« Cette proposition théâtrale est troublante, percutante, parce qu’elle avance que ce besoin d’exister virtuellement vient uniquement pour combler un immense vide identitaire, une vieille peur de tomber dans l’oubli. » Luc Boulanger, La presse
STATUT « L’ensemble des positions occupées par un individu et des rôles attachés à ces positions. » (Dictionnaire historique de la langue française)
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Un quintuor d’Amis se lance dans une joute verbale arbitrée par l’architecture des médias sociaux. La surenchère guide cet « échange » formaté qui, au gré de son déroulement, semble se transformer en petit traité d’ergonomie conçu à l’ère du Web 2.0 : poses à réaliser pour être taggué en bonne compagnie, mouvements à suivre pour compter davantage de followers, menues manipulations destinées à rendre son profil attrayant… autant d’exercices de souplesse pour étirer un « moi » devenu gigantesque, sensationnel, inimitable : enviable. « JE » est souverain au royaume de la surreprésentation.
Ma devise : l’art pour l’art
Passion : le cinéma
Style : aucune idée comment appeler ça
(…)
Drink : Gin tonic
Restaurant : Cuisine bionique
Musique : Léo Ferré
D’abord conviviale, voire hilarante, l’interface décortiquée par Guillaume Corbeil révèle peu à peu sa nature pernicieuse. L’écran dans lequel se mirent les protagonistes se détériore et dévoile, pixel par pixel, de tristes Statuts. Cristaux liquides de profonde détresse.
La mise en scène de Claude Poissant exploite habilement ce texte paradoxal : riche par l’insignifiance de ses mots, plein par le vide abyssal qu’il suggère. Julie Carrier-Prévost, Laurence Dauphinais, Francis Ducharme, Mickaël Gouin et Ève Pressault, profil contre profil, font face aux spectateurs. Statufiés dans un espace jonché de vêtements, les cinq trentenaires débitent leur moi virtuel qui apparaît en images sur le fond de la scène. Le procédé dépasse ainsi son essence et permet à l’adepte des médias sociaux comme au néophyte en la matière d’y trouver son compte.