par Jean Marc Dalpé, Alexis Martin et Yvette Nolan
L’idée de ce spectacle a germé il y a de ça maintenant cinq ans, alors qu’un soir d’hiver tranquille, Jean Marc et Alexis conversaient paisiblement sur le silence qui recouvre souvent l’histoire des francophones d’Amérique, spécialement ceux qui sont hors du Québec…
Que savent nos enfants et que sauront nos petits-enfants de la fantastique aventure de ces francos qui se sont répandus à travers cet immense continent, de leurs rencontres inouïes avec des peuples aux traditions aussi riches que celles des Premières Nations du Canada ? Que retiendront-ils de l’invention du Canada, alors qu’on « célèbre » un 150e anniversaire empreint de doutes ?
Que ce pays s’est formé sans heurts ? Que les différents peuples qui y habitaient se sont fondus sans faire de bruit dans le creuset canadien, symbole de « modernité » et de « progrès » ?
Dans le dernier quart du XIXe siècle, alors que les financiers de Montréal et de Toronto traçaient les plans d’une nation dominée par l’élite économique de « souche européenne », un peuple issu du métissage de Canadiens français (d’Écossais, d’Irlandais) et des différentes nations autochtones, les Métis du Nord-Ouest, revendiquait ses droits sur un territoire qui lui glissait littéralement sous les pieds, à mesure que le chemin de fer transcontinental déroulait sa piste d’un océan à l’autre.
Raconter l’histoire des Métis de l’Ouest ! Raconter la fabuleuse aventure de Gabriel Dumont, le général de Louis Riel ! Raconter aux gens de l’est du pays ce qui s’est passé dans l’Ouest et, à travers la mise en regard de ces deux époques, comprendre un peu mieux qui nous sommes et ce que nous avons malheureusement perdu en chemin. Pour que ceux qui nous suivent gardent en mémoire ce qui est toujours présent, ce qui n’est pas mort, ce qui demande à être entendu encore et encore.
Mais comment raconter une histoire dont nous avons perdu le fil, dont les échos ont été trop longtemps filtrés par des institutions qui n’entendent plus les héritiers de ces communautés qui furent au cœur des résistances métisses de 1870 et de 1885 ?
C’est ici que les deux garçons de l’Est, dans un élan d’humilité nécessaire, se sont tournés vers l’Ouest pour entrer en contact avec des écrivains des communautés autochtones, fransaskoises et manitobaines (et aussi du nord de l’Ontario), dans le but de constituer un collectif où toutes les parties qui ont pris part au conflit, à travers leurs descendants, trouvent leur voix ! Avec Yvette Nolan, Maureen Labonté, Ken T. Williams et encore Geneviève Pelletier, ils ont pu mettre sur pied ce groupe, qu'ils espèrent représentatif.
C’est le pari que le collectif a fait : écrire ensemble cette épopée du capitaine de la chasse au bison, Gabriel Dumont, pour qu’à nouveau résonnent sous le chapiteau les langues et les intonations de nations qui, bien avant la constitution du Canada, foulaient ce territoire indompté. Que leurs paroles portées par le vent des Plaines reviennent nous hanter ! Qu’elles nous rappellent que résister n’est pas un vain mot pour tant de femmes et d’hommes… Et pour reprendre les mots de Riel avant son exécution : « Un gouvernement fou et irresponsable nous a transformés en loups. Et comme le loup, nous défendons nos enfants bec et ongle. »