la laideur, quelque chose de honteux – ça veut dire, l’honnêteté peut-être)
« La chute n’est pas un échec. L’échec c’est de rester là où on est tombé. »
Socrate
Apprivoiser l’échec
L’échec fait peur. Il nous paralyse rien que d’y penser. Et pourtant, simple erreur ou ratage, il peut nous en apprendre beaucoup, nous surprendre, et même nous rendre plus créatives et créatifs.
Trois générations partagent leur perception sur le sujet. Pour sûr, elles s’entendent sur un point, l’échec, c’est une expérience!
Est-ce possible que quelqu’un ne vive jamais l’échec dans sa vie?
Qu’est-ce qu’on peut apprendre d’un échec?
« Jaloux? Moi? »
Jalousie (nom féminin) : Littér. Attachement vif et inquiet (pour ce qui tient à cœur). (CNRTL)
Pas si facile ni exaltant de parler de cette émotion. Repêchez dans vos souvenirs un moment où vous avez ressenti la jalousie en vous. Interrogez les membres de votre famille, vos ami(e)s et vous-même sur le sujet.
Pour aider votre interlocuteur, vous pouvez suivre ces pistes :
Quelle sorte de situation fait naître ce sentiment? As-tu un exemple?
De quelle manière la jalousie se manifeste en toi?
S’est-elle dissipée? Si oui, comment es-tu parvenu à traverser ce sentiment?
Amalgamez leurs témoignages en courts paragraphes, en notant, au-dessus de chacun, le nom et l’âge (mais ils peuvent, bien sûr, rester anonymes). Vous pouvez aussi y insérer votre souvenir, vos réflexions. Avec ce recueil en main, ce serait un bon point de départ pour une discussion en classe ou entre amis.
Psst! D’un témoignage peut fleurir un poème. Plusieurs artistes travaillent sur la base du témoignage pour créer une œuvre. Dans La patience du lichen, la poète québécoise Noémie Pomerleau-Cloutier recueille les histoires des habitants de la Côte-Nord – innus, francophones et anglophones – pour que leurs voix vivent en poème. Un aperçu de sa phase de recherche et création juste ici.
« Mais ça se peut pas, tout le monde est jaloux! »
—Sophie Gee, dans Lévriers
Pendant un jour, prenez en photo des moments de votre quotidien sur le vif, sans nécessairement arranger la scène. Vous pouvez choisir des éléments de votre routine, vos imprévus, vos surprises.
Ensuite, apposez une courte légende descriptive à certaines photos, alors que d’autres peuvent rester silencieuses.
Avec le matériel récolté, vous pourriez en faire une affiche avec mots et photos. Ou bien, opter pour l’option numérique en créant l’album de votre journée. Dans tous les cas, ce serait un super ajout à votre journal personnel, ou tout simplement, un fragment de vie en souvenir.
« Échecs et victoires, c’que dans mon miroir »
—Koriass
Parcours à obstacles
Les performeurs et performeuses de Lévriers s’ouvrent sur le lot d’obstacles qu’ils ont traversés. Ils se racontent leurs histoires, se remémorent et partagent. Certaines épreuves sont invisibles, comme la guerre que Lucas, transgenre, mène au quotidien. D’autres, comme Ghislain et Jaqueline, ont quitté ce qu’ils connaissaient pour un monde à réinventer.
En cas de bourrasques – parce que nos vies ont toutes leur part d’obstacles – on peut toujours se donner un coup de main.
« La peur de l’échec est plus grande que l’envie de réussir »
Angèle
Enregistrez un conseil en message vocal, comme une bouteille à la mer que vous pourrez récupérer dans le futur.
Quels sont vos astuces préférées, celles qui vous aident à traverser les tempêtes?
Y a-t-il des actions, des mots, qui vous remettent sur pied?
P.-S. À garder précieusement dans vos archives, pour vous, ou même pour l’un de vos proches.
Le succès dans vos mots
Et si on désamorçait la définition pointue et sérieuse qu’on donne parfois au succès? Comme Rihanna ou Jacqueline, qui écrit dans sa lettre, « j’ai du succès dans le sens que je suis bien avec moi-même et que je te pardonne pour tout », inventez votre définition personnelle.
Tutoriel bonne mine
1. Sur un bout de papier, débutez avec ces quelques mots : « J’ai du succès parce que … », ou encore « Succès (n.m.) : … »
2. Votre touche personnelle : la définition que vous créez peut être tirée d’une anecdote, d’un évènement plus intime, d’un accomplissement qui fait sourire, peu importe sa fréquence et sa portée.
3. Et puis après... Qu'est-ce qu’on en fait? Une manifestation dans la cour de votre école, où les mots de chacun jaillissent. Ou bien un grand collage sur les murs de la classe, une fresque du succès réinventé.
« Fort heureusement, chaque réussite est l’échec d’autre chose. »
Jacques Prévert
Insatiables?
Étanchez votre curiosité et poursuivez l’exploration selon vos envies :
Ressources additionnelles
- Entretien avec Sophie Gee
- Nathaniel Drew, A Different Way To Look At Failure (en anglais seulement)
- MAMMOUTH LE BALADO – La performance : Balado_performance
Liste de lecture
- Le pouvoir de l’échec, Arnaud Granata, La Presse, 2016
- Repenser l’échec et la réussite scolaire, Jean-Sébastien Morvan, ESF Éditeur, 2015 (essai, ressource pour enseignants)
« Le succès est souvent atteint par ceux qui ne savent pas que l’échec est inévitable »
—Coco Chanel