Last updated: September 10, 2021
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« Crowbar, ça ferait un bon titre pour une pièce de théâtre, tu devrais l’écrire. » C’est ainsi que je me souviens du défi accepté d’écrire un texte avec ce titre lancé tout bonnement en 2013 lors d’une discussion amicale sur Facebook. Une récente vérification m’a confirmé qu’entre mon souvenir et la vérité il y avait eu une légère altération (tout comme le titre), mais il me semble que cette vérité altérée convient mieux à cette histoire, donc je la garde. Parce que c’est sur cette ligne plus ou moins fine entre le mensonge vrai, les demi-vérités, la vérité inventée et le véritable que vit ce village où la voiture d’ELLE s’apprête à arrêter, plus ou moins malgré elle.
Entre 2013 et 2021, c’est huit années, beaucoup de route, plusieurs déménagements, l’achat d’une maison, l’arrivée d’un enfant. Puis Crow Bar, c’est un peu tout ça, et en même temps un univers à part, avec ses propres règles, sa propre logique. Plusieurs des péripéties sont inspirées d’anecdotes qu’on m’a racontées, de lieux que j’ai connus, et qui arrêtent d’exister dans le réel pour donner quelque chose de complètement nouveau une fois sur scène, entre les corps des acteurs, la musique de Jason, les images de Jonah, l’espace scénique et les costumes de Claudie, les éclairages de Marc, la manipulation de Brigitte et Hugo, puis la vision de chef d’orchestre de Matthieu. C’est à travers eux que ces menteries voient le jour.
J’aime souvent dire qu’il existe dans un spectacle plusieurs pièces de théâtre, entre celle que j’ai écrite (qui elle-même a compté plusieurs versions), celle qui est lue dans un livre, celle qui a été travaillée pour la production, puis celle que vous voyez ce soir. C’est la coexistence de toutes ces pièces qui donne tout son sens au travail acharné derrière la vie qui s’apprête à se déployer, rendu ici, presque malgré moi.
Le parcours de Crow Bar n’a pas été sans embûche, mais il a surtout été le fruit de gens qui y ont cru et qui ont continué d’y croire, parfois plus que moi. Ce texte est dédié à Diane Losier, à qui je dois plus que je ne saurais l’écrire ici. Je tiens aussi à souligner la contribution exceptionnelle d’Alain Jean, mon ami, mon conseiller dramaturgique, et tellement plus que ça. Sans lui, ce texte n’existerait pas. Finalement, la première pièce professionnelle de théâtre que j’ai vue en maternelle en 1995-1996, Pépére Goguen, gardien de phare, est une production du théâtre l’Escaouette. Vingt-cinq ans plus tard, d’y avoir un texte produit qui parle de la mer, il me semble que c’est un môzusse de beau ressac. Merci à tous les membres de l’équipe qui ont cru et soutenu ce projet durant tout ce temps.
Ne me reste plus qu’à vous souhaiter que la malédiction des Joe soit avec vous. Bienvenue au village, que vous sachiez nager ou non.
Dans combien de réalités sommes-nous ? Au village du Crow Bar, la question se pose, mais la réponse ne vient jamais. Elle est comme un poisson glissant qui s’enfuit de nos mains si on le serre trop fort. Parce que pour vivre et survivre au Crow Bar, il faut accepter le flottement, l’incertitude et le paradoxal. Pour survivre la mise en scène de ce spectacle c’est aussi ce qu’il a fallu faire: Découvrir, débattre, s’obstiner dur, laisser faire… puis redécouvrir, accueillir, débattre, s’obstiner dur, laisser faire… puis redécouvrir… rire et enfin se réjouir.
L’univers de Gabriel exige l’engagement total si l’on veut bien apprécier la qualité de toute sa densité. Un peu comme avec une courtepointe, nous avons donc tissé des liens sensibles, rythmiques ou sémantiques afin de lier entre elles les différentes réalités de Crow Bar. Et vous verrez… Certaines sont tissées avec du fil de fer, d’autres avec de la laine, et d’autres flottent encore quelque part ce soir, dans la salle de spectacle.
Maintenant, comment passer sous silence les conditions de créations de ce spectacle puisque nous étions à l’hiver 2021, dans l’incertitude de la pandémie. Distanciations, masques, dédoublement d’accessoires… Courageusement, chaque artisan de la production à usé d’ingéniosité et de résilience afin de trouver chaque jour des aménagements afin d’allier l’artistique et le sanitaire; jumelage improbable s’il en est un!
Merci au théâtre l’Escaouette d’avoir tenu le cap malgré le brouillard et d’avoir permis à des artistes professionnels d’exercer leur métier alors que tout pointait vers le contraire. Merci à Gabriel pour sa confiance, aux acteurs et aux actrices pour votre fidélité et votre dévouement, et aux concepteurs pour vos phénomènes artistiques. Je vous attends maintenant tous au Crow Bar, c’est ma tournée.
Merde