Ciboure, Pyrénées-Atlantiques, France, 7 mars 1875
Paris, 28 décembre 1937
Ravel aurait eu l’intention d’écrire un concerto pour piano dès 1906, puis à nouveau en 1914, mais l’œuvre qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de Concerto pour piano en sol a bel et bien été composée entre 1929 et 1931, en même temps que le Concerto pour la main gauche. L’œuvre a été créée à Paris le 14 janvier 1932 par l’Orchestre des concerts Lamoureux; à l’origine, Ravel avait prévu d’interpréter lui-même la partie pour piano, mais en raison de sa santé chancelante, il confia le rôle de soliste à la dédicataire de l’œuvre, Marguerite Long; il se contenta de diriger l’orchestre. Ravel et Long firent ensuite une tournée d’une vingtaine de villes européennes pour faire connaître le concerto. Marguerite Long en fit un enregistrement avec le chef d’orchestre portugais Pedro de Freitas Branco.
Plusieurs éléments combinés influent sur le style et la forme de cette œuvre. Dès les premières mesures, la musique basque est immédiatement perceptible : le thème exubérant du piccolo est très proche du style des chansons folkloriques basques. Le deuxième thème, énoncé tout d’abord au piano, suggère l’influence de l’Espagne voisine; Ravel avait passé beaucoup de temps au Pays basque au cours de l’été et de l’automne 1929, époque où il entreprit l’écriture du concerto. L’année suivante, sa ville natale de Ciboure (petite ville côtière du golfe de Gascogne, à la frontière entre la France et l’Espagne) honorait le compositeur, renforçant ainsi ses liens avec son pays natal.
L’influence du jazz est encore plus prononcée, peut-être, que les racines culturelles du compositeur, dans le concerto, et cela, sans doute en raison de la tournée que Ravel effectua aux États‑Unis en 1928; il avait visité des clubs de jazz de La Nouvelle-Orléans et de Harlem, et entendu plusieurs orchestres de jazz, dont celui de Paul Whiteman. Il s’était aussi lié d’amitié avec George Gershwin; il y avait entre eux une grande admiration mutuelle et on peut noter dans le concerto de Ravel l’influence du Concerto pour piano en fa de Gershwin, en particulier dans le premier mouvement avec ses notes de blues, ses harmonies et ses rythmes de jazz.
Ravel affirmait que la musique d’un concerto devait être légère et brillante et ne rechercher ni la profondeur ni les effets dramatiques. À ce titre, le Concerto en sol est une splendide réussite et Ravel aimait à le présenter comme un « divertissement de luxe ».
— Traduit d’après Robert Markow
I. Adagio – Allegro molto
II. Largo
III. Scherzo : Molto vivace
IV. Allegro con fuoco
Après le deuxième mouvement, des tonnerres d’applaudissements retentissent de toutes parts. Tout le monde se tourne vers le chef d’orchestre Anton Seidl. Enfin, le public découvre un homme de taille moyenne, solidement charpenté, droit comme un sapin de la forêt dont il interprète si magnifiquement la musique. De tous les coins de la salle s’élève un cri : ‘Dvořák! Dvořák!’ Et tandis que le compositeur s’incline, nous avons l’occasion d’observer ce poète du son capable d’émouvoir le cœur d’un si vaste auditoire. […] M. Dvořák, les mains tremblantes d’émotion, adresse ses remerciements à M. Seidl, à l’orchestre et au public, puis il disparaît à l’arrière-plan tandis que la symphonie se poursuit.
C’est en ces termes que le critique du New York Herald a évoqué la création de la Symphonie du Nouveau Monde, donnée par l’Orchestre philharmonique de New York au Carnegie Hall le 15 décembre 1893. À en croire ce compte rendu, l’œuvre semble avoir connu un succès sans équivoque, mais c’est loin d’être le cas. Même la popularité actuelle de l’œuvre – elle est régulièrement jouée par des orchestres du monde entier depuis le début du XXe siècle – cache une histoire et un héritage plus compliqués et problématiques, comme l’a révélé de manière incisive le musicologue Douglas Shadle dans sa récente étude historique de l’œuvre. Alors que les lois Jim Crow s’imposaient à la fin du XIXe siècle, la composition, l’exécution et la réception initiale de cette symphonie ont soulevé de nombreuses questions relatives au nationalisme musical, à l’esthétique et à la politique raciale, dont les effets résonnent encore aujourd’hui dans la culture musicale classique américaine.
La Symphonie du Nouveau Monde est la première des nombreuses œuvres que Dvořák a achevés après son arrivée à New York, en 1892, en tant que directeur artistique et professeur de composition au National Conservatory of Music. La présidente de l’institution, Jeannette Thurber, l’avait invité, persuadée que le compositeur tchèque, alors au sommet de sa gloire, pourrait contribuer à orienter la création d’un style « national » américain de musique savante. Alors qu’il réfléchissait à la forme que cela pourrait prendre, Dvořák fut initié aux spirituals afro-américains par l’un des étudiants noirs du conservatoire, Henry Thacker Burleigh, et reçut également des transcriptions de mélodies autochtones de la part du critique Henry Krehbiel. Finalement, il est arrivé à ce qu’il pensait être la voie à suivre. Dans un entretien accordé au New York Herald, publié en mai 1893, le compositeur déclarait que la musique de la diaspora africaine « doit être le véritable fondement de toute école de composition sérieuse et originale à développer aux États-Unis. »
La déclaration de Dvořák, parue quelques mois avant la création de la symphonie, s’est avérée explosive, car de nombreux critiques et compositeurs blancs ont réagi de diverses manières, faisant souvent apparaître des points de vue racistes. Si certains étaient d’accord avec lui, d’autres estimaient que les mélodies de la diaspora africaine étaient une musique trop triviale pour être « élevée » au rang de la musique savante (européenne); plusieurs ont soutenu que cette musique n’était même pas authentiquement américaine, tandis que d’autres affirmaient que les « meilleures » de ces mélodies avaient été écrites par des Blancs comme Stephen Foster. Il ne leur est pas venu à l’esprit que les instrumentistes et compositeurs noirs de l’époque pouvaient avoir leur mot à dire sur la question.
Lorsque Dvořák est arrivé aux États-Unis, Thurber lui a offert un exemplaire du poème épique de Henry Longfellow, The Song of Hiawatha, en espérant qu’il écrirait d’abord un opéra. Mais il a plutôt composé une symphonie en quatre mouvements, un choix peut-être plus judicieux, étant donné que les critiques de la fin du XIXe siècle considéraient la symphonie comme le type de composition orchestrale le plus prestigieux et que, malgré ses origines germaniques, elle était perçue comme un mode d’expression universel. Sur le plan structurel, la Symphonie du Nouveau Monde se déploie de manière conventionnelle, avec des mouvements extérieurs rapides (le premier s’ouvre sur une introduction lente) encadrant un mouvement lent suivi d’un scherzo et trio, dont Dvořák a noté qu’ils étaient tous deux influencés par le poème de Longfellow (le dernier évoquant le repas de noces d’Hiawatha). En ce qui concerne le matériau thématique de la symphonie, de même qu’il s’était inspiré de la forme, des teintes et de « l’esprit » de la musique folklorique tchèque pour créer des airs originaux pour ses œuvres précédentes, le compositeur a fait des mélodies de la diaspora africaine la matière première de son inspiration et les a manipulées en conséquence. (Dvořák ne voyait pas ce que cette appropriation pouvait avoir de problématique, ignorant, comme l’a dit Shadle, « les liens historiques et émotionnels de cette musique avec les corps noirs ».) Conformément au principe vénéré de l’unité thématique, des motifs musicaux de l’Allegro molto reviennent dans les mouvements ultérieurs, comme son premier et son dernier thème qui apparaissent simultanément au point culminant du deuxième mouvement, avec la mélodie principale envoûtante du Largo; le scherzo comporte également des réminiscences des mêmes thèmes; et dans le finale, des mélodies des premier et deuxième mouvements réapparaissent dans la coda, la symphonie se terminant sur une reprise flamboyante du thème d’ouverture de l’Allegro molto.
Une question demeure : la Symphonie du Nouveau Monde rend-elle un son authentiquement américain? Certains critiques du temps de Dvořák n’en étaient pas convaincus, affirmant que ce que le compositeur avait écrit sonnait plus slave ou même irlandais, des comparaisons qui n’étaient pas totalement dénuées de sentiments racistes dans l’Amérique du XIXe siècle. Ainsi, même si nous restons sensibles aujourd’hui à l’attrait et à la puissance de cette œuvre, il nous faut également regarder en face les complexités historiques de sa création et l’héritage de son exécution.
Notes de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais)
Décrit comme « un communicateur né, sur scène comme dans la vie » (The Telegraph), Alexander Shelley se produit sur six continents avec les plus grands ensembles et solistes de la planète.
Reconnu pour sa technique de direction « impeccable » (Yorkshire Post) et pour « la précision, la distinction et la beauté de sa gestique […] quelque chose que l’on n’a plus vraiment vu depuis Lorin Maazel » (Le Devoir), le maestro est aussi célébré pour la clarté et l’intégrité de ses interprétations et pour la créativité et l’audace de sa programmation. Il a à ce jour dirigé plus de 40 premières mondiales d’envergure, des cycles acclamés des symphonies de Beethoven, de Schumann et de Brahms, des opéras, des ballets et des productions multimédias novatrices.
Il est depuis 2015 directeur musical de l’Orchestre du Centre national des Arts du Canada et premier chef associé de l’Orchestre philharmonique royal de Londres. En avril 2023, il a été nommé directeur artistique et musical d’Artis—Naples en Floride, prenant ainsi les rênes artistiques de l’Orchestre philharmonique de Naples et de tous les volets de cette organisation multidisciplinaire. La saison 2024-2025 est sa première à ce poste. Alexander Shelley ajoute également à ses autres fonctions de chef d’orchestre une nomination au poste de directeur artistique et musical de l’Orchestre symphonique du Pacifique (dans le comté d’Orange, à Los Angeles). Il sera directeur musical désigné à compter de septembre 2025 avant d’entamer son premier mandat de cinq ans à la saison 2026-2027.
Alexander Shelley se produira également cette saison avec l’Orchestre symphonique de la Ville de Birmingham, l’Orchestre symphonique du Colorado, l’Orchestre philharmonique de Varsovie, l’Orchestre symphonique de Seattle, le Chicago Civic Orchestra et l’Orchestre symphonique national d’Irlande. Il est régulièrement invité par les plus grands orchestres d’Europe, d’Amérique, d’Asie et d’Australasie, dont l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, le Konzerthausorchester Berlin, l’Orchestre de la Suisse Romande, les orchestres philharmoniques d’Helsinki, de Hong Kong, du Luxembourg, de Malaisie, d’Oslo, de Rotterdam et de Stockholm et les orchestres symphoniques de Sao Paulo, de Houston, de Seattle, de Baltimore, d’Indianapolis, de Montréal, de Toronto, de Munich, de Singapour, de Melbourne, de Sydney et de Nouvelle-Zélande.
Alexander Shelley a succédé à Pinchas Zukerman à titre de directeur musical de l’Orchestre du Centre national des Arts du Canada en septembre 2015, devenant le plus jeune chef à occuper ce poste dans l’histoire de l’ensemble. Ce dernier a depuis été qualifié de « transformé », « passionné », « ambitieux » et « déchaîné » (Ottawa Citizen) et classé parmi les plus audacieux en Amérique du Nord pour sa programmation (Maclean’s). Le maestro a mené ses troupes dans des tournées d’envergure au Canada, en Europe et au Carnegie Hall, où il a dirigé la première de la Symphonie no. 13 de Philip Glass.
À la tête de l’Orchestre du CNA, Alexander Shelley a commandé des œuvres révolutionnaires, dont Réflexions sur la vie et RENCONTR3S, et fait paraître plusieurs albums finalistes aux prix Juno. En réaction à la pandémie et aux questions de justice sociale qui dominent notre époque, il a lancé les séries vidéo L’OCNA en direct et INCONDITIONNEL.
En août 2017 se concluait le mandat du maestro Shelley à la direction de l’Orchestre symphonique de Nuremberg, période décrite comme un âge d’or par la critique et le public.
Sur la scène lyrique, Alexander Shelley a dirigé La veuve joyeuse et le Roméo et Juliette de Gounod (Opéral royal danois), La bohème (Opera Lyra / Centre national des Arts), Louis Riel (Compagnie d’opéra canadienne / Centre national des Arts), Iolanta (Deutsche Kammerphilharmonie de Brême), Così fan tutte (Opéra Orchestre National Montpellier), Les noces de Figaro (Opera North), Tosca (Innsbruck) ainsi que Les noces de Figaro et Don Giovanni en version semi-scénique au CNA.
Lauréat du prix ECHO et du Deutsche Grunderpreis, le chef s’est vu décerner en avril 2023 la Croix fédérale du Mérite par le président allemand Frank-Walter Steinmeier en reconnaissance de ses services à la musique et à la culture.
À titre de fondateur et directeur artistique de la Schumann Camerata et de sa série avant-gardiste 440Hz à Düsseldorf et de directeur artistique du projet Zukunftslabor de la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême, ainsi que par ses nombreuses tournées à la tête de l’Orchestre national des jeunes d’Allemagne, il cherche constamment à inspirer les futures générations d’instrumentistes et d’adeptes de musique classique.
Alexander Shelley fait régulièrement des présentations instructives et passionnées sur ses programmes avant et après les concerts. Il participe aussi à de nombreuses entrevues et produit des balados sur le rôle de la musique classique dans la société. Seulement à Nuremberg, il a accueilli en neuf ans plus d’un demi-million de personnes aux concerts annuels du Klassik Open Air, le plus grand événement de musique classique d’Europe.
Né à Londres en octobre 1979 et fils de célèbres pianistes concertistes, Alexander Shelley a étudié le violoncelle et la direction d’orchestre en Allemagne. Il s’est d’abord signalé en remportant à l’unanimité le premier prix au Concours de direction d’orchestre de Leeds en 2005. La critique l’a décrit comme « le jeune chef d’orchestre le plus passionnant et le plus doué à avoir récolté ce prix hautement prestigieux ».
Le poste de directeur musical bénéficie du soutien d’Elinor Gill Ratcliffe, C.M., O.N.L., LL.D. (hc).
« Une musique cristalline, pénétrante et lyrique » – The New York Times
« Un musicien d’un raffinement et d’une imagination hors du commun » – Boston Globe
Les interprétations et la technique de Jan Lisiecki témoignent d’une maturité bien au-dessus de son âge. À 28 ans, le pianiste canadien donne plus d’une centaine de concerts par année dans le monde entier, et il a travaillé et développé des liens étroits avec les plus grands chefs d’orchestre et les plus prestigieux ensembles de notre temps.
En juillet, il sera de retour aux BBC Proms au Royal Albert Hall de Londres avant de se produire pour la première fois avec l’Orchestre philharmonique de Berlin et de donner un récital dans l’auditorium principal du Carnegie Hall devant quelque 2800 personnes. Récemment, il a joué au sein de nombreux orchestres célèbres, dont l’Orchestre philharmonique de New York, l’Orchestre symphonique de Boston, l’Orchestre symphonique de Chicago, l’Orchestre de Paris et la Staatskapelle de Dresde. Artiste résident de l’Elbphilharmonie de Hambourg en 2022-2023, il a également obtenu une résidence à la Philharmonie de Cologne la même année.
Il n’était âgé que de quinze ans quand il a signé un contrat d’enregistrement exclusif avec Deutsche Grammophon. La marque a lancé ses célébrations de l’année Beethoven 2020 en publiant un enregistrement en direct des cinq concertos de Beethoven au Konzerthaus de Berlin, avec Jan Lisiecki au piano et à la direction de l’Academy of St Martin in the Fields. Ses enregistrements ont été récompensés par des prix JUNO, ECHO Klassik et Diapason d’Or. Son huitième enregistrement pour la prestigieuse étiquette, un album double consacré à l’intégrale des Nocturnes de Chopin, qu’il présente dans son programme actuel de récitals dans plus de 30 villes à travers le monde, a été lancé en août 2021, et est disponible sous forme de vinyle depuis février 2022; l’album s’est immédiatement placé en tête des classements classiques en Amérique du Nord et en Europe.
À dix-huit ans, il est devenu le plus jeune lauréat du prix Gramophone du jeune artiste de l’année, et il a reçu le prix Leonard Bernstein. Il a été nommé ambassadeur de l’UNICEF au Canada en 2012.
Le contre-ténor canado-coréen David DQ Lee jouit d'une réputation qui s'accroît de jour en jour au sein de sa génération. Il a remporté de nombreux prix dans des compétitions internationales de chant, y compris le concours international de chant Francisco Viñas à Barcelone; le concours George London à New York; le concours international de musique sacrée de Rome; le concours musical international Reine Élisabeth de Belgique; et les auditions du Conseil national du Metropolitan Opera de New York.
Cultivant un vaste répertoire allant du baroque au contemporain, en passant par le jazz et le New Age, David DQ Lee a chanté, entre autres, à La Scala de Milan, au Komische Oper de Berlin, au Semperoper de Dresde, au Theater an der Wien, à l’Opernhaus de Zurich, au Teatro Real de Madrid, au Liceu Opera de Barcelone et au Chicago Opera. Il s’est produit dans plusieurs festivals internationaux, en particulier à Ravinia, à Aspen et au Festival international d’opéra baroque de Beaune, en France.
M. Lee a fait ses débuts au CNA dans la première mondiale de Golden slumbers kiss your eyes… d’Ana Sokolović en 2015. Il collabore depuis avec l’Orchestre du CNA. On peut entendre sa voix sur l’album Nouveaux Mondes, lancé en 2018 sous étiquette Analekta.