2020-03-11 19:30 2020-03-14 21:30 60 Canada/Eastern 🎟 NAC: L’Iliade

https://nac-cna.ca/en/event/21658

In the hands of director Marc Beaupré and music designer Stéfan Boucher, The Iliad becomes a choreography of fights, a chant with haunting rhythms. The millennial story of the Trojan War takes on new life, conveyed through the sharp and elegant performances of ten remarkable artists. Paris’s love for Helen wreaks havoc. The Greeks lay siege to the Trojans to take back the legendary beauty. Achilles, the brave warrior, who an oracle has predicted will either...

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Babs Asper Theatre,1 Elgin Street,Ottawa,Canada
March 11 - 14, 2020
March 11 - 14, 2020

≈ 1 hour and 35 minutes · No intermission

Last updated: February 27, 2020

This program is only in French ›

MA MÈRE M’A DIT QUEL SERAIT MON DESTIN :
SI JE RESTE ICI, À TROIE, JE MOURRAI, MAIS MA GLOIRE SERA ÉTERNELLE; SI JE RENTRE CHEZ MOI, DANS MA TERRE, IL N’Y AURA PAS DE GLOIRE, MAIS J’AURAI UNE LONGUE VIE, AVANT QUE LA MORT, EN MARCHANT, ME REJOIGNE.

— ACHILLE

Le verbe pour glaive :
entrevue avec MARC BEAUPRÉ

Par SARA FAUTEUX
Publiée le 6 novembre 2017 sur le site du journal Le Devoir

Marc Beaupré fréquente les classiques depuis le tout début de son parcours comme metteur en scène. Sa démarche est remarquable (et remarquée) dans notre paysage théâtral qui, somme toute, s’intéresse peu au répertoire, et encore plus rarement de manière aussi audacieuse. Ce comédien de formation se tourne vers la mise en scène en 2012 et s’attaque à des pièces de Camus, de Molière, de Shakespeare, et maintenant d’Homère. « Quand j’ai commencé à vouloir créer des spectacles, c’était d’abord pour essayer de transmettre ce qui m’avait bouleversé moi-même à la lecture de certaines œuvres. J’en ai pour une vie si je veux faire ça. » Une vie, à tout le moins. Son Iliade [qui prenait l’affiche au Théâtre Denise-Pelletier, à Montréal, en novembre 2017], il la porte depuis bientôt sept ans.

L’impossibilité de représenter sur scène tout ce qui est contenu au niveau narratif, formel ou visuel, dans les textes denses qu’il affectionne devient rapidement un moteur pour Beaupré. Une contrainte scénique qui lui permet de s’approprier complètement les œuvres dans son travail d’adaptation. « Je deviens de plus en plus audacieux dans ma façon de travailler les textes. Le Hamlet que nous avons fait au printemps [2017] était radicalement amputé. Et c’est encore pire avec L’Iliade », dit-il.

L’inspiration Baricco

En 2013, il termine la lecture de Homère, Iliade d’Alessandro Baricco. Même s’il ne conserve au final qu’une fraction de l’adaptation de Baricco, cette version en prose devient sa matière première, à laquelle se greffent des passages de versions plus anciennes et de nombreuses réécritures. Cette liberté, Marc Beaupré se l’accorde aussi cette fois-ci, sans doute parce qu’il sait que nous connaissons trop mal l’histoire de la colère d’Achille, son courroux légendaire. En effet, qui, parmi les spectateurs, relèvera les innombrables accrocs à la fable? Qui remarquera la disparition des dieux dans le récit, une innovation que Beaupré emprunte à Baricco? Qui s’étonnera d’y retrouver l’épisode du cheval de Troie, qui marque la fin de la guerre et qui est en fait tiré de L’Odyssée?

Ce que chaque spectateur, érudit ou néophyte, constatera immédiatement, c’est l’absence de toute représentation guerrière sur le plateau. « Il n’y a pas d’armes, pas de sang, pas d’armures, pas de combats. On s’efforce de traduire la guerre autrement, dans la façon de jouer avec les mots. C’est la prosodie qui est l’arme des comédiens. » Poursuivant sa recherche sur le son, Marc Beaupré s’allie au comédien et concepteur Stéfan Boucher pour mettre en place un dispositif sonore qui régit le jeu de ses dix comédiens. On passe du rap au chant sacré, les solos alternent, les chœurs se répondent. « Jouer avec les mots a amené la mélodie, la musique, le rythme, ce qui nous a menés aux percussions. Il y a un caractère très musical dans ce spectacle. »

La force de la démarche de Marc Beaupré se situe dans son souci constant de faire dialoguer le fond et la forme, d’articuler une métaphore scénique dans laquelle s’incarne le propos du texte. « Cette fois-ci, on veut que la métaphore, ce soit celle de la langue. Ce qu’on voit sur scène, c’est exactement le contraire de ce qu’on comprend, ce qui constitue pour moi le sens de l’art. Ici, on sait qu’on nous parle de guerre, que les personnages sont des ennemis, mais ce qu’on voit sur scène, ce sont des individus qui s’unissent pour raconter une histoire. »

MC Homère :
Entretien avec STÉFAN BOUCHER

Par JULIEN MORISSETTE
L’intégralité de cet entretien est publiée dans le Cahier Seize du Théâtre français, disponible en ligne ou à l’entrée de la salle.

Cette adaptation de L’Iliade est à la fois musicale et scénique. Comment cette rencontre entre la musique et le théâtre a-t-elle pris forme?

À la base, Marc Beaupré voulait trouver une façon de donner du rythme au texte d’Homère. Avec l’idée de présenter la guerre sous la forme d’un rap battle, le premier réflexe a été de travailler avec des chanteurs et rappeurs provenant du hip-hop québécois. On voulait actualiser le texte classique en lui insufflant du rythme, question d’interpeller les plus jeunes générations. Cependant, en faisant les ateliers, les artistes en hip-hop ont découvert que la forme du texte et ses rimes étaient très loin de ce qu’ils connaissaient. C’était impossible d’en faire une interprétation juste, surtout avec le chœur.

C’est à ce moment que vous avez commencé à travailler avec des comédiens venant plutôt du milieu théâtral?

Marc et moi avons rencontré beaucoup de comédiens, et ç’a complètement changé la donne. La rencontre entre le théâtre et la musique est parfois difficile parce qu’il faut trouver des artistes qui ont la capacité de passer facilement d’un moment musical à un moment théâtral. Tout ce que j’ai demandé à Marc, c’est que les acteurs retenus aient un naturel rythmique et qu’ils puissent facilement trouver le premier temps sur un beat, étant donné que l’univers musical est si important dans notre version. Puis après ça, pour ce qui est de chanter, pour ce qui est d’avoir une voix, leurs voix d’acteurs étaient amplement puissantes!

Quand on a commencé le travail en salle de répétition, je me suis retrouvé à diriger beaucoup plus que je pensais le faire et j’ai vraiment aimé ça. À un moment donné, j’ai décidé de mettre des bâtons dans les mains des acteurs parce que je voulais qu’ils participent activement au rythme. Ayant beaucoup travaillé dans diverses disciplines avec des artistes comme Dave St-Pierre, Frédérick Gravel et le Cirque Éloize, je sais que les rencontres entre les disciplines musicale et théâtrale sont toujours plus fructueuses lorsque les musiciens font du théâtre et que les acteurs se mettent à faire de la musique.

Comment dialoguent les mots et la musique durant le spectacle?

Sur scène, il y a un musicien qui improvise avec des synthétiseurs modulaires. Ça, c’est un gros défi pour les acteurs parce que la musique n’est jamais identique, soir après soir. Il y a des tableaux qui gardent une forme plus classique de chanson, mais en majeure partie, la composition est formée de « rendez-vous » dans la partition. Pour le dire simplement, on crée des repères entre les acteurs et les musiciens à partir de moments-clés dans l’action ou de mots précis dans le texte. Ça devient des événements sonores et musicaux. Après ça, c’est quand même aléatoire! On génère des sons à partir d’oscillateurs libres, alors on assume que nos partitions ne sont pas totalement contrôlées.

Après Troie

Par SIMON BOUDREAULT

Se battre et mourir dans la gloire ou vieillir dans l’oubli? Voilà le dilemme d’Achille. On raconte encore l’histoire de celui qu’on appelait le plus valeureux guerrier grec. Mais qu’est-il advenu des autres guerriers qui ont vécu et qui ne sont pas passés à l’Histoire? L’auteur Simon Boudreault crée une fiction autour d’un soldat qui a vieilli dans l’oubli.
— Louis-Karl Tremblay

 

Sur le coin d’une rue poussiéreuse dans la grande ville d’Athènes. Un vieil homme, assis près d’un vieux chien, quête. Il marmonne à l’oreille de son chien, comme un fou qui parle seul, sans arrêt. Les passants l’ignorent.

Un peu d’argent pour un ancien combattant? Personne ne m’écoute. On écoute seulement les poètes! Je hais les poètes. Vous ne savez pas qui je suis?!! Cela fait trop d’années que les Troyens ont été massacrés? Que sont devenues leurs richesses pillées, leurs femmes enlevées, leurs demeures brûlées? L’herbe a poussé sur les ruines de leur ville. Les corps abandonnés ont été avalés par la terre. Les cendres ont fait pousser des arbres. Quand nous sommes rentrés chez nous, couverts du sang de la gloire, les poètes ont chanté nos exploits! Mes exploits! On nous a fêtés... Mais nos bateaux dorés ont pourri dans nos ports, abandonnés, blanchis par le soleil et le vent marin. Nos armes ont rouillé, accrochées au-dessus des cheminées. Nos barbes ont blanchi, nos ventres se sont arrondis, nos muscles ont fondu. Il ne reste que les chansons de ces saletés de poètes. Ces chansons qui, chaque année, s’éloignent un peu plus de la vérité. On y parle de moins en moins de sang, de pleurs, de merde, de cris et de supplication. Certains noms ne sont plus nommés. Comme le mien. Moi qui ai combattu aux côtés d’Achille. Sans moi, c’est Hector qui aurait trainé son corps ensanglanté autour de notre campement. Sans moi, Hector n’aurait pas dû esquiver une de mes flèches, moment d’inattention pendant lequel Achille lui a planté son épée dans la gorge. Ce qui devait être un duel loyal fut un piège. On a tué Hector en traître. Les vainqueurs ne gagnent jamais loyalement. La loyauté c’est pour les morts. Mais qui voudrait d’un héros déloyal? Pas les poètes. Les chansons prennent bien le soin de cacher la laideur de la guerre. Achille prêt à tout pour vaincre. Achille le violent et le méprisant. Achille qui a pissé sur le corps d’Hector. Achille est devenu presque un Dieu. Les poètes le dépeignent comme un fils de déesse, beau et invincible. Qui se souvient de la laideur d’Achille? De ses dents jaunies? De la cruauté dans ses yeux? Et moi qu’on a rayé des chansons. Aurait-il fallu que je meure pour qu’on se souvienne de moi!? À quoi bon se souvenir. Les enfants m’appellent le vieux et jouent avec moi comme on le fait avec un vieux chien fatigué qui ne sait plus mordre. Les poètes sont des hypocrites qui rendent la guerre noble. Mais les enfants oublient que la guerre est laide et féroce et assassine. Peut-être est-ce pour ça qu’ils la referont? Troie est tombée. Mais on va l’oublier. Il ne restera que des héros fabriqués. Je hais les poètes.

Cette fiction est tirée du dossier L’Iliade, initialement rédigée pour le Cahier 99 (automne 2017) du Théâtre Denise-Pelletier, sous la direction de Louis-Karl Tremblay.

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SIMON BOUDREAULT a notamment écrit les pièces Sauce brune, En cas de pluie, aucun remboursementAs is (tel quel) [présenté au CNA en octobre 2015], Gloucester (coécrite avec Jean-Guy Legault) et Comment je suis devenu musulman.

Marc Beaupré et Stéfan Boucher empruntent au slam, au rap, au spoken word, à la poésie pour créer cette adaptation de L’Iliade en choisissant ce qu’ils appellent le verbe pour glaive. Nous vous invitons à lire dans le Cahier Seize du Théâtre français l’éclairant billet sur le slam qu’a écrit le poète et champion orateur Carl Bessette. Le cahier est disponible gratuitement à l’entrée de la salle ou en format PDF sur le site cna-nac.ca/tf.

Artists

International Alliance of Theatrical Stage Employees