Elle s’immisce dans le silence, surgit de la perte et de la rupture, languit dans l’attente et la solitude, brûle face à la violence du monde et des êtres. La douleur est partout et pourtant indicible ; elle s’exprime et s’imprime dans la chair. Et chaque fois nouvelle, elle est toujours étrangère, toujours autre. Ta douleur.
Acte de création pure, ce théâtre hautement physique, troué de quelques éclats de mots, utilise le corps comme matériau brut pour évoquer des situations de la vie quotidienne et libérer les émotions à vif. Parfois cocasse, parfois déchirante, la chorégraphie de Brigitte Haentjens descend au plus profond de l’intime, explorant la sensualité, la fragilité et le cran d’Anne Le Beau et de Francis Ducharme. L’engagement des interprètes est total et engage les spectateurs jusqu’au bout d’une traversée mouvementée.
EXTRAITS CRITIQUES
« On se réjouit de voir une femme de théâtre – et non la moindre – cueillir ainsi le potentiel expressif du corps. Et on assiste à un solide travail d’interprètes […] alors que leur seule présence physique, leurs regards, leurs faciès en disent long. On sent la chair aussi lourde ou fébrile que la douleur qu’elle porte. »
Frédérique Doyon, Le Devoir
http://www.ledevoir.com/culture/danse/359592/douleurs-soliloques
« Avec une belle liberté et le concours de deux interprètes qui sont aussi de convaincants acteurs, Haentjens s’offre une exploration du corps et de l’émotion qui ne trahit guère son travail dramaturgique avec Sibyllines. »
Sylvie St-Jacques, La Presse
« Brigitte Haentjens dirige ce duo avec son sens habituel du rythme, proposant des corps précis qui occupent l’espace de façon constamment renouvelée. Radicale par sa simplicité, la proposition donne néanmoins l’impression que le thème est exploré en entier, comme si l’accumulation de ces courts tableaux permettait d’atteindre l’universel. »
Émile Jobin, Revue Jeu
http://www.revuejeu.org/critiques/emilie-jobin/ta-douleur-douleur-exquise
Mot de Brigitte Haentjens
Théâtre ? Danse ? Un peu des deux ? Ni l’un ni l’autre ? Qu’importe les catégories. Ta douleur est né d’une nécessité intérieure et d’un désir très fort, celui de créer en l’absence de texte préexistant et en collaboration totale avec les interprètes. Nous avons passé deux années d’exploration à l’intérieur de ce thème fécond : la douleur ! L’iconographie et la documentation ne manquent pas: films, performances, peintures, photos, poèmes. Nous avons joyeusement puisé notre inspiration dans cette matière.
Avec le temps, le travail, les nombreuses improvisations et discussions, confidences, fous rires, dans une effervescence qui nous unissait, Anne, Francis et moi, nous avons patiemment évolué, cherchant toujours plus loin, sillonnant différents états d’affliction.
La trame narrative du spectacle n’obéit pas à une logique psychologique, elle répond plutôt à un fil organique où s’entremêlent et se superposent des états douloureux de nature physique, psychique, individuelle ou collective, sociale même. Nous avons mis en scène des deuils, des ruptures, des accouchements, des fractures, des agressions, des scènes de bar et de rue.
Nous n’avons pas cherché à raconter une histoire, même si les spectateurs ont la liberté d’en imaginer une. Nous avons plutôt laissé vivre plusieurs histoires de couples ou d’individus en souffrance dans une solitude aigüe ou en présence d’une personne que cette détresse laisse indifférente. Que faire devant la douleur de l’autre, d’autant plus si on en est responsable ?
La douleur n’est-elle pas, de toute façon, éminemment solitaire et par essence non communicable, non transférable ? Elle se soigne rarement dans une collectivité, sauf s’il s’agit de souffrances issues d’un contexte économique, politique ou social et qu’il devient possible de les mettre en commun. Ce retour vers ce que j’appelle « la création pure », une approche inaugurée chez Sibyllines avec Je ne sais plus qui je suis et dont l’exploration s’est poursuivie dans divers travaux, du solo pour Anne Le Beau dans Le beau fait la bête à l’oeuvre chorale Tout comme elle de Louise Dupré, m’a véritablement comblée. Cette voie est particulièrement excitante. Elle me permet d’écrire à partir des corps, ce qui nécessite intimité et partage total avec les interprètes.
J’aime bien que Ta douleur laisse s’installer, à travers toutes sortes de situations, le mystère et la poésie.