2019-11-27 20:00 2019-11-30 22:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Zéro

https://nac-cna.ca/fr/event/21663

Après avoir signé des pièces jouant avec les chiffres de 1 à 9 et traitant de multiples facettes identitaires, Mani Soleymanlou revient à zéro, au grand vide. En replongeant dans ses carnets de notes, il tente de remonter à l’origine de lui-même et de puiser aux sources de son travail de création. À la suite d’Un, Deux, Trois, Ils étaient quatre, Cinq à sept, 8 et Neuf [titre provisoire], Mani...

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Studio Azrieli ,1 rue Elgin,Ottawa,Canada
27 - 30 nov 2019

≈ 1 heure et 40 minutes · Sans entracte

Nos programmes sont passés au numérique.

Balayez le code QR à l’entrée de la salle pour lire les notes de programme avant le début du spectacle.

Dernière mise à jour: 21 novembre 2019

« Mon père m’a appelé l’autre jour pour me raconter cette soirée.

Le soir où, assis dans sa fiat blanche 1983 deux portes, il roule tranquillement vers ce qui allait changer sa vie à jamais.

Les fenêtres ouvertes, il roule vers la maison.

Se fait fouetter par l’air chaud et humide.

L’odeur de la ville.

La radio toujours allumée.

On entend des nouvelles de la guerre.

Une révolution et une guerre.

En même temps.

Implosion et explosion.

Le soir où des Gardiens de la Révolution l’attendent à la maison.

Le soir où ils lui passent une cagoule sur la tête.

Le soir où ils l’emmènent avec eux. »

En farsi et en arabe, zéro c’est sefr : le vide.

Après avoir signé des pièces jouant avec les chiffres de 1 à 9 et traitant de multiples facettes identitaires, Mani Soleymanlou revient à zéro, au grand vide. En replongeant dans l’histoire de son père et en interrogeant ce qu’il parvient à transmettre à son fils, il tente de remonter à l’origine de lui-même et de puiser aux sources de son travail de création. Cherchant ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous divise, l’artiste retourne au souffle qui l’a amené à prendre la parole il y a huit ans pour son premier spectacle, Un. À ce vide. Avant ce qui survient. Ce zéro. Ce cercle primaire qui nous (r)attache les uns aux autres.

À écouter avant la représentation

En vue de votre visite prochaine au Théâtre français du CNA pour le spectacle Zéro, la compagnie Orange Noyée vous invite à écouter la pièce musicale suivante en vous rendant au théâtre : https://www.orangenoyee.com/zero-albin__/

Cette œuvre musicale d’Albin de la Simone est un préambule à l’expérience que vous vivrez. Nous vous invitons à partager ce lien avec ceux ou celles qui vous accompagneront.

C’est Zéro

Entretien avec Mani Soleymanlou
par Marc Cassivi

Marc Cassivi : Lorsque tu as créé Un, tu parlais « d’oublier l’Iranien » en toi. Tu avais envie de mettre de côté cette identité. Tu y replonges complètement avec Zéro

Mani Soleymanlou : On dirait que l’époque m’oblige à y replonger !

M. C. : Tu ne peux pas éviter ces questions identitaires…

M. S. : De moins en moins. Ça va bientôt faire dix ans que j’ai imaginé Un. C’était autre chose à l’époque. Au Québec, on était encore dans une forme d’exotisme par rapport à l’autre, à celui qui vient d’ailleurs. On demandait encore « d’où tu viens ? » par simple curiosité.

M. C. : Il n’y avait pas nécessairement de sous-entendus…

M. S. : Non. Dix ans plus tard, j’ai l’impression qu’on vit dans un monde, autant ici qu’ailleurs, où l’ennemi est l’autre. Comment se fait-il que le rapport à l’autre soit devenu si décomplexé, si envenimé ? Qu’on y est si insensible ? Je ne peux pas faire comme si ça n’existait pas. Aussi, j’ai eu un enfant depuis. L’idée de la transmission m’habite. Qu’est-ce qu’on m’a transmis ? Qu’est-ce que je transmets ? Est-ce que l’exil se transmet ? Je m’amuse à faire un préquel, comme dans Star Wars ! [Rires]

M. C. : Il y a une forme de déshumanisation dans ce rapport à l’autre…

M. S. : Exact. À partir du moment où l’on se permet d’être ouvertement raciste ou xénophobe ou islamophobe, on déshumanise.

M. C. : J’ai décidé aux dernières élections de voter pour un parti qui ne compte pas de candidats ouvertement xénophobes. Ça a beaucoup limité mes choix.

M. S. : C’est l’époque. C’est devenu un détail. Ça me rend fou. Malgré moi, il y a quelque chose en moi qui fait un lien entre la personne que je suis, ce que sont mes parents et ce regard-là. Même si on n’est pas musulmans et qu’on ne pratique pas l’islam. Mais c’est une époque où l’on se définit en opposition à l’autre : je suis binaire, tu es non binaire, je suis végétarien, tu es carnivore, je suis de gauche, tu es de droite, je suis de souche, tu es étranger. Et si on enlevait toutes ces choses qui nous divisent et nous séparent ? J’ai un enfant qui grandit dans ce monde-là. Qu’est-ce qui va le définir ? Comment va-t-il se définir ? Il va faire partie de quel projet social, quand même le climat divise les gens ?

M. C. : Il y a ce nom qu’il porte, très original, qui peut être lourd à porter…

M. S. : J’en parle dans la pièce. Je voulais recommencer à « zéro ». Faire le vide. Mais ultimement, est-ce même possible pour quelqu’un comme moi d’effacer le passé, après tant d’années ? De faire table rase de ce bagage génétique, politique, familial ? Il y a une ligne qui vient de se tracer entre mon père, moi et mon fils. Il y a trois Soleymanlou soudainement. Je suis la courroie de transmission entre l’échec d’une vie, celle de mon père, et une carte blanche. Je sers de filtre. Suis-je obligé de raconter à mon fils les histoires que mon père me raconte ? Qu’est-ce que je garde pour moi, enfoui ?

M. C. : Ton père, il y a un an, t’a raconté la véritable raison de son départ d’Iran, qui est différente de celle que tu avais assimilée jusqu’à présent…

M. S. : Il a pris le téléphone et il m’a raconté « out of the blue » la fois où il s’est fait cagouler un soir en rentrant à la maison, en Iran, après une journée au bureau. Il s’est fait conduire à la campagne pendant trois heures, on l’a interrogé pendant deux heures, puis on l’a reconduit à la maison. Il a pensé plusieurs fois que c’était fini. Qu’il sentirait quelque chose sur sa tempe et que c’en serait fait de lui. Ils ne l’ont pas tué, mais ils lui ont enlevé son essence, sa raison d’être, son pays, sa vie, tout son passé. Il y avait déjà la révolution, il y avait la guerre. Ça a été la goutte de trop. Le lendemain, il a décidé qu’on partait. Je raconte cette histoire dans le spectacle. Je raconte la vérité, après avoir fait Un, Deux, Trois

M. C. : La prémisse n’est plus la même…

M. S. : Je ne peux plus repartir à zéro. Mais peut-être que mon fils le peut. Je ne le sais pas. Peut-être qu’il le peut, avec ses amis de la garderie qui s’appellent Mehdi, Luke, Zhing, Olivia, et qui vont bâtir la société.

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Extrait d’un entretien provenant de La Presse+. L’intégralité de l’entretien se trouve ici.

Nous vous invitons à lire dans le Cahier Quinze du Théâtre français l’éclairant portrait de Mani Soleymanlou sous forme d’abécédaire conçu par Sophie Gemme, Xavier Inchauspé et Mani Soleymanlou (voir p. 54-65).

DIX
Épilogue à Zéro*

Samedi 30 novembre à 20 h | Quatrième Salle du CNA

Le samedi 30 novembre à 20 h, Zéro se poursuit avec Dix ! Tous les spectateurs et toutes les spectatrices qui auront vu le solo de Mani Soleymanlou sont convié.e.s à la Quatrième Salle du CNA pour assister à une représentation unique de Dix, où dix artistes de la région viendront compléter, transformer, contredire, ou déconstruire Zéro. Ou en faire écho.

Ces dix personnalités ont écrit des compositions originales (théâtre, stand-up, chanson, poésie, etc.) qu’ils livreront eux-mêmes sur scène. Chacun et chacune, à sa manière, tentant de répondre à ces questions : « Et si je pouvais tout recommencer, tout repenser et repartir à zéro, qui serai-je aujourd’hui ? Qu’est-ce que j’en ferai de cette remise à zéro ? »

Avec
Marjolaine Beauchamp
Louis-Philippe Roy
Jean Marc Dalpé
Pierre Antoine Lafon Simard
Charlotte L’Orage
Julien Morissette
Blaise Ndala
Karina Pawlikowski
Catherine Voyer-Léger
Caroline Yergeau

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* À noter que l’accès à Dix se fera dans la limite des places disponibles. Pas de réservations. Veuillez vous présenter à la Quatrième Salle du CNA le 30 novembre à 20 h avec votre billet pour Zéro.

Orange Noyée

« Orange Noyée est née d’un cri, profondément enfoui en moi et dont je ne soupçonnais pas vraiment l’existence. Un cri qui a surgit en 2011 et devint mon premier spectacle solo : Un. »
― Mani Soleymanlou

Fondée à Montréal en 2011 par Mani Soleymanlou, la compagnie Orange Noyée tient son nom d’une tradition persane. Lors du Nouvel An iranien, parmi d’autres éléments qui décorent la maison, on trouve un bol d’eau à l’intérieur duquel flotte une orange. Celle-ci représente la terre flottant dans son univers, le bol d’eau. L’appellation Orange Noyée invoque la noyade de la terre, dans son univers. L’idée que nous sommes submergés par notre temps, notre époque, est au cœur de la réflexion de la compagnie et des artisans qui y œuvrent.

En travaillant de nouvelles formes d’écriture collective et en développant une démarche intimiste, quasi documentaire, les spectacles d’Orange Noyée mettent de l’avant les interprètes qui jouent un rôle de premier plan dans la création. Tout y est dit sans retenue, sans filtre, afin de jouer avec les codes et troubler la frontière entre la scène et la salle. En cherchant à développer ainsi un espace de partage, le théâtre d’Orange Noyée se veut engageant, avant d’être engagé. Zéro n’y fait pas exception : huit ans après Un, c’est Mani Soleymanlou qui reprend la parole, seul en scène.

Directeur artistique : Mani Soleymanlou
Secrétaire général : Xavier Inchauspé
Responsable du développement : Stéphanie Laurin
Comptabilité : Dumont/St-Pierre

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Orange Noyée tient à remercier le Théâtre Aux Écuries, le Théâtre Espace GO, Sibyllines / Théâtre de création et Bruno Archambault.

Artistes

  • Texte, mise en scène et interprétation Mani Soleymanlou