Shelley, Strauss & les débuts de Goosby

Webdiffusion gratuite avec l’Orchestre du CNA

2025-01-16 20:00 2025-01-16 22:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Shelley, Strauss & les débuts de Goosby

https://nac-cna.ca/fr/event/37950

CNA en direct

Votre soirée en 3 infos clés: Surtout connu pour ses opéras et ses poèmes symphoniques, Richard Strauss reflète dans sa musique toute l’étendue de l’expérience humaine avec une clarté cinématographique. La compositrice canadienne Alexina Louie et le compositeur canadien John Estacio proposeront de nouvelles œuvres en réponse aux chefs-d’œuvre de Strauss. Pour le violoniste...

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En ligne
jeu 16 janvier 2025
jeu 16 janvier 2025
Diffusion en direct

≈ 2 heures · Avec entracte

Dernière mise à jour: 13 janvier 2025

Programme

Orchestre du Centre national des Arts
Alexander Shelley, chef d’orchestre
Randall Goosby, violon

La représentation du 16 janvier sera retransmise en direct.

RICHARD STRAUSS Till Eulenspiegels lustige Streiche (Till l’Espiègle), op. 28 (16 minutes)

JOHN ESTACIO Avé* (13 minutes)

FLORENCE PRICE Concerto pour violon no(15 minutes)
En un mouvement

ENTRACTE

ALEXINA LOUIE Mon seul désir: Hommage à Strauss* (10 minutes)

RICHARD STRAUSS Suite tirée de Der Rosenkavalier, TrV 227d (24 minutes)

*Commande de l’Orchestre du CNA, première mondiale

Randall Goosby enregistre exclusivement pour Decca.
Pour plus d’informations sur Randall Goosby, voir www.randallgoosby.com (en anglais seulement).
Randall Goosby est représenté par Primo Artists, de New York.

Répertoire

RICHARD STRAUSS

Till Eulenspiegels lustige Streich (Till l’Espiègle), op. 28

En 1888, convaincu qu’il doit orienter sa démarche artistique vers la création de nouvelles formes pour chaque nouveau sujet, Richard Strauss se lance dans l’écriture de « poèmes symphoniques » pour orchestre. Genre musical introduit par Franz Liszt, le poème symphonique est une pièce instrumentale en un mouvement qui illustre ou évoque le contenu d’une source extramusicale, qu’il s’agisse d’une histoire, d’un poème ou d’une peinture. C’était une nouvelle façon de structurer l’expérience de la musique d’orchestre, par rapport aux formes abstraites traditionnelles de la symphonie en quatre mouvements.

Strauss a composé Macbeth cette année-là, puis Don Juan et Tod und Verklärung (Mort et Transfiguration) en 1888-1889. Ces deux dernières œuvres connaissent un tel succès qu’elles sont rapidement intégrées au répertoire des concerts allemands. En 1895, il met la dernière main à Till Eulenspiegels lustige Streiche (Les Joyeuses Facéties de Till l’Espiègle) qui connaîtra également un énorme succès et demeure, à ce jour, son œuvre pour orchestre la plus jouée.

Till est un personnage malicieux du folklore allemand médiéval, qui prenait plaisir à semer la pagaille et à scandaliser les autorités par ses farces visant toute personne trop imbue d’elle-même ou trop rigide dans ses principes moraux. Pour Strauss, restituer les aventures du farceur sous la forme d’un poème symphonique était une métaphore juste (bien que voilée) de lui-même, en tant qu’artiste qui bousculait le statu quo de la composition musicale de l’époque. La pièce consiste en une série d’épisodes rendus vivants par les couleurs éclatantes et les textures scintillantes de l’écriture orchestrale du compositeur, laquelle exige une grande virtuosité de tous les instruments.

Le prologue d’ouverture fait songer à l’amorce d’un conte de fées : « Il était une fois un bouffon coquin ». Deux motifs sont introduits : le premier, doux et charmant, est joué par les violons, suivi d’un solo de cor qui s’apparente à une fanfare (faussement) héroïque. Après une première montée en puissance, la clarinette entonne une phrase insolente, reprenant la mélodie délicate en l’accélérant pour évoquer le farceur. Écoutez ce thème, marqueur de la présence de Till, qui se transforme tout au long de la pièce, à chacune de ses frasques.

Après le prologue, Till part en quête de sensations fortes. Dans la première de ses farces, la musique le montre se faufilant sur la pointe des pieds, avant de faire brusquement irruption, dans un fracas de cymbales, à cheval sur une place de marché. Ayant ainsi semé un terrible chaos, il s’enfuit à toutes jambes. Il apparaît ensuite à un élégant bal de cour, métamorphosé en un séducteur charismatique que représentent des phrases caressantes au violon solo, et des motifs sinueux joués par les cors et les trompettes en sourdine. Plus tard, le violon bondit dans les aigus, puis descend rapidement une gamme, évoquant un cri et l’évanouissement subséquent d’une dame scandalisée. Till passe ensuite à un groupe d’ecclésiastiques (clarinette basse, bassons et contrebasson) en grande conversation. Sous un déguisement (écoutez le piquant motif à la basse), il commence à se moquer d’eux. Le motif grimpe d’un instrument à l’autre jusqu’au piccolo, atteignant un sommet, et après une plongée vertigineuse de l’orchestre, la gigue s’achève sur une polka enjouée. Les ecclésiastiques offensés tentent de reprendre leurs esprits tandis que Till s’enfuit à nouveau, sans être inquiété.

Le thème d’ouverture au cor revient (dans une tonalité différente) et atteint un point culminant, désignant notre farceur comme le héros bravache du poème. Mais un roulement de tambour sinistre et un accord mineur qui sonne le glas mettent un terme à ses fanfaronnades : reconnu coupable de ses outrages, il est condamné à mort. Il tente de sauver sa peau en plaidant et en multipliant les flatteries, mais un dernier cri perçant de la clarinette donne à penser que tout est fini pour lui. Dans l’épilogue, la musique douce de l’ouverture revient, comme une tentative de donner une conclusion morale à l’histoire… mais dans les dernières mesures, Till réapparaît, rieur, pour nous faire un ultime pied de nez.

Note de programme par Hannah Chan-Hartley, Ph. D. (traduit de l’anglais)

John Estacio

Avé

John Estacio (né en 1966) est l’un des compositeurs canadiens les plus abondamment joués. La critique a vanté le lyrisme maîtrisé, la profondeur d’expression et le brillant dynamisme de ses œuvres symphoniques et opératiques. À l’extérieur du Canada, ses œuvres orchestrales ont été jouées à Singapour, en Chine, en Europe, au Royaume-Uni et aux quatre coins des États-Unis. Finaliste à cinq reprises aux prix Juno, John Estacio est devenu membre de l’Ordre du Canada en 2021 et a reçu le Prix du Lieutenant-gouverneur de l’Alberta pour les arts. Il s’est récemment vu décerner un doctorat honorifique en musique de l’Université Wilfrid Laurier.

Voici en quels termes le compositeur décrit sa pièce pour orchestre intitulée Avé :

Ma composition Avé est jumelée à Til Eulenspiegel [Til l’espiègle] de Richard Strauss, un poème symphonique sur un farceur qui, à bien des égards, pourrait aussi être qualifié de « manipulateur pervers », un individu qui pousse les gens à remettre en question leurs pensées, les faits, la vérité. C’est le lien entre l’œuvre de Strauss et la mienne.


Ma mère est décédée des suites d’une forme de démence alors que je travaillais sur cette œuvre. C’était une femme religieuse et, après avoir passé sa vie à réciter des prières, ce sont les psaumes responsoriaux, gravés au plus profond de sa mémoire dans sa langue maternelle, le portugais, qui ont été les derniers mots qu’elle a pu prononcer avant que la cruelle maladie ne l’immobilise et ne la prive de la parole. Le mot ave était fréquemment prononcé dans ses prières et chanté dans les hymnes qu’elle appréciait. « Ave » signifie « salut » ou « bonjour », mais aussi « adieu »; son utilisation la plus connue est sans doute dans la prière Ave Maria. Vers la fin, ma mère s’exprimait de manière hésitante, prononçant des phrases en boucle ou des énoncés répétitifs qui se terminaient parfois par un psaume responsorial. Avant que nous ne nous rendions compte que ma mère était atteinte de démence, moi et ma famille pensions naïvement qu’elle nous faisait des farces quand elle ne se souvenait plus d’informations essentielles telles que nos identités, ne reconnaissait plus la maison qu’elle habitait depuis 40 ans et n’était plus capable d’accomplir les tâches simples qui rythmaient son quotidien depuis des décennies. J’ai fini par comprendre que cette maladie, à l’instar du farceur Eulenspiegel, la manipulait cruellement, ainsi que sa famille. 


À ses funérailles, j’ai prononcé son éloge funèbre en remontant le cours de sa vie, à commencer par la tristesse que me causait sa disparition, mêlée à l’étrange sentiment de soulagement de savoir qu’elle n’avait plus à vivre l’épouvantable sentence que la maladie avait infligée à son corps. J’ai poursuivi en célébrant ses réalisations, ses succès, ses joies, car bien que la maladie ait ravagé son corps pendant des années vers la fin, ce n’est en aucun cas ce qui a défini sa longue vie. Le cadre de l’éloge funèbre s’est retrouvé dans la structure de cette composition. 


Avé commence par une longue ouverture mettant à contribution toute la section des cordes, qui reprend le motif principal d’« Eulenspiegel », mais joué à l’envers; cette ouverture tente de traduire l’étrange combinaison de chagrin et de soulagement. Après l’ouverture, les cordes solistes introduisent un nouveau thème mélodique, joué de manière hésitante et retraçant souvent son chemin musical comme s’il s’était égaré, jusqu’à ce qu’une ligne musicale masquée, tirée d’un des hymnes préférés de ma mère, s’insère dans la trame pour conclure la phrase. Une impression d’anxiété imprègne la partie centrale de la composition, culminant dans un sentiment de frustration et de colère, émotions que ma mère a ressenties face à la réalité de l’atroce maladie. Les thèmes musicaux introduits précédemment – l’air inversé d’« Eulenspiegel », la mélodie fractionnée du violon solo, la mélodie du psaume responsorial – sont tous entrelacés, accompagnés par des cordes tremblantes et frêles. Après un bref moment de calme méditation, le thème d’« Eulenspiegel » revient, toujours inversé, entonné triomphalement par les cuivres, les cordes jouant les mélodies fracturées entendues précédemment, mais cette fois avec une confiance et une clarté sans failles. La composition s’achève sur une conclusion retentissante, une célébration d’une vie bien remplie consacrée à élever élever une famille, pleine de joie, de célébration, de tristesse, de dévouement, et d’un sentiment d’accomplissement qui dépasse la cruelle coda qui y a mis fin.

Note de programme par le compositeur (traduit de l’anglais)

Florence Price

Concerto pour violon no 2

En un mouvement

Florence Price (1887-1953) a été la première Afro-Américaine à obtenir une large reconnaissance en tant que compositrice de musique symphonique de son vivant. Cependant, malgré ses succès, dont sa Symphonie en mi mineur (1932), primée, et son Concerto pour piano en un mouvement (1934), elle a dû se battre pour faire jouer ses œuvres, et elle ne faisait pas mystère de ce que le fait d’être une femme et une personne de couleur constituait un obstacle à leur diffusion. La majeure partie de son catalogue a été négligée après sa mort, mais ces dernières années, de nouvelles recherches ainsi que la découverte de compositions que l’on croyait disparues et leur réapparition dans les salles de concert ont commencé à jeter un éclairage plus adéquat sur son apport à la musique américaine.

Fruit d’une commande conjointe de l’Illinois Federation of Music Clubs, du Chicago Club of Women Musicians, de la Lake View Musical Society et de la société Mu Phi Epsilon, le deuxième concerto pour violon a été composé en 1952, un an avant la mort de Price. Il a été créé à titre posthume, en 1953, par la violoniste Minnie Cedargreen Jemberg, mais n’a pas été publié par la suite. La partition était présumée perdue, jusqu’à ce qu’elle soit retrouvée en 2009, avec les manuscrits de nombreuses autres œuvres de Price (dont son premier concerto pour violon), par les nouveaux propriétaires d’une maison délabrée dans la banlieue de St. Anne, dans l’Illinois. Alors qu’ils s’apprêtaient à rénover le bâtiment, ceux-ci ont appris qu’il s’agissait de la résidence d’été de la compositrice. Depuis, les deux concertos pour violon ont été joués en public et enregistrés, d’abord en 2018 par la soliste Er-Gene Kahng, qui a créé le deuxième concerto pour violon en février de la même année avec l’Orchestre philharmonique de l’Arkansas. Le plus récent enregistrement des concertos, paru en 2023, est celui de Randall Goosby avec l’Orchestre de Philadelphie sous la baguette de Yannick Nézet-Séguin.

Le deuxième concerto pour violon est une œuvre dense, qui se déploie en un seul mouvement et s’articule en sections aux climats changeants. Dans l’ensemble, son univers sonore est étonnamment luxuriant, avec des harmonies opulentes et des timbres colorés – Alex Ross, critique musical du New Yorker, affirme que l’œuvre possède « une qualité automnale qui rappelle les dernières œuvres de Richard Strauss ». Après une audacieuse introduction orchestrale, le violon solo entame un passage rhapsodique séduisant, suivi d’un air de danse enjoué qui constitue le premier thème principal du concerto. (Ce motif reviendra plus tard tout au long du concerto, mais ne sera plus joué que par l’orchestre.) Au fur et à mesure que le violon progresse, ses lignes gagnent en dynamisme et en virtuosité, tandis que l’orchestre ajoute un vif contrepoint et un riche soutien harmonique. Finalement, le violon solo arrive au second thème, une mélodie ouvertement romantique (portant l’indication « Andante cantabile ») qui évoque l’idéal pastoral américain, alors que l’agitation « urbaine » du violon trouve un apaisement dans les grands espaces bucoliques remplis des sons de la nature (la flûte évoquant le gazouillis des oiseaux).

Cette sublime mélodie revient à trois reprises, chaque fois sous une forme variée. La deuxième occurrence, que le violon exécute dans un registre plus aigu, suit une section de développement contrastée, caractérisée par des passages virtuoses au violon et des incursions du motif de danse enjoué interprété par l’orchestre. Plus tard, après une reprise condensée du matériau d’ouverture du concerto (avec un épisode vigoureux pour le violon), la mélodie de l’« Andante cantabile » réapparaît dans l’orchestre – commençant à la flûte et au hautbois, puis se poursuivant chaleureusement dans les cordes et les cuivres – tandis que le violon solo l’agrémente d’une contre-mélodie sinueuse. Le motif enjoué réapparaît ensuite, sous la forme d’une mélodie pleine d’assurance qui est élaborée plus avant dans un segment brillamment retentissant pour l’orchestre et le violon solo, ce dernier exécutant une rafale d’arpèges, de doubles cordes et de gammes rapides qui s’enchaînent. Soudain, le violon fait un bond extraordinaire dans le registre le plus aigu de l’instrument pour entonner une dernière fois la mélodie de l’« Andante », sous son jour le plus noble. Le concerto s’achève dans une atmosphère de parfaite sérénité, après quoi le violon et l’orchestre l’amènent à son exaltante conclusion.

Note de programme par Hannah Chan-Hartley, Ph. D. (traduit de l’anglais)

Alexina Louie

Mon seul désir: Hommage à Strauss

L’illustre compositrice Alexina Louie (née en 1949) a collaboré avec les plus grands solistes, ensembles et orchestres du Canada et d’ailleurs. Ses œuvres orchestrales ont été jouées par les orchestres symphoniques de San Francisco, de Montréal, de la BBC, de Saint-Louis, de Toronto et de Vancouver, par l’Orchestre du Centre national des arts du Canada et par celui du Centre national des arts de la scène de Chine. Alexina Louie s’attaque à une large palette de styles et de prouesses techniques, de ses très appréciées pièces pédagogiques pour piano à ses opéras à grand déploiement (The Scarlet Princess), ses compositions virtuoses pour soliste ou ensemble de chambre et ses œuvres pour le ballet, le cinéma et la télévision. La composition musicale est pour elle un geste d’expression et de communication. La compositrice explore en toute liberté au gré des styles et des inspirations pour créer des œuvres qui en disent long sur l’esprit artistique et sur notre époque.

La compositrice décrit comme suit sa pièce orchestrale Mon seul désir : Hommage à Strauss :

J’ai été intriguée quand l’Orchestre du Centre national des Arts m’a demandé d’écrire une pièce complémentaire à la suite tirée de Der Rosenkavalier [Le Chevalier à la rose] de Richard Strauss. Il s’agit d’une œuvre tellement joyeuse, qui intègre des valses gracieuses, des mélodies d’une beauté renversante, un trio célèbre et émouvant pour les trois personnages féminins principaux de l’opéra, ainsi qu’une écriture instrumentale magistrale pour un grand orchestre.

L’opéra-comique Der Rosenkavalier de Strauss en a long à dire, entre autres, sur l’amour et le désir. Les personnages principaux sont la Maréchale (une aristocrate), Octavian (son amant de dix-sept ans), et Sophie (la fille d’un riche commerçant). À la fin de l’opéra, la « vieille » Maréchale renonce à son amour pour Octavian afin qu’il puisse être avec Sophie, la jeune femme qu’il aime.

Les mélomanes qui connaissent l’opéra reconnaîtront certains de ses thèmes et gestes musicaux qui apparaissent dans mon Hommage. L’ouverture de la suite de Strauss est évoquée dans les premières notes de ma composition par l’utilisation des mêmes instruments – cors d’harmonie et bassons avec des touches de violoncelle et de contrebasse. L’un des principaux intervalles de la suite, la sixte majeure, est un intervalle important qui apparaît tout au long de ma composition.

D’emblée, j’ai voulu que certaines parties de ma pièce soient effervescentes, une qualité qui imprègne la suite. Tout de suite après mon énoncé d’ouverture, une musique bouillonnante s’amorce dans les cordes. Dans ma pièce en un seul mouvement, la sensation d’effervescence réapparaît dans la section centrale, d’abord au piano, puis transférée à un trio de flûtes.

Le thème musical de Strauss, qui représente la rose d’argent offerte à Sophie par Octavian dans Der Rosenkavalier, est particulièrement mémorable. Cette musique – de superbes accords de trois notes qui représentent un jeune amour – se concentre principalement sur le célesta et les deux harpes, et est reconnaissable dans Mon seul désir : Hommage à Strauss.

 

J’ai créé ma propre version de l’harmonie « romantique » en imaginant des accords récurrents qui semblent se fondre les uns dans les autres.

Le titre de ma pièce ne m’est pas venu spontanément. Au cours du processus d’écriture, j’ai revisité le musée de Cluny à Paris, qui abrite les six exquises tapisseries médiévales connues sous le nom de La Dame à la licorne. Chacune des cinq premières tapisseries représente l’un des cinq sens. La sixième tapisserie reste un mystère et a plusieurs interprétations possibles, dont celle de l’amour (ou du cœur), puisque les mots MON SEUL DÉSIR y sont tissés. J’ai été si émue par la beauté de la tapisserie et tellement intriguée par le mystère de sa signification que je suis restée devant un long moment à la contempler. Le romantisme de la musique de Strauss et le mystère amoureux de la tapisserie m’ont inspiré Mon seul désir : Hommage à Strauss.

Note de programme par la compositrice (traduit de l’anglais)

RICHARD STRAUSS

Suite tirée de Der Rosenkavalier, TrV 227d

Au nombre des chefs-d’œuvre de l’opéra du XXe siècle, Der Rosenkavalier (Le Chevalier à la rose) marque la première véritable collaboration entre Strauss et Hugo von Hofmannsthal, qui en a écrit le livret original en allemand. Achevé en 1910, il est créé le 26 janvier 1911 au Königliches Opernhaus de Dresde, où il récolte un franc succès. L’œuvre deviendra l’opéra le plus populaire de Strauss et restera fermement établie dans le répertoire. De nos jours, la plupart des auditoires découvrent Der Rosenkavalier sous la forme de la suite de concert qu’on entendra ce soir. On pense qu’elle a été créée en 1944 par le chef d’orchestre Artur Rodziński, alors directeur musical de l’Orchestre philharmonique de New York, qui en a dirigé la première exécution en octobre. L’année suivante, l’éditeur Boosey & Hawkes a publié l’arrangement avec l’approbation du compositeur.

La popularité de l’opéra doit beaucoup à l’attrait de la partition de Strauss, à la fois somptueuse et pétillante, riche en sonorités, en couleurs et en textures variées. Elle est aussi d’une saisissante modernité, le compositeur ayant recours, de manière éclectique, à des styles et des genres musicaux anachroniques, dont le style classique « à la Mozart » du XVIIIe siècle, l’opéra italien, l’harmonie du romantisme tardif et les techniques wagnériennes du leitmotiv, la valse du XIXe siècle (avec des allusions à Johann Strauss Jr), et le chromatisme du début du XXe siècle. Ainsi, comme l’a noté Bryan Gilliam, spécialiste de Strauss, la musique crée un « texte » offrant plusieurs niveaux de lecture, d’une grande richesse historique, qui met en relief les thèmes au cœur de l’opéra, à savoir le temps, la transformation et l’amour. Dans la Vienne des années 1740, la belle Maréchale est l’instigatrice de la métamorphose de son jeune amant Octavian (l’un des grands rôles masculins du répertoire lyrique) en chevalier à la rose, et ce faisant, elle le voit s’éprendre de Sophie, une femme plus jeune qu’elle. Elle commence par se rebiffer, mais elle finit par céder la place à Sophie, en un geste poignant de lâcher prise.

La Suite offre un tour d’horizon des moments forts de Der Rosenkavalier. Elle commence par la musique qui ouvre l’opéra, évoquant Octavian et la Maréchale en proie aux affres de la passion – lui représenté par un motif ascendant plein d’assurance joué par les cors, suivi de ses soupirs à elle. Après avoir atteint un point culminant, la musique s’apaise jusqu’à la béatitude. Elle passe ensuite à la transformation d’Octavian en chevalier à la rose au deuxième acte (écoutez la sublime version de son motif) et à sa présentation de la rose de fiançailles – au nom du baron Ochs – à Sophie von Faninal, la fille d’un homme fortuné. La musique évoque ici une « charmante rencontre » – le temps semble s’arrêter, tandis que les flûtes et le piccolo, le célesta, deux harpes et trois violons solos jouent une envoûtante progression d’accords étincelants; les timides approches du jeune couple en devenir évoluent graduellement vers une chaude affection.

Une soudaine explosion de l’orchestre interrompt la rêverie et un épisode frénétique s’ensuit, menant à « Ohne mich », l’air de valse préféré du baron Ochs, le cousin rustre et lubrique de la Maréchale qui a l’intention d’épouser Sophie. Il est d’abord entonné par des violons en sourdine, comme pour eux-mêmes, après quoi il est développé plus avant, avec une autre variante du motif d’Octavian au violon solo, avant d’être repris par l’ensemble de l’orchestre. Une transition sensuelle mène au sublime trio (« Hab’ mir’s gelobt ») du troisième acte, dans lequel la Maréchale cède Octavian à Sophie. Elle les laisse chanter un duo (« Spür nur dich/Ist ein Traum »), exécuté ici par les premiers violons, après quoi la musique magique de leur première rencontre revient brièvement. La Suite se conclut par une grande valse dans laquelle le motif d’Octavian apparaît une fois de plus, dans toute sa splendeur, avant le bouquet final.

Note de programme par Hannah Chan-Hartley, Ph. D. (traduit de l’anglais)

Artistes

  • Chef d'orchestre Alexander Shelley
  • Violon Randall Goosby
  • Orchestre du Centre national des Arts
  • Compositrice Alexina Louie
  • Compositeur John Estacio

Orchestre du Centre national des Arts

Alexander Shelley
Directeur musical

Premiers violons
Yosuke Kawasaki (violon solo)
Jessica Linnebach (violon solo associée)
Noémi Racine Gaudreault (assistante violon solo)
Jeremy Mastrangelo
Marjolaine Lambert
Jeffrey Dyrda
Carissa Klopoushak
Manuela Milani
*Martine Dubé
*Andréa Armijo Fortin
*Renée London
*Oleg Chelpanov
*John Corban
*Heather Schnarr
*Alexander Lozowski

Seconds violons
Emily Kruspe (solo)
Emily Westell
Frédéric Moisan
Leah Roseman
Jessy Kim
Mark Friedman
Edvard Skerjanc
Karoly Sziladi
**Winston Webber
*Marc Djokic
*Soo Gyeong Lee
*Sara Mastrangelo
*Sara Williams
*Veronica Thomas
*Karoly Sziladi Jr
*Elspeth Durward

Altos
Jethro Marks (solo)
David Marks (solo associé)
David Goldblatt (assistant solo)
David Thies-Thompson
Tovin Allers
Paul Casey
*Pamela Fay
*Sonya Probst
*Mary-Kathryn Stevens

Violoncelles
Rachel Mercer (solo)
Julia MacLaine (assistante solo)
Leah Wyber
Timothy McCoy
Marc-André Riberdy
*Thaddeus Morden
*Desiree Abbey
*Karen Kang

Contrebasses
Sam Loeck (solo)
Max Cardilli (assistant solo)
Vincent Gendron
**Marjolaine Fournier
*Paul Mach
*David Fay
*Travis Harrison

Flûtes
Joanna G’froerer (solo)
Stephanie Morin
*Kaili Maimets
*Christian Paquette

Hautbois
Charles Hamann (solo)
Anna Petersen
*Melissa Scott
*Lief Mosbaugh

Cor anglais
Anna Petersen

Clarinettes
Kimball Sykes (solo)
Sean Rice
*Shauna Barker
*Marie-Julie Chagnon

Bassons
Darren Hicks (solo)
Vincent Parizeau
*Marlene Ngalissamy
*Thomas Rochette

Cors
*Louis-Philippe Marsolais (solo invité)
Julie Fauteux (solo associée)
Lauren Anker
Louis-Pierre Bergeron
*Olivier Brisson
*Micajah Sturgess

Trompettes
Karen Donnelly (solo)
Steven van Gulik
*Amy Horvey
*Michael Fedyshyn

Trombones
*José Milton Vieira (solo invité)
*Hillary Simms (solo invitée)
*Nate Fanning

Trombone basse
Zachary Bond

Tuba
Chris Lee (solo)

Timbales
*Michael Kemp (solo invité)

Percussions
*Bryn Lutek (solo invite)
Jonathan Wade
Andrew Johnson
*Andrew Harris
*Kris Maddigan

Harpe
*Angela Schwarzkopf (solo invitée)
*Alanna Ellison

Piano
*Frédéric Lacroix

Musicothécaire principale
Nancy Elbeck

Musicothécaire adjoint
Corey Rempel

Cheffe du personnel
Meiko Lydall

Cheffe adjointe du personnel
Ruth Rodriguez Rivera

Coordonnatrice du personnel de l’Orchestre
Laurie Shannon

Régisseur
Kevin Waghorn

* Instrumentistes surnuméraires
** En congé