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Inspiré par un lieu fictif dans la nouvelle de science-fiction de Gene Wolfe Le livre du Nouveau Soleil, Kevin Lau (né en 1982) crée In the Garden of Endless Sleep après avoir été frappé par l’image d’un « jardin qui se déplace dans le temps, alternant entre présent, passé et avenir… » Il mentionne que l’œuvre explore « l’idée de voir le jardin, une tranche cultivée de beauté naturelle, passer par différentes phases de croissance et de déclin. » Il voulait également encapsuler la juxtaposition de « la simplicité et de l’imperméabilité », comme le lui inspirait la prose insaisissable de Wolfe. Dans les mots de Lau :
Je voulais refléter cela d’une part en évoquant des souvenirs musicaux de périodes plus anciennes d’une manière un peu floue, et d’autre part en me servant de la texture, surtout en utilisant la pédale forte pour fondre certaines harmonies. La structure de l’œuvre est « trouble » elle aussi, n’évoquant pas tant la forme d’un rondo que son écho. L’œuvre est imprégnée d’un côté naturel et organique – où par exemple les lignes mélodieuses, mais souvent asymétriques, du hautbois tracent les contours des vignes, des racines et de la végétation surabondante –, mais autrement, la musique est infusée d’un vague à la fois onirique et dérangeant.
Notes de programme rédigées par Hannah Chan-Hartley, Ph. D.
I. Crystalline Elements
II. Ice-Sizzle
III. Runoff
On a dit de sa musique qu’elle était « à couper le souffle » (Kitchener-Waterloo Record) et on l’a dépeinte comme « imaginative et expressive » (The National Post), « un trépidant tir de barrage sur tous les sens » (The Globe and Mail), et « Bartók sous stéroïdes » (Birmingham News) : Kelly-Marie Murphy est une voix qui compte sur la scène musicale canadienne. On lui doit plusieurs œuvres mémorables pour des interprètes et des ensembles de premier plan au Canada, notamment les orchestres symphoniques de Toronto, Winnipeg et Vancouver, le Trio Gryphon, James Campbell, Shauna Rolston, les quatuors à cordes Cecilia et Afiara, et Judy Loman. Née en 1964 sur une base de l’OTAN en Sardaigne, en Italie, elle a étudié la composition à l’Université de Calgary, avant d’obtenir son doctorat en composition de l’Université de Leeds, en Angleterre. Elle est maintenant établie à Ottawa, où elle poursuit une carrière de compositrice indépendante.
Elle a composé Glacial Ablations en 2022 à l’intention de Charles « Chip» Hamann, hautbois solo de l’OCNA, qui en donne ce soir, aux côtés du pianiste Frédéric Lacroix, la création mondiale. Voici en quels termes elle décrit cette pièce :
Chip Hamann m’a invitée à créer une nouvelle pièce pour hautbois et piano, pour un projet de récital et d’enregistrement réunissant un certain nombre de compositrices et compositeurs du Canada. Ce projet avait pour thème « la nature au Canada » – sous l’angle du climat ou de nos paysages. Comme sujet, j’ai choisi les glaciers, plus précisément la façon dont nous perdons notre glace de glaciers et notre pergélisol en raison du changement climatique.
Pour ma pièce, j’ai choisi trois termes empruntés au domaine de la glaciologie et j’ai tâché de créer une musique qui y réponde. Le titre, Glacial Ablations (littéralement : « ablations glaciaires ») fait référence à la perte de glace et de neige dans un système glaciaire. Le premier mouvement, Crystalline Elements (« éléments cristallins »), est lent, et met en relief non seulement les structures délicates du piano, mais aussi l’espace et le drame, où la translucidité et l’opacité se mêlent à la réponse humaine.
Le deuxième mouvement, Ice-Sizzle (« pétillement de la glace ») est très rapide, tout en force et en urgence. Le terme fait référence au son que peuvent produire les glaciers, qui ressemble à celui de l’eau gazeuse. Le dernier mouvement, Runoff (« écoulement »), fait allusion à l’évaporation et à la détérioration du glacier. Il s’amorce sur des passages semblables à des cadences pour le hautbois et le piano, et comporte des lignes ascendantes. L’écoulement s’intensifie à mesure que les forces de l’eau en mouvement gagnent en fureur et en urgence.
La Sonate pour piano et hautbois « The Haywain » (2020) d’Ian Cusson est la deuxième de trois œuvres du compositeur (né en 1981) basées sur des images du peintre médiéval tardif Jérôme Bosch. La sonate se déploie en trois mouvements, respectivement intitulés Dignified, Simply et Wild. Ces mouvements sont, comme l’explique le compositeur, « en dialogue avec le triptyque The Haywain (« Le Chariot de foin ») de Bosch, peint en 1516, et suivent les trois panneaux du tableau dans leur progression d’un état édénique à l’enfer dans toute sa déraison. L’image est dominée par une gigantesque botte de foin au centre de l’œuvre, autour de laquelle une foule de personnages s’ébattent sous le regard bienveillant des nuages qui les surplombent. »
Acclamé pour la « qualité liquide et exquise » de son jeu solo (Gramophone), Charles « Chip » Hamann a été nommé hautbois solo de l’Orchestre du Centre national des Arts en 1993, à l’âge de 22 ans. Il a aussi été hautbois solo invité à l’Orchestre symphonique de Chicago, au Royal Philharmonic Orchestra de Londres et aux Violons du Roy à Québec.
En 2017, Hamann a fait paraître sous étiquette Centredisques son premier album solo, un CD double intitulé Canadian Works for Oboe and Piano enregistré avec le pianiste Frédéric Lacroix; son jeu a été salué pour « son son harmonieux, son phrasé délicat […] et ses tons soutenus à couper le souffle » (The Whole Note) ainsi que pour son exquise sensibilité musicale (The Double Reed). Avec le quintette à vent du CNA et le pianiste Stéphane Lemelin, il a effectué pour la maison Naxos un enregistrement d’œuvres pour instruments à vent de Camille Saint-Saëns – y compris la Sonate pour hautbois (op. 166) –, album sacré « Choix de l’éditeur » du magazine Gramophone en 2011. Hamann a enregistré le Concerto pour violon et hautbois de J.-S. Bach avec le violoniste Pinchas Zukerman et l’Orchestre du CNA pour l’album Trésors baroques (Analekta, 2016); il a été qualifié de « superbe collègue » (Gramophone) et d’artiste produisant « un son magnifique et expressif » (Ludwig van Toronto). Le hautboïste qui a commandé de nombreuses œuvres solos de compositeurs canadiens d’importance continue de se faire le champion de la musique nouvelle. En 2021, il enregistrera des œuvres pour hautbois solo récemment commandées, de même que des pièces de ce type pour cet instrument et piano avec Frédéric Lacroix.
Charles Hamann s’est produit comme soliste avec Les Violons du Roy, l’Alberta Baroque Ensemble, les orchestres symphoniques de Lincoln (Nebraska) et Yamagata et l’ensemble ottavien Thirteen Strings. On a pu le voir à de nombreuses reprises avec l’Orchestre du CNA, tant à Ottawa qu’en tournée, dans des concerts majeurs d’œuvres de Mozart, Strauss et Vaughan Williams. Il a été récitaliste invité aux colloques de la Société internationale des instruments à vent, et s’est produit en récital partout au Canada et aux États-Unis.
Actuellement chargé de cours (hautbois) à l’École de musique de l’Université d’Ottawa, Hamann a fait partie du corps professoral de l’Institut estival de musique du CNA pendant 20 ans. Il enseigne fréquemment aux membres de l’Orchestre de l’Académie nationale du Canada, de l’Orchestre national des jeunes du Canada et de l’Orchestre de la francophonie. Il a également été invité à animer des ateliers aux quatre coins du Canada, dans les plus grands conservatoires de musique des États-Unis, au Mexique, en Chine et au Japon, où il est un habitué du Festival de musique Affinis. Il a de plus été enseignant invité de l’Orchestre du Centre des arts du spectacle Hyogo, un établissement de formation orchestrale de premier plan.
Né à Lincoln, au Nebraska, Hamann a eu pour maîtres Brian Ventura et William McMullen, puis Daniel Stolper au Camp artistique et à l’Académie des arts d’Interlochen. Il a également étudié auprès de Richard Killmer à l’École de musique Eastman, qui lui a décerné un baccalauréat en musique et un prestigieux certificat en interprétation. Instagram : @hamannoboe.
Frédéric Lacroix s’est produit en concert partout au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Asie comme soliste, chambriste et pianiste collaborateur. Il joue fréquemment avec des musiciens de l’Orchestre du CNA dans le cadre de récitals et de concerts de musique de chambre. Sa première participation à la série Musique pour un dimanche après-midi a eu lieu en 2015. En septembre dernier, il a dirigé les récitals d’après-concert du Festival Beethoven de l’Orchestre du CNA, dans lesquels il s’est produit au piano‑forte.
À la suite de l’achat d’un piano-forte par l’Université d’Ottawa, M. Lacroix a dévoué une partie de son temps à l’étude et à l’interprétation d’instruments de l’époque classique, travail pour lequel il a reçu le titre de « Westfield Center Performing Scholar » en 2008–2009. Il a donné de multiples concerts au Canada et aux États-Unis comme claveciniste et joueur de piano‑forte.
Intrigué par la diversité musicale quasi infinie de la musique nouvelle, M. Lacroix a collaboré avec plusieurs compositeurs et interprètes à la création d’œuvres canadiennes et américaines. Il est également actif en tant que compositeur. Son cycle de mélodie, Nova Scotia Tartan (2004), est présenté sur Hail, disque consacré à la mélodie et à la poésie canadienne.
Frédéric Lacroix enseigne le piano et la composition à l’Université d’Ottawa. Il a récemment terminé ses études doctorales en interprétation d’instruments à clavier, sous la tutelle de Malcolm Bilson, à l’Université Cornell.
Kevin Lau (né en 1982) est l’un des jeunes compositeurs canadiens les plus polyvalents et les plus prisés. Des artistes et des ensembles parmi les plus éminents lui ont commandé des œuvres, lesquelles ont été jouées aux États-Unis, en France, au Danemark, en Allemagne, en Autriche et en République tchèque. Compositeur prolifique de musique d’orchestre, de musique de chambre, de ballet, d’opéra et de film, Kevin Lau a été affilié à l’Orchestre symphonique de Toronto de 2012 à 2015; à ce jour, il a produit sept œuvres pour cette formation. Par la suite, il a collaboré avec le chorégraphe Guillaume Côté sur deux ballets : le ballet intégral Le Petit Prince pour le Ballet national du Canada, et Dark Angels, ballet d’une durée de 30 minutes pour l’Orchestre du Centre national des Arts. Kevin Lau a aussi été compositeur en résidence auprès de l’Orchestre de chambre du Manitoba de 2021 à 2023.
(née en 1964)
Kelly-Marie Murphy est bien connue sur la scène musicale canadienne : « imaginatives et évocatrices » (The National Post), ses compositions « à couper le souffle » (Kitchener-Waterloo Record) sont semblables à « un assaut puissant pour les sens » (The Globe and Mail) et à du « Bartók survitaminé » (Birmingham News). Elle a écrit des pièces mémorables pour de grands artistes de scène et ensembles canadiens, y compris les orchestres symphoniques de Toronto, Winnipeg et Vancouver, le trio Gryphon, James Bell, Shauna Roslton, Judy Loman ainsi que les quatuors à cordes Cecilia et Afiara.
Née sur une base de l’OTAN en Sardaigne (Italie), Murphy a passé sa jeunesse aux quatre coins du Canada sur différentes bases des Forces armées canadiennes. Elle a commencé à étudier la composition à l’Université de Calgary auprès de William Jordan et Allan Bell; elle est titulaire d’un doctorat dans ce domaine dirigé par Philip Wilby (Université de Leeds, R.-U.). Après avoir vécu de nombreuses années à Washington (D.C.) – elle était alors « Étrangère ayant des talents exceptionnels » selon le Service de l’immigration et de la naturalisation des États-Unis – elle poursuit maintenant, en toute discrétion, sa carrière de compositrice indépendante à Ottawa.
Ian Cusson (né en 1981) est un compositeur canadien de mélodies, d’opéras et de pièces orchestrales. D’origine métisse (communauté métisse de la Baie Georgienne) et canadienne-française, il explore, dans son œuvre, l’expérience autochtone au Canada, en particulier l’histoire du peuple métis, l’union des identités raciales mixtes et la rencontre des cultures occidentales et autochtones.
Il a étudié la composition auprès de Jake Heggie et Samuel Dolin ainsi que le piano sous la houlette de James Anagnoson à l’École Glenn-Gould. Lauréat d’un Prix national d’excellence décerné aux Autochtones, il a obtenu de nombreuses subventions, y compris une bourse des Projets Chalmers de perfectionnement professionnel et plusieurs bourses des conseils des arts du Canada, de l’Ontario et de Toronto.
Cusson a été le premier compositeur en résidence à l’Orchestre du Centre national des Arts dans le cadre du programme Carrefour (2017–2019). Il est actuellement compositeur en résidence à la Compagnie d’opéra canadienne (2019–2021). Compositeur agréé du Centre de musique canadienne, il est aussi membre de la Ligue canadienne des compositeurs.
Ian Cusson réside à Toronto avec sa femme et leurs quatre enfants.