Le pouvoir de nos contes : Le Théâtre autochtone du CNA fête ses cinq ans

Kevin Loring (à gauche) et Lori Marchand photographiés sur un fond neutre.
Kevin Loring et Lori Marchand © Rémi Thériault
Else Charlem Danielsen (à droite) tend la main vers Gisle Lars Henriet, déguisé en ours polaire, dans The Breathing Hole.
Gisle Lars Henriet (marionnettiste) et Else Charlem Danielsen © Fred Cattroll
Michelle Thrush se produit seule sur scène dans Inner Elder, entourée de cordes et de pierres. Elle saupoudre une substance poudreuse sur le sol, formant un motif.
Michelle Thrush, Inner Elder © Curtis Perry
Craig Lauzon (à gauche) et Shekhar Paleja jouent dans Little Red Warrior and His Lawyer. Lauzon, vêtu d’une chemise rouge, d’une chemise en flanelle à carreaux et d’un gilet en denim déchiré, lève la main avec une grimace. Paleja, en costume sombre et lunettes, semble choqué, levant la main en signe de défense.
Craig Lauzon et Shekhar Paleja, Little Red Warrior and His Lawyer © Curtis Perry
L’auteur Joshua Whitehead (à gauche) et la modératrice Amy Ede sont assis sur scène en pleine conversation. Whitehead, portant un bandeau coloré et un maillot de sport, gesticule en parlant dans un microphone. Ede, habillée d’une veste, d’un jean et de bottes, écoute attentivement.
Joshua Whitehead et Amy Ede © Curtis Perry
Kevin Loring (à gauche) et Lori Marchand photographiés au Centre national des Arts.
Kevin Loring and Lori Marchand © Rémi Thériault

Lorsque le CNA ouvre ses portes, en 1969, la toute première production théâtrale à l’affiche est The Ecstasy of Rita Joe de George Ryga, un drame contemporain dénonçant avec virulence la violence systémique qui condamne les peuples autochtones à une vie de pauvreté sociale et spirituelle, les privant de leur dignité, de leurs traditions et de leurs langues. Le milieu théâtral et la société canadienne tout entière sont profondément marqués par cette pièce qui éveille les consciences aux défis rencontrés par les communautés autochtones et promeut une meilleure compréhension et la réconciliation.

En 2009, Peter Hinton remet à l’affiche cette pièce phare pour souligner le 40e anniversaire du CNA. Pour cette nouvelle mouture, le directeur artistique du Théâtre anglais du CNA fait appel à la metteuse en scène autochtone Yvette Nolan, et tous les rôles autochtones sont confiés à des interprètes autochtones. Trois ans plus tard, il met en scène une production entièrement autochtone de King Lear de Shakespeare avec, notamment, August Schellenberg, Tantoo Cardinal, Monique Mojica, Lorne Cardinal, Craig Lauzon et Kevin Loring.

C’est en 2014, dans un contexte de prise de conscience politique et de promotion des efforts de réconciliation au Canada, que les premières conversions entourant la création d’un théâtre autochtone sont entamées avec des artistes de la communauté. Deux ans plus tard, le CNA annonce officiellement la création d’un département de Théâtre autochtone.

Interrogé sur ce moment historique qui marque un tournant pour le milieu des arts de la scène autochtones, l’acteur et metteur en scène Michael Greyeyes déclare voir en ce théâtre « un lieu où les prochaines grandes œuvres pourraient voir le jour ».

En 2017, le dramaturge, comédien et metteur en scène de la Première Nation Nlaka’pamux, Kevin Loring, devient le tout premier directeur artistique du nouveau département de Théâtre autochtone.

« J’aurais aimé que ce jour arrive plus tôt. En fait, j’aurais aimé qu’un département de théâtre autochtone fasse partie intégrante de cette institution, dès sa création en 1969. Mais il n’est pas trop tard, et aujourd’hui nous accomplissons l’une de nos plus grandes réalisations en 48 ans d’existence », déclare Peter Herrndorf, alors chef de la direction du CNA.

Kevin Loring renchérit en ajoutant que « nos histoires, d’un bout à l’autre du pays, sont les chants originels de ce territoire. Le Théâtre autochtone du CNA donne maintenant à nos récits un foyer permanent, un lieu où ils pourront fleurir et s’épanouir ».

Au début de 2018, Mairi Brascoupé, Lindsay Lachance et Lori Marchand joignent les rangs du Théâtre autochtone. Ensemble, cette petite équipe dévouée –qui grossira au fil des mois – s’attelle à la programmation et au lancement de la saison inaugurale en 2019.

La mission : développer, soutenir et diffuser les histoires autochtones à l’échelle locale, nationale et internationale; braquer les feux sur les gardiens et gardiennes de nos histoires; et contribuer à la résilience, au maintien et au renouveau des cultures autochtones multiples et diverses du pays.

La vision : Le pouvoir de nos contes. Les contes transforment, ils incarnent la loi, les langues, la création, les protocoles, l’histoire et les avenirs à préserver. Ils sont le reflet des réalités culturelles et des expériences vécues. Raconter, c’est réécrire les histoires et célébrer les communautés.

Le coup d’envoi de la saison inaugurale du Théâtre autochtone est donné par Mòshkamo, un festival sur plusieurs jours célébrant les arts et les cultures autochtones, qui est le fruit d’une collaboration entre tous les départements du CNA. Les festivités débutent par une procession de canots menée par des pagayeuses et pagayeurs algonquins le long du canal Rideau. Pour cette première saison, le Théâtre autochtone mise sur la diversité des voix autochtones avec notamment The Unnatural and Accidental Women, une œuvre forte de Marie Clements sur la crise des femmes autochtones disparues et assassinées; Finding Wolastoq Voice, qui livre le récit d’une jeune femme wolastoq réveillée par les voix de ses ancêtres; et la pièce Where the Blood Mixes/Là où le sang se mêle de Kevin Loring sur les traumatismes des pensionnats autochtones.

Au programme des saisons suivantes figurent Okinum d’Émilie Monnet, Trace de Sandra Laronde (Red Sky), The Mush Hole de Santee Smith, et Tomson Highway: Kisaageeian, une soirée festive pour les 70 ans de l’artiste. En 2022, le Théâtre autochtone met à l’affiche The Breathing Hole, une pièce présentée en nattilingmiutut. Véritable témoignage de la résilience culturelle, la pièce voit le jour grâce à des efforts de consultation et de collaboration continus. Également au programme, Little Red Warrior and His Lawyer, une pièce qui évolue au fil des représentations et des tournées. Spectacles à guichets fermés, matinées scolaires et activités de médiation ponctuent avec succès ces cinq premières saisons du Théâtre autochtone.

Sous l’impulsion de Mairi Brascoupé et Kerry Corbiere, le Théâtre autochtone du CNA propose, en marge de sa programmation saisonnière, des activités communautaires comme des ateliers de perlage et de dessin de danseurs et danseuses de pow-wow, ou encore un populaire marché des artisanes autochtones.

Le Théâtre autochtone est également très actif en ligne avec l’initiative #ReconcileThis, soutenue par Meta, qui invite les jeunes artistes autochtones à publier leur travail sur les médias sociaux pour susciter des discussions sur la réconciliation. On compte aussi de nombreux projets numériques comme Et danse la terre et Cités autochtones, des tables rondes virtuelles, des clubs de lecture, et des ressources pédagogiques qui sont d’excellents compléments aux spectacles à l’affiche.

L’art autochtone est également présent dans les espaces publics du CNA avec Dawn de Rebecca Belmore et Rythme de la Terre-Mère d’Emily Brascoupé-Hoffler, deux installations permanentes qui accueillent chaleureusement toutes les personnes qui visitent le CNA. Les marchés d’artisanat semestriels, le programme de billets abordables Toutes mes relations et les guides d’accompagnement multilingues ont permis de rejoindre un plus grand public au sein des communautés autochtones et de les célébrer.

Quand on lui parle de l’avenir, Kevin Loring répond qu’elle « voit plus de représentations dans nos quatre salles, une plus grande présence d’un bout à l’autre du pays, un soutien aux artistes de différentes régions et nations autochtones, avec plus de langues autochtones représentées sur nos scènes, et de grands succès à venir ». 


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