Atwood, Heggie et Brahms – Toronto

Tournée 2023 de l'Orchestre du CNA

2023-02-11 20:00 2023-02-11 22:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Atwood, Heggie et Brahms – Toronto

https://nac-cna.ca/fr/event/33060

Événement en personne

Le baryton canadien Joshua Hopkins interprète Songs for Murdered Sisters, un nouveau cycle de chants très personnel, reposant sur les poèmes de Margaret Atwood mis en musique par Jake Heggie, et racontant l’histoire tragique de victimes innocentes. Le concert débutera par l'Ouverture de Faust de Mayer et se terminera par la très passionnée Symphonie n˚ 4 de Brahms. Commande conjointe du Centre national...

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Roy Thomson Hall
sam 11 février 2023
sam 11 février 2023
Roy Thomson Hall

Dernière mise à jour: 7 février 2023

Programme

EMIILIE MAYER Ouverture de Faust, op. 46 (12 min)

JAKE HEGGIE, MARGARET ATWOOD Songs for Murdered Sisters* (30 min)

I. Empty Chair
II. Enchantment
III. Anger
IV. Dream
V. Bird Soul
VI. Lost
VII. Rage
VIII. Coda: Song

ENTRACTE

JOHANNES BRAHMS Symphonie no 4 en mi mineur, op. 98 (40 min)

I. Allegro non troppo
II. Andante moderato
III. Allegro giocoso
IV. Allegro energico e passionato

* Œuvre commandée conjointement par l’Orchestre du Centre national des Arts du Canada et le Houston Grand Opera. Version pour piano et voix : première le 8 mars 2022 à la chapelle Rothko, à Houston, au Texas. Version pour orchestre et voix : première le 9-10 février 2022 à la Salle Southam, au Centre national des Arts, à Ottawa, au Canada

Poèmes de Margaret Atwood © (à partir des poèmes originaux de Margaret Atwood © Margaret Atwood 2020) Le poème de Margaret Atwood « Songs for Murdered Sisters » (« Chansons pour des sœurs assassinées ») est tiré du recueil Dearly, publié chez HarperCollins US, Penguin Random House UK et Penguin Random House Canada. Le recueil Dearly a été publié en français aux éditions Robert Laffont sous le titre Poèmes tardifs.

La partition de Songs for Murdered Sisters est publiée par Bent Pen Music inc. (« Bent P Music » BMI), représenté par Bill Holab Music (www.billholabmusic.com). Tous droits réservés.

RÉFLEXION – ALEXANDER SHELLEY

Au nom de l’Orchestre du CNA, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue au concert de ce soir, dans lequel nous combinons une symphonie de 1885, audacieuse et pleine d’émotion, à une nouvelle œuvre de commande bien de notre temps, pénétrante et splendide.

La Quatrième (et dernière) Symphonie de Brahms est, comme souvent dans le cas de ce compositeur hors du commun, un exemple étonnant de précision et d’efficacité formelles produisant un choc émotionnel saisissant. Tout comme n’importe quelle œuvre de J.S. Bach, elle souligne combien notre sens de la beauté est inextricablement lié à la rigueur architecturale sous-jacente. Dans le dernier mouvement, par exemple, la célèbre passacaille à laquelle il s’attache apparaît d’une forme rigide et archaïque, même pour 1885. Cette contrainte, cette limite qu’il s’est lui-même imposée, donne lieu à la plus miraculeuse invention, puisque Brahms ne nous offre pas moins de 30 variations passionnées et contrastées sur le choral initial de huit mesures, exposé par les instruments à vent. Pour moi, c’est une symphonie à la fois intensément humaine et qui fonctionne constamment sur un plan parallèle, plus voilé, de caractère métaphysique.

Ce concert marque le point culminant de notre cycle d’enregistrement « Clara, Robert, Johannes », qui comprend toutes les symphonies de Brahms et de Schumann combinées à la musique de leur grande muse, inspiratrice et critique Clara Schumann. Ce fut un privilège de plonger si profondément et en détail dans la vie et l’œuvre de ces trois génies, et je ne peux que vous recommander cette exploration si vous ne l’avez pas encore entreprise!

C’est un privilège tout aussi grand que de présenter ce soir une nouvelle œuvre de Jake Heggie et Margaret Atwood. La commande et l’exécution de musique nouvelle sont au cœur de ce que nous faisons au Centre national des Arts du Canada, et cette pièce démontre la puissance et l’importance de cet art pour mettre de l’avant les récits et les expériences de notre époque. 

Bien que seuls les mots de Joshua puissent présenter Songs for Murdered Sisters avec la justesse qui convient, je tiens quand même à préciser que nous lui sommes redevables de sa confiance, de nous avoir demandé de l’accompagner dans cette aventure, et d’avoir trouvé le moyen de traduire un acte insensé et brutal en une œuvre d’art susceptible d’émouvoir, d’éveiller les consciences et de changer les choses. 

Merci d’être parmi nous.

- Alexander Shelley
Chef d'orchestre

RÉFLEXION – JOSHUA HOPKINS

Je n’oublierai jamais la salve d’applaudissements pleine de compassion qui m’a accueilli lorsque j’ai fait mon entrée sur un scooter au plus fort du célèbre air de Figaro, le soir de la première du Barbier de Séville, dans cette même salle. C’était en septembre 2015, quatre jours après le meurtre de ma sœur Nathalie. Votre soutien a tellement compté pour moi ce jour-là, et ce soir, il me fait encore chaud au cœur.

À peine une semaine plus tard, mon épouse et moi avons rencontré Daphne Burt et Stefani Truant pour discuter de l’élaboration d’une nouvelle œuvre musicale qui commémorerait Nathalie tout en abordant l’épidémie mondiale de violence sexiste. De concert avec Alexander Shelley, elles ont promu Songs for Murdered Sisters dès le départ. Je leur suis redevable, ainsi qu’à toute l’équipe de l’OCNA, d’avoir fait de cette vision une réalité, et le fait que nous puissions nous réunir en personne pour découvrir ensemble cette nouvelle œuvre extraordinaire me remplit de gratitude.

Pendant des années, je suis resté comme hébété par le meurtre de Nathalie – le choc était trop grand pour que je parvienne à l’assimiler. Mais après avoir pris connaissance des mots obsédants de Margaret [Atwood] et de la splendide musique de Jake [Heggie], j’ai versé des torrents de larmes. Les mots et la musique, aussi bien séparément qu’ensemble, ont ouvert un portail dans mon cœur, me reliant à de puissantes émotions qui étaient restées en sommeil. Cette œuvre a donné un sens à mon chagrin, en le traduisant en quelque chose de concret.

Songs for Murdered Sisters est un hommage à Nathalie Warmerdam, Carol Culleton et Anastasia Kuzyk – ainsi qu’aux innombrables sœurs qui ont été enlevées à l’affection de leurs proches au fil des ans. J’espère que ces chansons résonneront dans le cœur des personnes qui ne reconnaissent peut-être pas encore l’existence de cette épidémie. Si cette œuvre peut motiver quelqu’un à faire sa part, à agir, et peut-être à sauver quelqu’un d’autre d’un sort similaire, alors je pourrai penser avoir vraiment honoré la mémoire de ma sœur. Consultez le site songsformurderedsisters.com (en anglais seulement) pour savoir comment vous pouvez aider.

- Joshua Hopkins
Baryton

Répertoire

EMILIE MAYER

Ouverture de Faust, op. 46

Quand on leur demande de citer des compositrices du XIXe siècle, Fanny Mendelssohn et Clara Schumann viennent spontanément à l’esprit de la plupart des mélomanes. Il convient d’ajouter Emilie Mayer (1812–1883) à cette liste. Son existence coïncide presque avec celle de Richard Wagner. Née dans le nord-est de l’Allemagne, elle a étudié auprès de Carl Loewe dans la ville voisine de Stettin (auj. Szczecin, en Pologne), et a déménagé à Berlin en 1847 afin d’y poursuivre sa formation sous la houlette d’Adolf Bernhard Marx et Wilhelm Wieprecht.

Elle a fait jouer et publié ses œuvres tout au long de sa vie, souvent à ses frais. Ce qui démarque Mayer des autres compositrices de l’époque, c’est le volume et l’envergure de son catalogue : huit symphonies, 15 ouvertures, 12 sonates pour violoncelle, neuf sonates pour violon, sept trios avec piano, un opéra, des lieder, de la musique pour piano et plus encore. Le New Grove Dictionary of Music and Musicians la présente comme la « compositrice allemande la plus féconde de l’ère romantique ». Après sa mort, toutefois, la musique de Mayer a sombré dans l’oubli; ce n’est que récemment qu’une partie de son œuvre a refait surface et été l’objet d’enregistrements.

Publiée à Stettin en 1880, l’Ouverture de Faust de Mayer rappelle, par son ambiance et son style, l’Ouverture de Manfred de Robert Schumann, décrivant une âme fébrile et tourmentée. Le lent adagio évoque sans doute Faust, seul dans son cabinet de travail. La partition comprend une unique indication programmatique, vers la fin : les mots « Sie ist gerettet » (« Elle [Marguerite] est sauvée ») sont inscrits dans la marge à l’endroit où la musique passe de la tonalité de si mineur à si majeur. L’allegro, section principale de cette Ouverture de 12 minutes, adopte une forme sonate modifiée, avec un premier sujet en mode mineur et un sujet complémentaire en majeur, sans section de développement. La coda reprend le mode mineur jusqu’au moment où Marguerite est « sauvée », le si majeur dominant alors jusqu’à la triomphale conclusion.

Traduit d’après Robert Markow

JAKE HEGGIE, MARGARET ATWOOD

Songs for Murdered Sisters

I. Chaise vide
II. Enchantement
III. Colère
IV. Rêve
V. Âme d’oiseau
VI. Perdues
VII. Rage
VIII. Coda : Chanson

Le 22 septembre 2015, trois femmes du comté de Renfrew, en Ontario, ont été assassinées à leur domicile respectif par un homme avec lequel chacune d’elles avait eu une liaison. L’une des victimes de cette série de crimes révoltants, désormais reconnue comme l’un des pires cas de violence conjugale de l’histoire canadienne, était Nathalie Warmerdam, sœur bien-aimée du baryton Joshua Hopkins.

Empli de chagrin, de culpabilité et de colère, et soucieux d’attirer l’attention sur l’épidémie mondiale de violence sexiste, Hopkins a conçu un cycle de chansons qui est devenu Songs for Murdered Sisters. Cette nouvelle œuvre bouleversante du célèbre compositeur d’opéra et de mélodies Jake Heggie met en musique des textes inédits de la grande écrivaine Margaret Atwood. Commande conjointe de l’Orchestre du Centre national des Arts et du Houston Grand Opera pour Joshua Hopkins, Songs for Murdered Sisters est dédiée à la mémoire de Nathalie Warmerdam, Carol Culleton et Anastasia Kuzyk, ainsi que de Pat Lowther et Debbie Rottman. Un film paru en 2021 en a été tiré, réalisé par James Niebuhr, avec la participation du Houston Grand Opera, et l’œuvre a aussi été publiée sous la forme d’un album produit par la marque Pentatone, lancé en mars de la même année, avec le compositeur au piano. Le concert de ce soir avec l’Orchestre du CNA marque la création mondiale du cycle sous sa forme orchestrale.

Ce cycle de chansons retrace le parcours émotionnel et spirituel d’un homme dévasté par le meurtre de sa sœur. Voici en quels termes le compositeur Jake Heggie décrit chacune des chansons :

1. « Chaise vide »
Les fragiles harmonies évoquent une boîte à musique réduite au silence – une chaleur et une présence qui se sont évanouies – tandis que le chanteur contemple une chaise où sa sœur avait l’habitude de s’asseoir. Il ne reste rien, à présent, que le vide et l'éther.

2. « Enchantement »
Essayant de donner un sens au meurtre de sa sœur, le chanteur imagine des contes de fées et des fables qui pourraient expliquer son absence : quelque chose de magique et de mystérieux. La musique tourbillonne et pétille d'imagination et d'esprit, mais elle est hantée et finit par retomber dans la triste réalité.

3. « Colère »
Les accords lugubres, intemporels, prennent de l’ampleur alors que le chanteur imagine l'homme en colère qui a assassiné sa sœur. L’homme qu'elle avait essayé d'aimer. Il se la figure, ouvrant sa porte en toute innocence pour se retrouver face à une colère rouge et terrifiante.

4. « Rêve »
Une mélodie mélancolique plane dans le lointain sur un nuage de délicates harmonies, alors que le chanteur revoit sa sœur en rêve. Ils sont jeunes et n'ont aucune idée de ce que l'avenir leur réserve. Mais elle lui annonce qu'elle doit partir, et la terrible vérité s'abat sur les épaules de l’homme.

5. « Âme d’oiseau »
Alors qu’il se demande où pourrait se trouver l'âme de sa sœur bien-aimée, le chanteur cherche des réponses en contemplant les oiseaux dans le ciel. Quel oiseau serait-elle? La musique pétille, plonge et s’élève, évoquant le chant des oiseaux, comme un écho à cette longue quête émotionnelle.

6. « Perdues »
Le chanteur médite sur les innombrables femmes assassinées par des hommes en colère, jaloux et couards, depuis des milliers d'années. D’innombrables vies… d’innombrables larmes. Les accords font écho à ce sempiternel recommencement et à la tristesse qui l'entoure. 

7. « Rage »
Un vent habité passe comme un murmure à travers les cuivres, les percussions et les cordes graves de la harpe, tandis que la colère, la frustration et l'indignation du chanteur grandissent. Pourquoi n'a-t-il pas pu sauver sa sœur? Devrait-il la venger en tuant son assassin? La musique atteint presque un point d’ébullition, jusqu'à ce qu'il se demande si le fantôme de sa sœur n’attendrait pas autre chose de lui : « Ne pourrais-tu plutôt pardonner? » La musique s'épanouit soudainement, apportant avec elle une chaleur et une beauté nouvelles face à la possibilité de rédemption.  

8. Coda: « Chanson »
Une simple mélodie réconforte le chanteur qui s’aperçoit que lorsqu'il respire et chante, sa sœur est avec lui. Il fredonne. L'air vibre de l'éternel mantra – om.  

Note de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais)

 

CHANSONS POUR DES SŒURS ASSASSINÉES 
par Margaret Atwood


1. Chaise vide
Ma sœur, elle était
Une chaise vide désormais

Elle n’est plus,
N’existe plus

Maintenant elle est néant
Elle est de l’air maintenant
 

2. Enchantement
Si c’était une histoire
Que je racontais à ma sœur

Un troll de la montagne
L’aurait volée

Ou bien alors un magicien tordu
L’aurait transformée en pierre

Ou l’aurait enfermée dans une tour
Ou la cacherait au plus profond d’une fleur dorée

Il me faudrait voyager
À l’ouest de la lune, à l’est du soleil

Pour trouver la réponse ;
Je formulerais des paroles magiques

Et elle serait là, debout
Vivante et heureuse, n’ayant subi aucun mal

Mais ce n’est pas une histoire.
Pas ce genre d’histoire...
 

3. Colère
La colère est rouge
La couleur du sang répandu

Il n’était que colère,
L’homme que vous avez tenté d’aimer

Vous avez ouvert la porte
Et la mort se tenait là

Mort rouge, colère rouge
Colère contre vous

D’être si vivante
Et non détruite par la peur

Que veux‐tu ? avez‐vous dit.
Rouge fut la réponse.


4. Rêve
Quand je dors, tu apparais
Je suis alors une enfant
Et tu es jeune et tu es toujours ma sœur

Et c’est l’été ;
Je ne sais rien de l’avenir,
Pas dans mon rêve

Je m’en vais, me dis‐tu
Pour un long voyage.
Je dois m’en aller.

Non, reste, je t’appelle
Tandis que tu deviens plus petite :
Reste ici avec moi et joue !

Mais soudain je suis plus âgée
Et il fait froid et il n’y a pas de lune
Et c’est l’hiver...  

           

5. Âme d’oiseau
Si les oiseaux sont des âmes humaines
Quel oiseau es‐tu ?
Un oiseau de printemps au chant joyeux ?
De haut vol ?

Es‐tu un oiseau du soir
Qui regarde la lune
Qui chante Seul, Seul,
Qui chante Mort prématurée ?

Es‐tu un hibou,
Prédateur aux douces plumes ?
Chasses‐tu, chasses‐tu sans relâche
L’âme de ton meurtrier ?

Je sais que tu n’es pas un oiseau,
Même si je sais que tu t’es envolée                                                                    
Si loin, si loin...
J’ai besoin de te savoir quelque part...                                                                          

 

6. Perdues
Tant de sœurs perdues
Perdues, tant de sœurs

Au fil des années, de ces milliers d’années
Tant d’elles, au loin, envoyées

Trop tôt dans l’obscurité
Par des hommes qui pensaient agir en toute légalité

Rage et haine
Jalousie et peur

Tuées, tant de sœurs
Au fil des années, de ces milliers d’années

Tuées par des hommes apeurés
Qui voulaient être plus grands                                                                           

Au fil des années, de ces milliers d’années
Tant de sœurs perdues

Tant de larmes répandues...

              

7. Rage
Je suis arrivée trop tard,
Trop tard pour te sauver.

Je ressens la rage et la douleur
De mes propres doigts,

De mes propres mains
J’entends la rouge injonction

De tuer l’homme qui t’a tuée :
Ce ne serait que justice :

Lui entravé, lui jamais plus,
En pièces au plancher,

Lui brisé.
Pourquoi serait‐il encore ici              

Et pas toi ?
C’est ça que tu souhaites que je fasse,

Fantôme de ma sœur ?
Ou bien le laisserais‐tu exister ?

Choisirais‐tu plutôt de pardonner ?                                                                              

              

8. Coda : Chanson
Si tu étais une chanson
Quelle chanson serais‐tu ?

Serais‐tu la voix qui chante,
Serais‐tu la musique ?

Quand je chante cette chanson pour toi
Tu n’es pas la vacuité de l’air

Tu es ici,
Un souffle et puis un autre :

Tu es ici avec moi...

JOHANNES BRAHMS

Symphonie no 4 en mi mineur, op. 98

I. Allegro non troppo
II. Andante moderato
III. Allegro giocoso
IV. Allegro energico e passionate

Lorsque le critique autrichien et champion de Brahms Eduard Hanslick a entendu pour la première fois le mouvement d’ouverture de la Symphonie no 4, sous la forme d’un arrangement pour piano exécuté par le compositeur et un ami, il a émis le commentaire suivant, resté fameux : « J’ai eu l’impression d’être battu par deux personnes incroyablement intelligentes. » Sans doute, la Quatrième Symphonie est une œuvre hautement intellectuelle, dans laquelle Brahms synthétise de manière créative la structure classique en quatre mouvements, les procédés de la musique baroque, ainsi que le langage harmonique et les principes esthétiques de développement et d’unité motiviques de l’ère romantique. Pourtant, cette symphonie est également d’une grande profondeur émotive; elle est empreinte d’une gravité, d’une solennité qui en impose. Elle est intensément passionnée, embrassant à la fois les tourments intérieurs et la tendresse, et cependant toujours soumise à l’étroite fusion de la forme et de la technique.

Brahms a écrit la Quatrième en deux étés, en 1884 et 1885. Il a dirigé lui-même l’Orchestre de la Cour de Meiningen à la création de l’œuvre, le 25 octobre 1885, et la symphonie a ensuite fait l’objet d’une tournée triomphale à travers l’Allemagne et les Pays-Bas. Depuis, cette œuvre s’est imposée jusqu’à nos jours comme le couronnement de la production symphonique de Brahms.

L’un des traits caractéristiques de la Quatrième Symphonie est l’utilisation quasi constante de variations thématiques. Dans le premier mouvement en mi mineur, par exemple, la mélodie d’ouverture – une séquence descendante de motifs descendants et ascendants – est soumise à un traitement diversifié tout au long du mouvement. Une fanfare de vents précédant l’envolée du flamboyant second thème aux violoncelles et aux cors est également manipulée en conséquence, notamment en étant combinée à un motif nerveux exécuté par les cordes. Ce « tournant » est utilisé à des fins dramatiques au début de la reprise – comme une réponse mystérieuse à une nouvelle interprétation lente du premier thème par les bois – après quoi le mouvement reprend son cours.

L’Andante moderato en mi majeur présente trois thèmes dans la première moitié du mouvement qui, lorsqu’ils sont repris dans la seconde moitié, sont développés et intensifiés sur le plan émotionnel. Écoutez l’austère second thème prendre de la hauteur jusqu’à son vertigineux point culminant, auquel s’enchaîne le troisième thème, joué « tout en douceur » la première fois, qui s’élève à présent vers des sommets de passion. Le troisième mouvement est une danse vigoureuse en do majeur composée de deux mélodies – la première dynamique et trépidante, la seconde gracieuse et délicate. Sa structure est un détournement original du scherzo et du trio, dans lequel le trio – avec une version allongée de l’air d’ouverture à laquelle les cors confèrent de la chaleur – a pour effet de perturber momentanément le début de la reprise du scherzo.

Brahms met la technique de la variation en relief dans le finale en mi mineur. Utilisant la forme de la passacaille baroque, il déploie trente variations sur un thème de huit notes, lui-même adapté de la ligne de basse ascendante de la Cantate no 50 de J.-S. Bach, Nach dir, Herr, verlanget mich (Vers toi, Seigneur, j’aspire). Après que les vents et les cuivres aient présenté le thème majestueux, les variations se déroulent en sept sections. Les variations 1 à 3 mettent de l’avant une mélodie noble et passionnée (var. 4), laquelle subit ensuite un traitement de plus en plus énergique dans les variations 5 à 9. Une transition empreinte de mystère (var. 10,11) débouche sur le centre apaisé du mouvement, avec des variations contemplatives où interviennent la flûte solo, la clarinette et le hautbois, ainsi que les trombones (var. 12 à 15). Le thème original fait soudainement irruption; à partir de la variation 17, la tension monte, pour atteindre son apogée avec des cordes impétueuses à la variation 21. Les variations 22 à 26 explorent des motifs de triolets; 27 à 30, des séquences de « tierces descendantes » (qui renvoient à la mélodie d’ouverture du premier mouvement). Au début de la coda, le thème original fait sa dernière apparition, empreint d’une urgence et d’une intensité nouvelles. Après avoir atteint un point culminant, la musique poursuit sa course effrénée jusqu’à la fin.

Note de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais)

Artistes

  • Chef d'orchestre Alexander Shelley
  • Baryton Joshua Hopkins
  • Texte Margaret Atwood
  • Compositeur Jake Heggie
  • Avec Orchestre du CNA

Orchestre du CNA

Premiers violons
Yosuke Kawasaki (violon solo)
Jessica Linnebach (violon solo associée)
Noémi Racine Gaudreault (assistante violon solo)
Jeremy Mastrangelo
Marjolaine Lambert
Emily Westell
Manuela Milani
Emily Kruspe
*Erica Miller
*Martine Dubé
*Renée London
*Oleg Chelpanov

Seconds violons
Mintje van Lier (solo)
Winston Webber (assistant solo)
Leah Roseman
Carissa Klopoushak
Frédéric Moisan
Zhengdong Liang
Karoly Sziladi
Mark Friedman
**Edvard Skerjanc
*Andréa Armijo Fortin
*Heather Schnarr

Altos
Jethro Marks (solo)
David Marks (solo associé)
David Goldblatt (assistant solo)
David Thies-Thompson
Paul Casey
*Tovin Allers
*Sonya Probst

Violoncelles
Rachel Mercer (solo)
**Julia MacLaine (assistante solo)
Timothy McCoy
Leah Wyber
Marc-André Riberdy
*Karen Kang
*Desiree Abbey
*Daniel Parker

Contrebasses
*Joel Quarrington (solo invité)
Max Cardilli (assistant solo)
Vincent Gendron
Marjolaine Fournier
*Paul Mach
**Hilda Cowie

Flûtes
Joanna G'froerer (solo)
Stephanie Morin

Hautbois
Charles Hamann (solo)
Anna Petersen

Cor Anglais
Anna Petersen

Clarinettes
Kimball Sykes (solo)
Sean Rice

Bassons
Darren Hicks (solo)
Vincent Parizeau
*Carmelle Préfontaine

Cors
Lawrence Vine (solo)
Julie Fauteux (solo associée)
Elizabeth Simpson
Lauren Anker
Louis-Pierre Bergeron
*Olivier Brisson

Trompettes
Karen Donnelly (solo)
Steven van Gulik

Trombones
*Peter Sullivan (solo invité)
Colin Traquair

Tuba
Chris Lee (solo)

Timbales
*Michael Kemp (solo invité)

Percussions
Jonathan Wade
*Louis Pino

Harpe
*Angela Schwarzkopf

Musicothécaire principale
Nancy Elbeck

Musicothécaire adjoint
Corey Rempel

Chef du personnel
Meiko Lydall

Chef adjointe du personnel
Laurie Shannon

* Musiciens surnuméraires
** En congé