Dernière mise à jour: 16 janvier 2023
CARLOS SIMON: Fate Now Conquers
DVOŘÁK: Concerto pour violon
BEETHOVEN: Symphonie no 5 en do mineur, opus 67
Natif d’Atlanta, en Géorgie, Carlos Simon (né en 1986) suscite un vif intérêt aux États-Unis et à l’étranger pour ses compositions qui vont de la musique de concert pour grands et petits ensembles aux musiques de films, avec des accents de jazz, de gospel et de néoromantisme. À travers sa musique, il cherche à lancer des conversations sur des questions de justice sociale. Sa pièce Portrait of a Queen, interprétée en octobre 2020 par l’Orchestre du Centre national des Arts avec Jonelle Sills comme narratrice, en est un bon exemple. Sur des paroles de Courtney D. Ware, l’œuvre retrace l’évolution de l’expérience des personnes noires aux États-Unis, vue par une femme noire. Lauréat de la médaille d’excellence Sphinx en 2021, Carlos Simon est actuellement compositeur en résidence au John F. Kennedy Center for the Performing Arts, écrivant régulièrement de nouvelles pièces pour le National Symphony Orchestra et le Washington National Opera.
Fate Now Conquers pour grand ensemble a été commandé par l’Orchestre de Philadelphie, pour ses concerts en hommage au 250e anniversaire de Ludwig van Beethoven en 2020. Carlos Simon explique que la pièce lui « a été inspirée par une note du carnet de Beethoven écrite en 1815. Cette note de journal contenait un passage de l’Iliade d’Homère :
‘L’Iliade. Le vingt-deuxième livre
Mais la Destinée triomphe à présent; je suis à elle, et pourtant elle ne partagera pas ma renommée; [la] vie est laissée à tout esprit noble. [….] Et ce qu’engendrera quelque grande action, toutes les vies en hériteront.’ »
Comme il le précise, en utilisant la « structure harmonique merveilleusement fluide » du deuxième mouvement de la Septième symphonie de Beethoven, il a « composé des gestes musicaux qui sont représentatifs des voies imprévisibles du destin. Des saccades incisives alliées à un groove agité pour chaque persona. Des arpèges frénétiques dans les cordes qui se transforment en une nuée équivoque de passages fluides évoquent l’incertitude de la vie qui plane sur nous. »
La première moitié de cette courte pièce est en effet quelque peu menaçante et lugubre. Après avoir atteint un paysage sonore scintillant, la texture s’amincit tandis qu’émerge un solo de violoncelle passionné. Il entonne une mélodie qui exprime l’acceptation angoissée (peut-être avec un soupçon de défi) des « voies imprévisibles du destin », et qui est reprise par la suite pour déboucher sur un finale énergique. Comme l’explique le compositeur, « nous savons que Beethoven s’est efforcé de surmonter de nombreux obstacles dans sa vie et a documenté ses aspirations pour qu’elles l’emportent en dépit des difficultés. Quelle que soit la raison précise pour laquelle il a reproduit ce passage particulièrement profond de l’Iliade, en fin de compte, il semble que Beethoven ait cédé à son destin. La Destinée est désormais triomphante. »
I. Allegro ma non troppo –
II. Adagio ma non troppo
III. Finale : Allegro giocoso ma non troppo
En novembre 1878, Antonín Dvořák accède à la célébrité pratiquement du jour au lendemain grâce à l’immense succès de sa première série de Danses slaves pour piano à quatre mains, que Fritz Simrock vient de publier. À la suite de ce triomphe, Simrock suggère à Dvořák, au début de 1879, de composer un concerto pour violon, lui conseillant de consulter, pour ce faire, l’éminent violoniste allemand Joseph Joachim. Cet été-là, Dvořák achève une ébauche du concerto et l’envoie à Joachim pour obtenir ses commentaires. Au printemps 1880, il a remanié l’œuvre de façon substantielle en se basant sur les suggestions du violoniste. Le développement ultérieur de l’œuvre est freiné (probablement en raison du calendrier de concerts chargé de Joachim) jusqu’en septembre 1882, lorsque le compositeur se rend à Berlin pour relire le concerto avec le violoniste. Bien que Joachim s’en déclare enchanté, il ne l’interprètera pas en public. C’est plutôt le talentueux violoniste tchèque František Ondřišek qui créera le concerto le 14 octobre 1883 et qui, au cours de sa carrière, en deviendra le principal champion à travers l’Europe.
Le concerto de Dvořák demeure un pilier du répertoire pour violon. Finement ouvragé, d’une grande complexité architectonique et riche en contenu musical, c’est un apport remarquable au genre. On peut présumer que la révision de 1880 a été substantielle (la version de 1879 a été détruite), car le compositeur a noté qu’il avait « conservé les thèmes, et en [a] composé de nouveaux aussi, mais la conception du concerto est entièrement différente ». Il fait peut-être allusion ici aux structures non conventionnelles des premier et deuxième mouvements, qui permettent une plus grande souplesse expressive. En effet, le mouvement d’ouverture en la mineur se déroule comme une fantaisie entre le violon et l’orchestre, le soliste développant le matériau musical sur un mode méditatif dans des passages rhapsodiques et complexes qui font appel à un large éventail de techniques virtuoses. (Comme l’a fait remarquer le musicologue Peter H. Smith, c’est probablement Joachim qui a orienté Dvořák dans cette direction, et le Concerto pour violon en sol mineur de Max Bruch, œuvre qui avait également bénéficié des conseils de Joachim, a vraisemblablement servi de modèle.) Ce n’est qu’après un long va-et-vient que le mouvement se déploie de manière plus conventionnelle, le violon solo présentant le thème principal plein de hardiesse; plus tard, on entend le second thème, d’abord paisible, puis de plus en plus dansant. S’ensuit un développement intensif des divers motifs jusqu’à ce que l’orchestre puis le violon solo en octaves réexposent l’air principal en apothéose. Cependant, au lieu de poursuivre avec la reprise attendue des thèmes et une cadence de soliste, Dvořák ne nous donne ni l’un ni l’autre; il offre plutôt des rêveries additionnelles sur la mélodie, dont la version finale est un air mélancolique dans le registre inférieur du violon avec des contre-mélodies par les instruments à vent.
Grâce à une ligne descendante entonnée par le hautbois, le deuxième mouvement s’enchaîne aussitôt, le violon introduisant un thème en fa majeur qui s’apparente à un hymne. Après que l’orchestre l’ait brièvement repris, le violon éclate soudainement dans une puissante mélodie par octaves, à laquelle répond le cor, mais la tension se dissipe rapidement avec une section pastorale mettant en relief des cors chaleureux et des trilles chantants au violon. Ces ambiances et thèmes contrastés alternent ainsi tout au long du mouvement, le violon poursuivant jusqu’à la fin sa pénétrante rhapsodie.
Le caractère méditatif des premiers mouvements fait place à un pétillant rondo final en la majeur, dont le joyeux thème principal est basé sur un furiant (une danse slave animée caractérisée par des accents changeants). Dans le premier épisode, des airs supplémentaires sont introduits par l’orchestre, tandis que le violon a amplement l’occasion de briller dans des figures de staccato entraînantes, des arpèges en cascades et des passages vigoureux à l’octave. Après la reprise du rondo, le deuxième épisode présente une dumka (un type de musique folklorique d’origine ukrainienne) en mode mineur, dans laquelle le violon développe une mélodie mélancolique sur des accords complexes. Plus tard, après que le matériau musical ait culminé dans le silence, le retour de la dumka mérite qu’on s’y attarde : passant en mode majeur, la mélodie est ici embellie par de riches accords de violon. Après une nouvelle démonstration de virtuosité, le thème du furiant est repris une dernière fois de manière extatique par l’orchestre, avant de se précipiter vers sa réjouissante conclusion.
I. Allegro con brio
II. Andante con moto
III. Scherzo : Allegro
IV. Allegro
« Cette magnifique œuvre transporte irrésistiblement l’auditoire dans des paroxysmes grandissants jusqu’au royaume spirituel de l’infini », écrivait E.T.A. Hoffmann à propos de la Symphonie no 5 de Beethoven en 1810. L’œuvre avait été créée deux ans plus tôt, le 22 décembre, au Theater an der Wien et y avait reçu un accueil assez tiède; sans aucun doute, le contexte dans lequel ce concert a eu lieu – à commencer par sa longueur excessive (le programme, étalé sur plus de quatre heures, comportait également la création de la Symphonie n˚ 6, de la Fantaisie chorale ainsi que du Concerto pour piano n˚ 4 interprété par Beethoven lui-même), en plus du froid mordant qui régnait dans la salle et du manque de préparation de l’orchestre – a contribué à cet accueil mitigé. Toutefois, après la parution de la critique historique d’Hoffmann, l’avis général sur l’œuvre a changé; cette « symphonie en ut mineur d’une noblesse et d’une profondeur extrêmes » n’a pas tardé à s’imposer comme un pilier du répertoire classique, titre qu’elle a conservé jusqu’à nos jours. Elle demeure l’une des symphonies les plus jouées, et continue de faire affluer les auditoires dans les salles de concert du monde entier.
Que l’on entende cette symphonie pour la première ou la énième fois, on ne peut qu’être saisi par l’explosive ouverture du premier mouvement avec son célèbre motif « brève-brève-brève-longue », dit du « destin frappant à la porte ». À partir de cette semence, l’Allegro con brio se propulse avec une furieuse énergie, se développant de façon quasi organique. Le motif devient obsessionnel et réapparaît dans les mouvements subséquents sous divers aspects : sous forme de second sujet triomphal, exposé par les cors et les trompettes dans le deuxième mouvement; sous les habits d’une marche militaire, également entonnée par les cors, dans le scherzo; et en tant que sujet vivement contrasté, joué par les violons, dans le finale.
En dernière analyse, la force de la Symphonie no 5 qu’Hoffmann évoque avec tant d’enthousiasme tient à la façon dont Beethoven dépeint la trajectoire du triomphe sur l’adversité au fil des quatre mouvements de l’œuvre. En effet, le motif « brève-brève-brève-longue » n’est que l’un des nombreux moyens auxquels le compositeur a recours pour les relier entre eux en une trame narrative cohérente. Un autre est l’usage qu’il fait du mode, depuis le pathos et le drame tempétueux de la tonalité de do mineur dans les premier et troisième mouvements, qui encadrent un mouvement lent lyrique en la bémol majeur, jusqu’au jubilatoire do majeur du finale. Qui plus est, le triomphe de la tonalité de do majeur est préfiguré dans chaque mouvement : dans la reprise du second sujet du premier, dans le sujet lumineux du deuxième et dans l’énergique trio du troisième. Une transition merveilleusement insolite qui relie directement le troisième mouvement au quatrième–amorcé par les timbales qui tapent le motif principal sur un do grave, par-dessus un long la bémol des violoncelles et des contrebasses–intensifie encore la progression dramatique vers la résolution finale. Cependant, même au cœur de l’exubérance de l’Allegro final, Beethoven nous rappelle brièvement, dans un rappel du thème de « marche » du scherzo, la détresse exprimée par la tonalité plus sombre de do mineur, avant l’ultime délivrance en pleine lumière, sur laquelle nulle ombre ne pèse plus, jusqu’à l’extatique conclusion de la symphonie.
– Notes de programme d’Hannah Chan-Hartley, PhD
Alexander Shelley a reçu le titre de directeur musical de l’Orchestre du CNA en septembre 2015. Depuis, l’ensemble a été qualifié de « transformé », « passionné », « ambitieux » et « déchaîné » (Ottawa Citizen), et classé parmi les plus audacieux en Amérique du Nord (magazine Maclean’s) pour sa programmation.
Champion de la création au Canada, Shelley a signé récemment le projet multimédia Réflexions sur la vie, INCONDITIONNEL et RENCONTR3S, une collaboration avec Danse CNA comportant trois nouveaux ballets d’envergure.
Shelley s’attache à cultiver les talents de la relève : il est notamment un ambassadeur d’OrKidstra, un programme de développement social qui, à travers la musique, aide les jeunes d’Ottawa à acquérir des compétences essentielles.
Alexander Shelley est également premier chef d’orchestre associé du Royal Philharmonic Orchestra de Londres, et, à partir de la saison 2024-2025, directeur artistique et musical d’Artis-Naples et de l’Orchestre philharmonique de Naples en Floride (États-Unis). Il a dirigé l’Orchestre du CNA au printemps 2019 à l’occasion d’une tournée européenne très applaudie soulignant le 50e anniversaire de l’ensemble et, en 2017, dans le cadre d’une tournée aux quatre coins du Canada pour célébrer le 150e anniversaire du pays. Plus récemment, l’Orchestre a donné, sous sa baguette, son premier concert en 30 ans au Carnegie Hall de New York.
Shelley a fait paraître huit enregistrements avec l’Orchestre du CNA, dont Nouveaux Mondes (finaliste aux prix JUNO), Réflexions sur la vie, RENCONTR3S, Aux frontières de nos rêves, ainsi que la série louangée par la critique de quatre albums Clara, Robert, Johannes, tous parus sous l'étiquette canadienne Analekta.
Le poste de directeur musical bénéficie du soutien d’Elinor Gill Ratcliffe, C.M., O.N.L., LL.D. (hc).
Lauréate de trois prix GRAMMY, la violoniste Hilary Hahn conjugue musicalité expressive et expertise technique dans un répertoire varié guidé par une grande curiosité artistique. Artiste de studio prolifique et créatrice de nouvelles œuvres de commande, elle a produit 23 enregistrements encensés par la critique. Elle vient de terminer sa troisième saison en tant que première artiste en résidence de l’Orchestre symphonique de Chicago, et est aussi artiste en résidence de l’Orchestre philharmonique de New York, artiste invitée à l’École Juilliard et artiste programmatrice du Festival de Dortmund.
La saison dernière, Hilary Hahn s’est produite comme soliste dans des concertos de Mozart, Mendelssohn, Sibelius, Brahms, Tchaïkovsky, Prokofiev, Korngold et Ginastera, ainsi que dans Fantaisie sur Carmen de Sarasate. Elle a aussi offert de nombreuses prestations plus intimes, dont trois récitals solos, des récitals avec Iveta Apkalna et Seth Parker Woods, et des concerts de musique de chambre à Dortmund et à Chicago.
Dès le début de sa carrière, Hilary Hahn a tout naturellement tissé des liens avec son public. Elle s’est engagée à faire des séances de signatures après chaque concert et conserve une collection d’œuvres reçues de ses admiratrices et admirateurs depuis 25 ans. Ses concerts « Amenez votre bébé » créent un environnement accueillant pour les parents de jeunes enfants souhaitant transmettre leur amour de la musique classique. Son initiative #100daysofpractice a transformé les répétitions en une célébration collective du perfectionnement artistique sur les réseaux sociaux, entraînant près d’un million de publications d’autres interprètes et élèves.
Artiste de studio prolifique, elle a vu ses albums parus sous étiquette Decca, Deutsche Grammophon et Sony se hisser au sommet du palmarès du Billboard; trois d’entre eux ont remporté un prix GRAMMY. Son plus récent disque, un enregistrement des Six sonates pour violon seul d’Ysaÿe, rend hommage à son héritage artistique. Lauréate de nombreux prix, elle a tout récemment été nommée artiste de l’année 2023 par Musical America, a prononcé le discours principal du Women in Classical Music Symposium et a reçu le prix Herbert von Karajan 2021 et le prix du Festival de musique originale Glasshütte, qu’elle a remis à l’organisme d’éducation musicale à but non lucratif Project 440.
Depuis sa création en 1969, l’Orchestre du Centre national des Arts (CNA) reçoit des éloges pour la passion et la clarté de ses interprétations, pour ses programmes éducatifs novateurs et pour son apport à l’expression de la créativité canadienne. Sous la direction du Directeur musical Alexander Shelley, l’Orchestre du Centre national des Arts est le reflet de la diversité des paysages, des valeurs et des communautés du Canada, et est reconnu pour sa programmation audacieuse, ses contenus nrratifs marquants, son excellence artistique et ses partenariats innovants.
Alexander Shelley a amorcé son mandat à la direction musicale de l’Orchestre du CNA en 2015, succédant à Pinchas Zukerman, qui a été aux commandes de l’ensemble pendant 16 saisons. Premier chef associé du Royal Philharmonic Orchestra, Shelley a été le premier chef de l’Orchestre symphonique de Nuremberg de 2009 à 2017. Demandé partout dans le monde, il a dirigé entre autres la Philharmonie de Rotterdam, DSO Berlin, le Leipzig Gewandhaus et la Philharmonie de Stockholm, et il maintient des liens avec la Deutsche Kammerphilharmonie et l’Orchestre national des jeunes d’Allemagne.
Chaque saison, l’Orchestre du met en vedette des artistes de réputation internationale, tels que notre artiste en résidence James Ehnes, Angela Hewitt, Joshua Bell, Xian Zhang, Gabriela Montero, Stewart Goodyear, Jan Lisiecki et le premier chef invité John Storgårds. L’ensemble se distingue à l’échelle du monde pour son approche accessible, inclusive et collaborative. Par le langage universel de la musique et des expériences musicales communes, il communique des émotions profondes et nous rapproche les uns des autres.
Conducteur: Alexander Shelley
Soloists: Hilary Hahn, violin
*Musiciens surnuméraires
**En congé
∆Apprentis de l’Institut de musique orchestrale de 'l’Université d’Ottawa et du CNA