J’aime le piano de Glass… et les nuages qui passent… là-bas. J’aime aussi la forêt, la nuit, qui tremble. Et les profondeurs océaniques. J’aime penser aux premiers humains, au plus profond d’une grotte sombre, qui dessinent leurs angoisses originelles à la lueur d’une flamme frémissante…
Peu importe le nombre de fois où les 2 917 mètres qui séparent les dieux des hommes ont été gravis. Peu importe le kérosène sur les brumes de l’Olympe, la rotation d’un monde qui souhaite voir tomber Chronos et son acolyte Ananké : le mythe archaïque reste là, bien en place, viscéral.
C’est à travers Phèdre que Jérémie Niel souhaite sonder les cavités intimes de nos valeurs fondatrices, pour la plupart considérées comme inébranlables. Pointer, sur la scène, leur méridien terrestre ; interroger leurs déclinaisons ; estimer le poids d’une morale laïque qui, surexposée, résiste à ses contours énigmatiques.
Pour ce faire, un huis clos, habité par un quatuor tout choisi : Hippolyte, à la candeur viciée. Thésée, l’homme perdu dans l’officine de la trahison. Phèdre, icône du péché, réceptacle des pulsions les plus noires. Le Coryphée, symbole de la foule vertueuse.
En s’inspirant avec économie des mots d’Euripide, de Sénèque, de Racine et de Kane, le metteur en scène revisite une figure clé de la dramaturgie occidentale. L’épaisseur du mythe se distille sur le plateau : mots volatils, textures sonores mouvantes, éclairages sculptés sur mesure et fragilité du silence. Marie Brassard, Benoît Lachambre, Emmanuel Schwartz et Mani Soleymanlou prennent part à l’expérience, scellant la promesse d’un spectacle vibrant.