≈ 2h · Avec entracte
I. Chaise vide
II. Enchantement
III. Colère
IV. Rêve
V. Âme d’oiseau
VI. Perdues
VII. Rage
VIII. Coda : Chanson
Le 22 septembre 2015, trois femmes du comté de Renfrew, en Ontario, ont été assassinées à leur domicile respectif par un homme avec lequel chacune d’elles avait eu une liaison. L’une des victimes de cette série de crimes révoltants, désormais reconnue comme l’un des pires cas de violence conjugale de l’histoire canadienne, était Nathalie Warmerdam, sœur bien-aimée du baryton Joshua Hopkins.
Empli de chagrin, de culpabilité et de colère, et soucieux d’attirer l’attention sur l’épidémie mondiale de violence sexiste, Hopkins a conçu un cycle de chansons qui est devenu Songs for Murdered Sisters. Cette nouvelle œuvre bouleversante du célèbre compositeur d’opéra et de mélodies Jake Heggie met en musique des textes inédits de la grande écrivaine Margaret Atwood. Commande conjointe de l’Orchestre du Centre national des Arts et du Houston Grand Opera pour Joshua Hopkins, Songs for Murdered Sisters est dédiée à la mémoire de Nathalie Warmerdam, Carol Culleton et Anastasia Kuzyk, ainsi que de Pat Lowther et Debbie Rottman. Un film paru en 2021 en a été tiré, réalisé par James Niebuhr, avec la participation du Houston Grand Opera, et l’œuvre a aussi été publiée sous la forme d’un album produit par la marque Pentatone, lancé en mars de la même année, avec le compositeur au piano. Le concert de ce soir avec l’Orchestre du CNA marque la création mondiale du cycle sous sa forme orchestrale.
Ce cycle de chansons retrace le parcours émotionnel et spirituel d’un homme dévasté par le meurtre de sa sœur. Voici en quels termes le compositeur Jake Heggie décrit chacune des chansons :
1. « Chaise vide »
Les fragiles harmonies évoquent une boîte à musique réduite au silence – une chaleur et une présence qui se sont évanouies – tandis que le chanteur contemple une chaise où sa sœur avait l’habitude de s’asseoir. Il ne reste rien, à présent, que le vide et l'éther.
2. « Enchantement »
Essayant de donner un sens au meurtre de sa sœur, le chanteur imagine des contes de fées et des fables qui pourraient expliquer son absence : quelque chose de magique et de mystérieux. La musique tourbillonne et pétille d'imagination et d'esprit, mais elle est hantée et finit par retomber dans la triste réalité.
3. « Colère »
Les accords lugubres, intemporels, prennent de l’ampleur alors que le chanteur imagine l'homme en colère qui a assassiné sa sœur. L’homme qu'elle avait essayé d'aimer. Il se la figure, ouvrant sa porte en toute innocence pour se retrouver face à une colère rouge et terrifiante.
4. « Rêve »
Une mélodie mélancolique plane dans le lointain sur un nuage de délicates harmonies, alors que le chanteur revoit sa sœur en rêve. Ils sont jeunes et n'ont aucune idée de ce que l'avenir leur réserve. Mais elle lui annonce qu'elle doit partir, et la terrible vérité s'abat sur les épaules de l’homme.
5. « Âme d’oiseau »
Alors qu’il se demande où pourrait se trouver l'âme de sa sœur bien-aimée, le chanteur cherche des réponses en contemplant les oiseaux dans le ciel. Quel oiseau serait-elle? La musique pétille, plonge et s’élève, évoquant le chant des oiseaux, comme un écho à cette longue quête émotionnelle.
6. « Perdues »
Le chanteur médite sur les innombrables femmes assassinées par des hommes en colère, jaloux et couards, depuis des milliers d'années. D’innombrables vies… d’innombrables larmes. Les accords font écho à ce sempiternel recommencement et à la tristesse qui l'entoure.
7. « Rage »
Un vent habité passe comme un murmure à travers les cuivres, les percussions et les cordes graves de la harpe, tandis que la colère, la frustration et l'indignation du chanteur grandissent. Pourquoi n'a-t-il pas pu sauver sa sœur? Devrait-il la venger en tuant son assassin? La musique atteint presque un point d’ébullition, jusqu'à ce qu'il se demande si le fantôme de sa sœur n’attendrait pas autre chose de lui : « Ne pourrais-tu plutôt pardonner? » La musique s'épanouit soudainement, apportant avec elle une chaleur et une beauté nouvelles face à la possibilité de rédemption.
8. Coda: « Chanson »
Une simple mélodie réconforte le chanteur qui s’aperçoit que lorsqu'il respire et chante, sa sœur est avec lui. Il fredonne. L'air vibre de l'éternel mantra – om.
Note de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais)
1. Chaise vide
Ma sœur, elle était
Une chaise vide désormais
Elle n’est plus,
N’existe plus
Maintenant elle est néant
Elle est de l’air maintenant
2. Enchantement
Si c’était une histoire
Que je racontais à ma sœur
Un troll de la montagne
L’aurait volée
Ou bien alors un magicien tordu
L’aurait transformée en pierre
Ou l’aurait enfermée dans une tour
Ou la cacherait au plus profond d’une fleur dorée
Il me faudrait voyager
À l’ouest de la lune, à l’est du soleil
Pour trouver la réponse ;
Je formulerais des paroles magiques
Et elle serait là, debout
Vivante et heureuse, n’ayant subi aucun mal
Mais ce n’est pas une histoire.
Pas ce genre d’histoire...
3. Colère
La colère est rouge
La couleur du sang répandu
Il n’était que colère,
L’homme que vous avez tenté d’aimer
Vous avez ouvert la porte
Et la mort se tenait là
Mort rouge, colère rouge
Colère contre vous
D’être si vivante
Et non détruite par la peur
Que veux‐tu ? avez‐vous dit.
Rouge fut la réponse.
4. Rêve
Quand je dors, tu apparais
Je suis alors une enfant
Et tu es jeune et tu es toujours ma sœur
Et c’est l’été ;
Je ne sais rien de l’avenir,
Pas dans mon rêve
Je m’en vais, me dis‐tu
Pour un long voyage.
Je dois m’en aller.
Non, reste, je t’appelle
Tandis que tu deviens plus petite :
Reste ici avec moi et joue !
Mais soudain je suis plus âgée
Et il fait froid et il n’y a pas de lune
Et c’est l’hiver...
5. Âme d’oiseau
Si les oiseaux sont des âmes humaines
Quel oiseau es‐tu ?
Un oiseau de printemps au chant joyeux ?
De haut vol ?
Es‐tu un oiseau du soir
Qui regarde la lune
Qui chante Seul, Seul,
Qui chante Mort prématurée ?
Es‐tu un hibou,
Prédateur aux douces plumes ?
Chasses‐tu, chasses‐tu sans relâche
L’âme de ton meurtrier ?
Je sais que tu n’es pas un oiseau,
Même si je sais que tu t’es envolée
Si loin, si loin...
J’ai besoin de te savoir quelque part...
6. Perdues
Tant de sœurs perdues
Perdues, tant de sœurs
Au fil des années, de ces milliers d’années
Tant d’elles, au loin, envoyées
Trop tôt dans l’obscurité
Par des hommes qui pensaient agir en toute légalité
Rage et haine
Jalousie et peur
Tuées, tant de sœurs
Au fil des années, de ces milliers d’années
Tuées par des hommes apeurés
Qui voulaient être plus grands
Au fil des années, de ces milliers d’années
Tant de sœurs perdues
Tant de larmes répandues...
7. Rage
Je suis arrivée trop tard,
Trop tard pour te sauver.
Je ressens la rage et la douleur
De mes propres doigts,
De mes propres mains
J’entends la rouge injonction
De tuer l’homme qui t’a tuée :
Ce ne serait que justice :
Lui entravé, lui jamais plus,
En pièces au plancher,
Lui brisé.
Pourquoi serait‐il encore ici
Et pas toi ?
C’est ça que tu souhaites que je fasse,
Fantôme de ma sœur ?
Ou bien le laisserais‐tu exister ?
Choisirais‐tu plutôt de pardonner ?
8. Coda : Chanson
Si tu étais une chanson
Quelle chanson serais‐tu ?
Serais‐tu la voix qui chante,
Serais‐tu la musique ?
Quand je chante cette chanson pour toi
Tu n’es pas la vacuité de l’air
Tu es ici,
Un souffle et puis un autre :
Tu es ici avec moi...
Depuis sa création en 1969, l’Orchestre du CNA reçoit des éloges pour la passion et la clarté de ses interprétations, pour ses programmes éducatifs novateurs et pour son apport à l’expression de la créativité canadienne. Sous la direction du Directeur musical Alexander Shelley, l’ensemble propose chaque saison une série complète de concerts d’abonnement au Centre national des Arts qui mettent en vedette des artistes de réputation internationale, tels James Ehnes, Angela Hewitt, Joshua Bell, Xian Zhang, Gabriela Montero, Stewart Goodyear, Jan Lisiecki et le premier chef invité John Storgårds.
Alexander Shelley a amorcé son mandat à la direction musicale de l’Orchestre du CNA en 2015, succédant à Pinchas Zukerman, qui a été aux commandes de l’ensemble pendant 16 saisons. Premier chef associé du Royal Philharmonic Orchestra, Shelley a été le premier chef de l’Orchestre symphonique de Nuremberg de 2009 à 2017. Demandé partout dans le monde, il a dirigé entre autres la Philharmonie de Rotterdam, DSO Berlin, le Leipzig Gewandhaus et la Philharmonie de Stockholm, et il maintient des liens avec la Deutsche Kammerphilharmonie et l’Orchestre national des jeunes d’Allemagne.
Les tournées nationales et internationales sont depuis toujours une caractéristique distinctive de l’Orchestre du CNA. L’ensemble a fait 95 tournées depuis sa création, ce qui comprend des arrêts dans 120 villes canadiennes, 20 pays et 138 villes du monde. Au cours des dernières années, l’Orchestre a effectué des tournées de concerts et d’activités éducatives au Canada, au Royaume-Uni et en Chine. En 2019, il a célébré son 50e anniversaire par une tournée européenne de sept villes en Angleterre, en France, aux Pays-Bas, au Danemark et en Suède, où il a mis en valeur le travail de six compositeurs canadiens et offert une série de concerts et d’activités éducatives.
Depuis son inauguration, l’Orchestre du CNA a commandé plus de 80 nouvelles œuvres, la plupart à des compositeurs canadiens. L’Orchestre a enregistré pour la radio plusieurs de ses 80 œuvres de commande, et en a diffusé plus d’une quarantaine à des fins commerciales. Parmi celles-ci, citons le disque des concertos pour piano de Mozart enregistré avec Angela Hewitt et primé aux JUNO en 2015, l’œuvre révolutionnaire Réflexions sur la vie, qui comprend la pièce My Name is Amanda Todd de Jocelyn Morlock, couronnée Composition classique de l’année aux JUNO 2018, et l’album finaliste aux JUNO 2019 Nouveaux Mondes, sur lequel paraît Golden Slumbers Kiss Your Eyes… d’Ana Sokolović, lauréate du JUNO de la Composition classique de l’année (2019).Son concert-midi sur la Colline du Parlement pour la fête du Canada l’an dernier a été diffusé en direct sur les ondes de CBC.
Alexander Shelley a reçu le titre de directeur musical de l’Orchestre du CNA en septembre 2015. Depuis, l’ensemble a été qualifié de « transformé », « passionné », « ambitieux » et « déchaîné » (Ottawa Citizen), et classé parmi les plus audacieux en Amérique du Nord (magazine Maclean’s) pour sa programmation.
Champion de la création au Canada, Shelley a signé récemment le projet multimédia Réflexions sur la vie, INCONDITIONNEL et RENCONTR3S, une collaboration avec Danse CNA comportant trois nouveaux ballets d’envergure.
Shelley s’attache à cultiver les talents de la relève : il est notamment un ambassadeur d’OrKidstra, un programme de développement social qui, à travers la musique, aide les jeunes d’Ottawa à acquérir des compétences essentielles.
Alexander Shelley est également premier chef d’orchestre associé du Royal Philharmonic Orchestra de Londres, et, à partir de la saison 2024-2025, directeur artistique et musical d’Artis-Naples et de l’Orchestre philharmonique de Naples en Floride (États-Unis). Il a dirigé l’Orchestre du CNA au printemps 2019 à l’occasion d’une tournée européenne très applaudie soulignant le 50e anniversaire de l’ensemble et, en 2017, dans le cadre d’une tournée aux quatre coins du Canada pour célébrer le 150e anniversaire du pays. Plus récemment, l’Orchestre a donné, sous sa baguette, son premier concert en 30 ans au Carnegie Hall de New York.
Shelley a fait paraître huit enregistrements avec l’Orchestre du CNA, dont Nouveaux Mondes (finaliste aux prix JUNO), Réflexions sur la vie, RENCONTR3S, Aux frontières de nos rêves, ainsi que la série louangée par la critique de quatre albums Clara, Robert, Johannes, tous parus sous l'étiquette canadienne Analekta.
Le poste de directeur musical bénéficie du soutien d’Elinor Gill Ratcliffe, C.M., O.N.L., LL.D. (hc).
Reconnu comme l’un des meilleurs chanteurs et acteurs de sa génération, le baryton canadien Joshua Hopkins, lauréat d’un prix Juno et finaliste aux prix Grammy a été salué par Opera Today pour sa « voix de baryton étincelante, polyvalente et d’une exceptionnelle beauté, et sa fabuleuse technique pour en exploiter toutes les possibilités expressives, de la fanfaronnade comique à la beauté attendrissante ». S’étant imposé comme un artiste de premier plan aux États-Unis et au Canada, Joshua Hopkins se produit régulièrement sur la scène du Metropolitan Opera, du Lyric Opera of Chicago, du Houston Grand Opera, de l’Opéra de Santa Fe et du Washington National Opera, entre autres. En concert, on a pu l’entendre avec de nombreux orchestres en Amérique du Nord, notamment l’Orchestre du Centre national des Arts, l’Orchestre symphonique de Toronto, l’Orchestre de Cleveland, l’Orchestre symphonique de Dallas, l’Orchestre philharmonique de New York, l’Orchestre de Philadelphie et l’Orchestre symphonique de San Francisco.
Totalement dévoué à l’art du chant, le premier album enregistré en récital de Joshua Hopkins, Let Beauty Awake (ATMA Classique), comprend des mélodies de Barber, Bowles, Glick et Vaughan Williams. Hopkins a remporté de nombreux prix et distinctions, dont un prix Juno pour son interprétation d’Athanaël dans l’enregistrement de Thaïs de Massenet (Chandos), avec l’Orchestre symphonique de Toronto sous la direction de Sir Andrew Davis.
Son œuvre la plus personnelle, Songs for Murdered Sisters, est un cycle de mélodies composé par le compositeur Jake Heggie et l’autrice Margaret Atwood, et conçu par Hopkins en mémoire de sa sœur Nathalie Warmerdam.
Le compositeur Jake Heggie est « sans contredit le compositeur d’opéras et de mélodies le plus populaire du 21e siècle dans le monde » (The Wall Street Journal). Jake Heggie est surtout connu pour les opéras Dead Man Walking, Moby-Dick, It’s A Wonderful Life, Three Decembers, Two Remain et If I Were You. Il travaille actuellement à son dixième opéra, Intelligence, avec Jawole Zollar et Gene Scheer, ainsi que sur de nouvelles œuvres pour le violoniste Joshua Bell, le New Century Chamber Orchestra, le Quatuor Miró et l’ensemble Music of Remembrance. Ses opéras et ses quelque 300 mélodies ont été interprétés abondamment sur tous les continents, par certains des artistes les plus renommés au monde.
Sur un livret signé par le regretté Terrence McNally, Dead Man Walking est devenu « l’opéra américain le plus célèbre du 21e siècle » (Chicago Tribune). Depuis sa création à l’Opéra de San Francisco en 2000, l’œuvre a fait l’objet de près de 80 productions internationales. Parmi ses plus récentes créations, mentionnons Lake Tahoe: Symphonic Reflections et Fantasy Suite 1803. En 2020, la mezzo-soprano Sasha Cooke et le violoniste Daniel Hope ont créé Intonations: Songs from the Violins of Hope, sur des textes de Gene Scheer (Pentatone Records), et en 2021, le baryton Joshua Hopkins a présenté en première (en ligne) Songs for Murdered Sisters, sur de nouveaux poèmes de Margaret Atwood (Pentatone). Également en 2021, la mezzo-soprano Jamie Barton et Heggie ont offert la première de What I Miss the Most…, un cycle de mélodies sur de nouveaux textes de Joyce DiDonato, Patti LuPone, Sœur Helen Prejean, Ruth Bader Ginsburg et Kathleen Kelly. Jamie Barton figure aussi sur Unexpected Shadows, un album de mélodies de Heggie, paru sous étiquette Pentatone (finaliste aux Grammy en 2022).