Le grand voyage

L'OCNA à la Quatrième

2022-01-18 20:00 2022-01-18 21:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Le grand voyage

https://nac-cna.ca/fr/event/29638

Événement en personne

En raison des restrictions sanitaires en vigueur, le concert sera diffusé gratuitement en ligne uniquement. Les moments marquants de l’existence ont inspiré aux compositeurs des musiques qui répercutent ces expériences et s’efforcent d’en dégager un sens. Ce concert de l’OCNA à la Quatrième regroupe trois œuvres remarquables de ce genre – dont deux ont été écrites après que leurs...

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Quatrième Salle ,1 rue Elgin,Ottawa,Canada
mar 18 janvier 2022

≈ 60 minutes · Sans entracte

Nos programmes sont passés au numérique.

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Dernière mise à jour: 20 décembre 2021

Les œuvres de Schönberg (1874-1951) et Beethoven (1770-1827) au programme de ce concert ont tant de points communs qu’il est intéressant de les considérer ensemble avant d’aborder les détails propres à chacun. Bien qu’elles aient recours à des instrumentations différentes, trio à cordes dans un cas et quatuor à cordes dans l’autre, les deux pièces ont été inspirées par des épisodes au cours desquels les deux compositeurs, malades, ont frôlé la mort, et écrites pendant leurs convalescences respectives.

Beethoven a achevé son Quatuor à cordes en la mineur (publié plus tard sous le numéro d’opus 132), avec son troisième mouvement « Heiliger Dankgesang », en juillet 1825, après qu’une grave maladie l’ait obligé à le mettre de côté pendant un mois. Schönberg n’avait qu’esquissé les contours de son Trio à cordes, une commande du département de musique de l’Université Harvard, quand il a subi, en août 1946, un grave infarctus dont il a heureusement réchappé, ce qui lui a permis de terminer sa composition.

Ces épreuves de la vie et de la mort ont incité les deux compositeurs à repousser les limites de leurs capacités techniques et créatrices, pour produire ces œuvres d’une saisissante originalité. Musicalement, les pièces font écho à l’expérience fragmentée de la maladie – la rage de s’accrocher à la vie quand sa propre survie est en jeu – à travers une conception similaire : la juxtaposition de deux univers sonores irréconciliables en apparence, introduits et résolus dans le cadre d’une architecture en cinq parties.

Bien que Schönberg n’ait pas laissé d’écrits précisant l’influence de la maladie sur son Trio, il a parlé à des collègues, des élèves et des amis d’un lien très net entre les deux. Selon Leonard Stein, qui œuvra ponctuellement comme assistant du compositeur, Schönberg expliquait les « nombreuses juxtapositions de matériaux improbables dans le Trio comme des reflets de la fièvre qu’il avait subie », à savoir, « l’expérience du temps et des événements tels qu’ils sont perçus dans un état demi-conscient ou sous forte sédation » (cité par Walter Bailey). Le matériau musical évoque ainsi « l’alternance des phases de ‟souffrances et douleurs” et ‟d’apaisement et repos” » via l’introduction de contrastes extrêmes tout au long de la pièce.

Les deux premières parties du Trio, appelées respectivement « Partie 1 » et « Premier épisode » sur la partition, évoquent cette dichotomie tout en présentant le matériau thématique de base de l’œuvre. Dans la Partie 1, la souffrance et la confusion s’expriment dans l’emploi que fait Schönberg de la technique dodécaphonique, amplifiée par les dissonances et les effets sonores grinçants, les changements rapides de motifs musicaux, et les sauts de registres extrêmes. Ce chaos organisé ouvre ensuite la voie au calme relatif du Premier épisode, où le lyrisme et des touches de tonalité adoucie tiennent le haut du pavé. À mi-chemin émergent les fragments d’une valse – un rappel de la ville natale de Schönberg, Vienne, qu’il avait quittée définitivement pour s’établir aux États-Unis dans les années 1930. Tout ce matériau est davantage développé dans la Partie 2 et surtout dans le Deuxième épisode, où il atteint son paroxysme dans une phrase de douze notes jouée à l’unisson. La Partie 3 récapitule différentes parties de la première moitié de la pièce, dans une sorte de méditation qui résume ce qui s’est produit précédemment. À la fin, l’œuvre glisse tout doucement dans les fragments de valse.

Les contrastes extrêmes caractérisent également le mouvement « Heiliger Dankgesang » de Beethoven. Deux sections de musique radicalement différentes sont présentées tour à tour, deux fois chacune, avec un segment final qui s’efforce de les réconcilier. La première, que Beethoven a baptisée « Chant sacré d'action de grâce d’un convalescent à la Divinité dans le mode lydien », introduit un air très simple, s’apparentant à un hymne, qui progresse un pas à la fois, avec des changements progressifs d’harmonisation. Le rythme de leur procession est d’une lenteur presque douloureuse, et la tension que subissent les inteprètes pour soutenir ce rythme magnifie son aura d’un autre monde. Cette évocation raréfiée de l’au-delà est soudainement interrompue par un retour à « l’ordinaire ». Marquée sur la partition comme la « sensation d’une force renouvelée » et écrite dans la tonalité de majeur, cette section est, par son style, tout ce que l’autre n’est pas : des phrases semblables à des danses, des trilles étincelants, de délicats contrepoints, et des lignes de basse bondissantes… une vision exaltante du retour à la vie ou de son renouvellement. Dans la section finale, seule la première phrase de l’hymne est reprise, chacun des instruments prenant l’initiative à tour de rôle en un contrepoint très élaboré. Après l’atteinte d’un intense point culminant, la tension se relâche à la faveur des dernières réexpositions de la phrase de l’hymne. À la fin, on ressent, comme membre de l’auditoire, l’impression ineffable d’avoir subi soi-même une profonde transformation.

Entre les œuvres de Schönberg et de Beethoven, on entendra le Mouvement pour trio à cordes du compositeur américain Coleridge-Taylor Perkinson (1932–2004). Perkinson a connu une fructueuse carrière de compositeur et chef d’orchestre, embrassant un large spectre musical qui allait de la musique classique à la musique populaire et au jazz, en passant par les musiques pour le cinéma et la télévision. Parmi ses nombreux faits d’armes, il a fondé l’ensemble Symphony of the New World à New York, et dirigé le Center for Black Music Research ainsi que le New Black Music Repertory Ensemble au Columbia College de Chicago.

Le Mouvement pour trio à cordes a été l’ultime composition de Perkinson, écrite en février et mars 2004, tout juste avant de succomber au cancer qui l’a emporté le 9 mars. Dans le style d’une complainte qu’on croirait tirée d’un opéra baroque, mais avec des dissonances typiques du XXe siècle, le mouvement comporte une mélodie élégiaque prenant la forme d’un duo entre le violon et l’alto, sur une ligne chromatique descendante répétée dont les variations sont jouées par le violoncelle, avec les cordes alternativement pincées et frottées.

par Hannah Chan-Hartley

Répertoire

Trio pour cordes, opus 45

COLERIDGE-TAYLOR PERKINSON

Mouvement pour trio à cordes

LUDWIG VAN BEETHOVEN

Quatuor à cordes no 15 en la mineur, opus 132, mouvement III.

III. « Heiliger Dankgesang eines Genesenen an die Gottheit, in der Lydischen Tonart » : Molto adagio - Andante

Artistes

  • violon Yosuke Kawasaki
  • violon Jessica Linnebach
  • alto David Marks
  • violoncelle Rachel Mercer