L’Ontario de notre tête

Depuis des mois, en préparation du happening À quoi ça sert d’être brillant si t’éclaires personne, deux têtes chercheuses sillonnent le territoire franco-ontarien via sa littérature, sa musique, ses artistes. Quête passionnante que la leur, l’équipe de la rédaction des Cahiers du Théâtre français leur a demandé d’en retracer le fil. Voici des extraits de leur « journal de bord » paru dans le Cahier Sept (automne 2015).

« Un jour, malgré moi, j’ai décidé d’habiter l’Ontario de ma tête. »
Tina Charlebois, Miroir sans teint

Un road trip franco-ontarien

(Lisa)

« Je pousse mon char comme je pousse ce poème »
Patrice Desbiens, « Sainte Colère », Dans l’après-midi cardiaque

Nous sommes tous deux Franco-Ontariens d’adoption (ou en voie de, dans le cas de Gabriel). De janvier à juillet, nous nous sommes imprégnés de cette culture en parcourant un grand nombre d’œuvres, tous genres confondus : poésie, théâtre, roman, chanson. Autant de prises de parole d’artistes associés à l’Ontario français, soit de naissance ou d’appartenance. Les unes étaient des découvertes, les autres des redécouvertes. Certaines ont été critiquées et rapidement laissées de côté, d’autres adorées et lues ou écoutées en boucle.

Très tôt nous avons décidé que ce spectacle n’allait pas être une rétrospective de la création en Ontario français et qu’il serait impossible d’inclure les œuvres de tous ceux et celles qui ont marqué le paysage culturel. Nous avons plutôt eu l’impulsion de créer un happening multidisciplinaire qui allait mettre en relief le territoire par le biais de ses artistes. Notre envie : nommer les lieux, les rassembler dans leur diversité, parcourir le territoire de cette province en passant de l’intime au collectif, trouver les nuances et les résonances entre les lieux et les générations. Bref, de reconstituer le territoire réel et imaginaire avec de notre sensibilité propre.

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9 juin 2015

(Gabriel)

C’est le lancement de la programmation de la biennale Zones Théâtrales. À ma grande surprise, on m’y présente comme Acado-Ontarien ! J’avoue sur le coup éprouver un certain malaise devant cette nouvelle identité. C’est vrai, j’habite maintenant l’Ontario, mais j’hésite encore à me réclamer pleinement de la communauté franco-ontarienne. Une partie de moi y aspire, même si je suis conscient que cela prendra du temps et que ça devra nécessairement se conjuguer avec mes origines acadiennes. Reste que, à la suite des découvertes dans ce projet, une impression persiste : pour moi, devenir franco-ontarien, c’est beaucoup plus qu’être francophone et habiter l’Ontario. C’est porter, connaître ce vaste territoire, son histoire, sa fierté, ses paradoxes, ses distances. Y a une forme d’autodérision, d’irrévérence, de pieds de nez répétés à l’impossibilité d’être. Et tout ça me plaît. Beaucoup.

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(Gabriel)

« Notre langue
c’est la sueur le bois la terre l’hiver
et notre appartenance à ce pays »
Jean Marc Dalpé, Gens d’ici

Si on se fie à nos recherches, l’écriture du territoire, il y a une quarantaine d’années, était surtout concentrée du côté des auteurs masculins (Paiement, Dalpé, Desbiens, Dickson). À tout le moins, ce sont eux qu’on retient. Reste qu’aujourd’hui, parmi les jeunes plumes, on voit apparaître une appropriation forte du territoire du côté des femmes (Tina Charlebois, Sonia Lamontagne). C’est un constat qui, je l’avoue, nous a beaucoup plu. Leur façon de s’approprier le territoire, d’en faire le leur, d’en rire, de l’aimer, de le décrier parfois, dans une langue qui leur est propre, forgeant un Ontario à leur image.

« personne n’est libre de me comprendre
mais tout le monde doit
m’écouter »

Sonia Lamontagne, À tire d’ailes

 

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Sur les hymnes en général

(Lisa et Gabriel)

Il n’y aura aucun hymne dans ce spectacle. Aucune chanson composée pour un concours quelconque initié par un organisme ni aucune chanson-thème écrite spécialement pour l’occasion ne seront entendues. Parce que, pour nous, un hymne ne naît pas d’un prétexte. La langue n’est pas un prétexte, le territoire n’est pas un prétexte, le drapeau n’est pas un prétexte, ce show ne se veut pas non plus un prétexte. Nous souhaitons mettre en relief des paroles qui, de notre point de vue, ne doivent jamais se taire. Parce qu’un hymne, quelque part, ça s’adopte beaucoup mieux que ça se remporte. 

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À quoi ça sert d’être brillant si t’éclaires personne

Un « jam » franco-ontarien présenté au Studio du CNA les 25 et 26 septembre à 20 h

Conception et mise en scène : Lisa L’Heureux et Gabriel Robichaud
Avec Nicolas Desfossés, Céleste Dubé, Mehdi Hamdad, Andrea Lindsay, Charlotte L’Orage, Pandaléon, Stef Paquette, Pierre Simpson, Anie Richer et Gabriel Robichaud
Direction artistique : Brigitte Haentjens
Conseils artistiques et coordination : Xavier Forget et Guy Warin
Lumière et régie : Guillaume Houët
Direction technique : Élise Lefebvre
Production : Théâtre français du CNA
Collaboration : CNA Présente

 


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